Un projet de réensauvagement transformera des bordures de champ en éco-corridors
La capacité des insectes, des petits animaux et des végétaux à se déplacer sans risque stimulera la biodiversité tout en répondant aux normes d'écoagriculture de l'UE
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Le coup d’envoi d’un projet – le tout premier en son genre – visant à relier des parcelles de terres agricoles qui ne sont pas utilisées et d’autres par le biais d’un écocorridor qui pourra être emprunté par les insectes, les petits animaux et les plantes pour passer d’un espace naturel à un autre a été donné dimanche dans l’Ouest de la Galilée, dans le nord d’Israël.
L’objectif est d’offrir un couloir continu entre les rivières Keziv et Gaaton qui permettra de faciliter le passage des mammifères et des reptiles – comme les blaireaux, les hérissons, les mangoustes ou les tortues – et celui des insectes tels que les papillons, les bourdons ou les mantes religieuses.
Pour assurer le lien entre ces parcelles de terre, le projet utilise les bordures des champs qui délimitent ces derniers – dans ce cas précis, il s’agit des vergers où les avocats sont cultivés et qui, parce qu’elles ne sont pas exploitées, n’ont pas réellement d’intérêt pour les agriculteurs.
Une entreprise locale spécialisée dans la commercialisation des fruits s’est impliquée au cœur du projet pour garantir que les agriculteurs qui cultivent ces avocats respectent bien les normes environnementales et de biodiversité établies par l’Union européenne, et que les insectes qui pollinisent les végétaux et qui se nourrissent de parasites sont protégés.
La surface destinée à revenir à l’état naturel dans ce projet de rewilding – ou de réensauvagement – combinera 40 zones de dites « haies champêtres » sur un total de 8,5 hectares, à proximité de deux réservoirs d’eaux usées traités. La surface traverse cinq kibboutzim – Kabri, Yehiam, Kfar Masaryk, Gesher HaZiv et Saar – et l’éco-corridor parcourt également 1 600 hectares de la vallée de Koren, entre les deux ruisseaux.
Dans les pays européens, comme au Royaume-Uni, les agriculteurs sont encouragés à replanter et à mieux gérer les lisières des champs pour qu’elles puissent servir au mieux l’épanouissement de la vie sauvage.
Les haies champêtres qui ont été installées en Europe marquent les limites des champs et elles aident à contrôler les déplacements du bétail. Toutefois, elles n’existent pas en Israël, ce qui explique pourquoi elles ont été spécialement prévues et étudiées dans le cadre de ce projet.
La première étape de ce travail comprendra l’arrachage des plantes invasives et la plantation de 10 000 pousses – arbres, arbustes et bulbes – issues de 83 espèces natives, selon le responsable du projet, Aviv Avisar, spécialiste en écologie, qui dirige l’unité de recherche et de politique au sein de l’Institut Deshe au musée d’Histoire naturelle Steinhardt de l’université de Tel Aviv.
Des trous seront réalisés dans les clôtures.
Dans environ un an, quand ces habitats se seront stabilisés, des végétaux en danger d’extinction seront plantés.
Les agriculteurs impliqués se sont engagés à maintenir ces haies champêtres.
Avisar explique que si les cartes d’éco-corridors – qui connectent la vie sauvage aux zones naturelles protégées – incluent souvent les terres agricoles comme étant des espaces ouverts, la réalité est que ces dernières sont généralement très peu accueillantes pour la faune et pour la flore israéliennes.
Les dangers vont d’un sol labouré à l’utilisation de produits chimiques, aux passages des tracteurs et autres équipements lourds, en allant jusqu’à l’incapacité de trouver, pour les animaux, une alimentation appropriée.
« Un papillon se déplace en fonction de sa nourriture. S’il n’y a pas une alimentation appropriée dans un champ, alors il ne s’y rendra pas », explique-t-elle. « Certaines guêpes (importantes parce qu’elles se nourrissent de pucerons et d’autres parasites pour l’agriculture) se mettent en état d’estivation (un état de somnolence, comparable à l’hibernation) », continue-t-elle. « Et pendant cette période, elles ont besoin d’un habitat tranquille ».
De nombreuses petites créatures avancent lentement, note-t-elle, et elles peuvent avoir besoin de plusieurs jours pour traverser un champ, avec des périodes de sommeil. Pour d’autres, comme les lézards, les rongeurs et certains arthropodes, la traversée d’un corridor écologique peut se faire sur plusieurs générations.
Les insectes prédateurs qui se nourrissent des parasites présents sur les récoltes ou qui aident à la pollinisation doivent aussi pouvoir se déplacer en toute sécurité et trouver l’alimentation qui leur convient sur le trajet qu’ils parcourent, poursuit-elle.
L’institut s’est associé à plusieurs partenaires – la coopérative Milopri, spécialisée dans l’emballage et dans la commercialisation de fruits, l’Autorité de drainage de l’Ouest de la Galilée et l’Association environnementale du secteur, qui représente 17 autorités locales.
Le projet est financé par une subvention de 300 000 shekels qui a été allouée par le Fonds de protection des espaces ouverts, qui avait été créé en 2009 par l’Autorité des terres israéliennes (ILA).
L’ILA alloue un pour cent de ses revenus au fonds, et elle a eu 300 millions de shekels à distribuer cette année.
Mais, comme l’a dit Avisar lors d’une conférence organisée mercredi par la Société de protection de la nature, avec l’aide de l’Autorité de la nature et des parcs et de la fondation Konrad Adenauer, le fonds ne soutient pas les recherches.
Or, il est déterminant de pouvoir évaluer l’impact de l’éco-corridor dans le temps sur la nature et sur la productivité agricole, a-t-elle noté. Elle s’efforce actuellement de trouver de l’argent ailleurs pour faire les recherches indispensables.
« Nous voudrons encourager d’autres agriculteurs à faire cela à l’avenir – mais qu’aurons-nous à leur montrer ? », s’interroge-t-elle.
Sagit Haim, responsable de la qualité à la coopérative de Milopri, déclare que cela fait plusieurs années que la compagnie travaille avec Avisar sur des projets environnementaux. Ce qui a compris la création d’un étang hivernal au Kibboutz Shomrat, ainsi que des « jardins – refuges » pour les végétaux en danger qui ont disparu du secteur à cause de l’agriculture intensive.
Milopri, qui emballe et qui commercialise des produits pour 25 kibboutzim, trois moshavim et 37 exploitants privés, exporte les trois quarts de ses avocats et principalement en Europe, explique-t-elle.
Les normes environnementales et de protection y sont en constante évolution.
Elle dit que la coopérative a travaillé pendant des années avec les agriculteurs sur différentes pratiques – la gestion des déchets la plus appropriée, l’utilisation de l’eau la plus efficace – il s’agit, en majorité, d’eux usées qui ont été traitées – ou de l’usage le plus minimaliste possible de pesticides chimiques ou de désherbant.
Elle ajoute que « en plus de respecter les normes, nous voulons encourager la biodiversité qui garantira qu’il y aura suffisamment d’insectes qui polliniseront les avocats ».