Un nominé au poste de chef de Tsahal suggère davantage d’assassinats ciblés en Iran
Dans un document intitulé « Contrer la stratégie régionale de l’Iran », Eyal Zamir estime que les milices soutenues par Téhéran en Syrie pourraient se joindre au Hezbollah
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Eyal Zamir, l’un des militaires retenus pour le poste de chef de l’armée israélienne, explique dans un long rapport comment l’Iran s’est implanté de manière significative en Syrie. Il estime en outre que l’un des moyens pour déjouer les avancées iraniennes consiste à intensifier la campagne d’assassinats de responsables militaires iraniens.
Dans un document de 74 pages publié en sa qualité de chercheur au Washington Institute, Zamir a déclaré que l’Iran était parvenu à établir une infrastructure militaire complète en Syrie, y déployant des missiles et des drones qui constituent aujourd’hui une menace directe pour Israël.
Le rapport, intitulé « Contrer la stratégie régionale de l’Iran » et daté du 8 mai, a été publié mardi.
« Certaines milices iraniennes sont basées dans des camps spéciaux en Syrie, et dans le cas d’une opération israélienne contre le Hezbollah au Liban, elles pourraient tout-à-fait tirer des missiles depuis les profondeurs de la Syrie sur des cibles israéliennes », a écrit Zamir.
Le mois dernier, Tsahal a organisé un exercice militaire de grande ampleur à Chypre, simulant une offensive terrestre à l’intérieur du Liban contre un Hezbollah adossé à l’Iran. Il s’agit du plus grand exercice de l’armée depuis des décennies, simulation d’une guerre totale axée sur la frontière nord d’Israël.
Le Hezbollah est depuis longtemps un adversaire important de Tsahal, et son arsenal de près de 150 000 roquettes et missiles est susceptible d’atteindre en tout point Israël.
Selon Zamir et d’autres rapports militaires récents, d’autres milices iraniennes basées en Syrie se joindraient, en cas de guerre, au Hezbollah, et pas seulement avec des tirs de missiles.
« Il faudrait relativement peu de temps pour les déplacer à la frontière syro-israélienne, pour affronter l’armée israélienne sur les hauteurs du Golan, ou pour les transférer au Liban, pour combattre aux côtés du Hezbollah », a expliqué Zamir.
Il a ajouté que le Corps des Gardiens de la Révolution islamique d’Iran « était l’épine dorsale du régime et son principal moyen de domination de la région », évoquant plusieurs axes dont Israël et ses alliés pourraient faire usage pour déjouer les plans du CGRI.
« Cibler les dirigeants, commandants et principaux agents de l’organisation responsables de la planification et de l’exécution d’attentats terroristes et de subversion, délivrer des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de personnes désignées et mener des assassinats ciblés contre ceux qui fomentent les attentats (le modèle Soleimani) », détaille-t-il dans le rapport, évoquant l’assassinat par les États-Unis en 2020 du chef de la Force expéditionnaire Quds du CGRI.
Il estime que davantage de mesures doivent être prises pour s’en prendre efficacement aux installations iraniennes, y compris les silos à missiles et usines de fabrication, défenses aériennes et circuits d’approvisionnement de ses alliés.
« [Il s’agit de] porter atteinte au centre de gravité opérationnel du CGRI – ses capacités de frappe à longue portée telles que roquettes, missiles et drones – par une action secrète contre les usines de fabrication et principales bases opérationnelles et avancées de missiles et de drones, tout en préparant un plan d’action pour endommager le système défensif iranien », explique Zamir dans le rapport.
« Neutraliser ou a minima perturber les circuits d’approvisionnement – sur terre, dans les airs et en mer – du CGRI pour soutenir ses alliés et milices », ajoute-t-il, expliquant l’utilisation par Téhéran de la Syrie comme plaque tournante du transport d’armes envoyées à ses mandataires dans la région, et principalement le Hezbollah.
« L’Iran travaille constamment à renforcer ses frontières terrestres, aériennes et maritimes, et à sécuriser ses actifs stratégiques », explique-t-il.
Zamir considère que, bien que la “voie aérienne ait été altérée assez significativement”, la voie maritime est toujours « active » et l’Iran utilise régulièrement des pétroliers pour faire passer armes et pétrole de contrebande vers la Syrie, essentiellement par le port de Lattaquié.
Il estime que l’Iran tente d’établir une « contiguïté territoriale » dans la région, « reliant l’Iran au Liban via l’Irak et la Syrie, jusqu’aux ports de la Méditerranée et aux frontières d’Israël » dans le cadre de ses objectifs d’hégémonie régionale et de ses ambitions de superpuissance.
« La bande territoriale est un axe logistique crucial sur terre, dans les airs et en mer, permettant de déplacer des soldats, des armes et des provisions relativement facilement et rapidement », assure Zamir.
« Par conséquent, l’une des principales fonctions des Gardiens de la révolution est de sécuriser ce corridor à tout prix, comme en témoignent les conflits des dix dernières années pour le contrôle de l’Irak, de la Syrie et du Liban. »
Lundi, le ministre de la Défense Benny Gantz a révélé que des images satellites avaient mis en évidence un niveau d’activité maritime militaire iranienne en mer Rouge « sans précédents » depuis une dizaine d’années.
L’Iran et Israël se livrent une guerre de l’ombre depuis des années – jusqu’en mer –, mais les tensions se sont récemment intensifiées suite à une série d’incidents très médiatisés que Téhéran impute à Jérusalem.
Un certain nombre de membres du CGRI et de scientifiques ont été tués ces derniers mois et l’Iran ne peut s’empêcher de penser qu’Israël en porte la responsabilité.
L’Iran soupçonnerait Israël d’avoir tué deux scientifiques iraniens en les empoisonnant, il y a plusieurs semaines. Le détail des fonctions de ces hommes, des circonstances de leur mort et de leurs liens avec le gouvernement reste incertain.
Selon une information donnée la semaine dernière par le New York Times, ces opérations – que l’on attribue à Israël – ont profondément infiltré et ébranlé les services de renseignement iraniens et ont même conduit à la destitution du chef du renseignement du CGRI, Hossein Taeb, qui occupait ce poste depuis plus de 12 ans.
Gantz a récemment déclaré que la nomination d’un nouveau chef d’état-major militaire avant les prochaines élections israéliennes de novembre relevait d’une « nécessité stratégique ».
La procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré mardi que « rien ne s’opposait dans l’absolu » à une telle nomination en pleine campagne électorale et qu’elle rendrait sa décision sur le fond « sans aucune ingérence extérieure », laissant entendre qu’elle pourrait autoriser cette opération peu commune.
Les autres candidats au poste de chef d’état-major de Tsahal, cités par Gantz le mois dernier, sont Herzi Halevi, actuel chef d’état-major adjoint, et Yoel Strick, ex-commandant des forces terrestres de l’armée, également chercheur dans un groupe de réflexion à Washington.
Halevi est considéré comme favori et Zamir, comme un outsider. Il a deja été candidat en 2018, mais n’avait finalement pas été retenu pour succéder à Gadi Eisenkot.
L’équipe du Times of Israel a contribué à la rédaction de cet article.