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Un rabbin passe 7 ans à traduire la Torah en roumain

Afin de traduire l'intégralité de la Bible, Sorin Rosen a pris le temps d'apprécier les textes qui changent la façon dont les Juifs roumains abordent la tradition

Le rabbin Sorin Rosen est le plus jeune grand rabbin de Roumanie. (Crédit : Rabbin Sorin Rosen/JTA)
Le rabbin Sorin Rosen est le plus jeune grand rabbin de Roumanie. (Crédit : Rabbin Sorin Rosen/JTA)

JTA – En tant que rabbin moderne orthodoxe travaillant dans une école juive à Montréal, Sorin Rosen sait se servir d’un livre de prières. Mais cela n’a pas toujours été le cas.

« Je me souviens que lorsque j’étais enfant et que j’ai commencé à aller à la synagogue, j’ai dû tenir mon siddour à l’envers pendant trois mois jusqu’à ce que quelqu’un me dise ‘comment je devais le tenir’ « , explique Rosen, se remémorant une anecdote vécue lorsqu’il n’était encore qu’un adolescent dans sa Roumanie natale.

Aujourd’hui, Rosen a créé un outil historique pour aider les Juifs comme lui : le tout premier Houmach en roumain, ou texte de la Torah. Tora si Haftarot, qui est à la fois traduit et translittéré en roumain, a été dévoilé lors d’une cérémonie qui s’est tenue dimanche à la synagogue chorale de Bucarest et qui visait à célébrer à la fois le livre lui-même et les efforts déployés par Rosen pendant sept ans afin de le voir publié.

« J’avais prévu que ce serait un long projet. Je ne m’attendais pas à ce qu’il prenne autant de temps, mais j’étais prêt à m’engager à long terme », a déclaré Rosen à la Jewish Telegraphic Agency.

« C’est quelque chose qui m’a toujours tenu à cœur. Je me suis dit que si je pouvais aider les gens à éviter cette phase [de ne pas savoir comment participer aux pratiques juives] et à faciliter leur engagement, alors l’effort en valait la peine. »

La traduction de Rosen est son cadeau à une communauté juive qu’il a un temps dirigée mais qu’il a finalement décidé de quitter. Né à Bucarest d’un père juif et d’une mère orthodoxe orientale, Rosen s’est engagé dans la vie juive dès l’adolescence, pour finalement devenir le grand rabbin du pays après avoir obtenu son diplôme de la Yeshivat Chovevei Torah, un établissement d’enseignement affilié à la mouvance moderne orthodoxe de New York, en 2007.

Il s’est officiellement converti au judaïsme en Israël en 2000 et est devenu le premier grand rabbin moderne orthodoxe de Roumanie à 29 ans, devenant officiellement le plus jeune grand rabbin en Europe.

Mais après avoir rempli leur contrat de trois ans, Rosen et sa femme ont décidé de s’installer dans un endroit où la communauté juive était plus solide. Ils se sont dirigés vers Montréal, où ils travaillent tous les deux dans le domaine de l’éducation et où la famille s’est intégrée à la communauté orthodoxe florissante de la ville.

Sorin Rosen a traduit et translittéré le texte de la Torah en roumain. (Crédit : Rabbin Sorin Rosen/JTA)

« Comme mes enfants approchaient de l’âge de la scolarité, je voulais pouvoir leur offrir des choix et des possibilités en matière d’éducation juive », a déclaré Rosen.

« Malheureusement, la Roumanie a des difficultés dans ce domaine. »

La Roumanie était autrefois un véritable foyer de vie juive, avec une population juive d’environ 800 000 personnes avant la Shoah. Son régime antisémite a très tôt assassiné la quasi-totalité des Juifs dans certaines régions du pays, mais finalement, la majorité des Juifs du pays ont survécu – avant de partir pour Israël ou ailleurs dans la seconde moitié du XXe siècle. La Roumanie se démarquait des autres pays communistes en cela qu’elle permettait aux Juifs d’émigrer librement. Aujourd’hui, on estime que moins de 10 000 Juifs vivent encore en Roumanie.

« Je soupçonne le nombre d’être plus proche de 5 000 », a déclaré Rosen, notant que les Juifs roumains ont tendance à être laïcs et que beaucoup ont épousé des non-Juifs. « Les membres de la communauté sont, pour la plupart, très dévoués au judaïsme ; ils participent aux fêtes juives et aux événements communautaires et essaient de maintenir la ‘flamme’ en vie », a-t-il cependant ajouté.

Désormais, ils auront Tora si Haftarot comme outil pour les aider, qui s’ajoute à plusieurs autres traductions de textes juifs en roumain, réalisées par Rosen au cours de la dernière décennie.

Le Houmach se distingue de plusieurs manières. Bien qu’il existe plusieurs traductions roumaines de la Bible hébraïque, toutes sont réalisées d’un point de vue chrétien. Il s’agit de la première traduction juive roumaine, qui comprend non seulement le texte en hébreu mais aussi la translittération phonétique de l’ensemble du texte en alphabet latin. On y trouve également quelque 4 000 courtes explications et annotations basées sur des commentateurs juifs classiques tels que Rashi et Ibn Ezra et sur des textes tels que le Midrash et le Talmud.

« Pour la communauté roumaine, c’est une chose phénoménale », a déclaré Rosen.

La Torah en roumain. (Crédit : Rabbin Sorin Rosen/JTA)

« Même s’ils souhaitent s’impliquer dans la vie juive, beaucoup ne savent pas lire l’hébreu. S’ils le savent, leurs compétences en hébreu sont très limitées. »

Si l’ensemble du projet s’est étalé sur sept ans, de l’idéation à la réalisation, Rosen a réalisé la majeure partie du travail pendant la pandémie. Il a traduit, translittéré et mis en forme le contenu à lui tout seul, puis a fait appel à sa femme, Livia, et à ses amis montréalais Mihnea Guttman et Bobby Shaul comme éditeurs. Une fois le livre prêt pour l’impression, Rosen a récolté 13 000 dollars en quelques jours via une campagne GoFundMe, ce qui lui a permis d’imprimer 700 exemplaires, dont quelques centaines ont été distribués gratuitement aux communautés juives de Roumanie. Le produit de la vente des autres exemplaires est destiné à la réimpression et à d’autres projets similaires.

« Honnêtement, même si je croyais évidemment au projet, je ne m’attendais pas à une telle manifestation de soutien », a déclaré Rosen, qui a finalement reçu plus de 17 000 dollars de dons de la part de plus de 100 donateurs individuels.

« Savoir que j’en ai fait partie et que mon projet a permis à des gens de contribuer à une cause aussi valable et significative est vraiment extraordinaire. »

Environ 250 personnes étaient attendues pour le lancement officiel de Tora si Haftarot, auquel Rosen a assisté à distance, depuis Montréal. Il devait s’exprimer brièvement aux côtés des dirigeants de la communauté juive roumaine, qui disent voir dans le Houmach un outil crucial pour mobiliser leurs électeurs.

« Le rabbin Rosen nous a offert un cadeau inestimable, pour lequel notre communauté lui est très reconnaissante », a déclaré Eduard Kupferberg, secrétaire général de la Fédération des communautés juives de Roumanie.

« Avec la publication du tout premier Houmach roumain, nous faisons un pas de plus pour assurer l’avenir juif de notre communauté et pour maintenir la flamme juive vivante dans la conscience et l’âme des membres de notre communauté. »

Le directeur du JDC Roumanie, Israel Sabag, accueillant un groupe de Juifs d’Ukraine du côté roumain de la frontière. (Crédit : Marcel Gascón Barberá/JTA)

Si le Houmach de Rosen est le projet le plus important et le plus compliqué qu’il ait entrepris à ce jour, il est loin d’être le premier ouvrage qu’il ait produit pour la communauté juive roumaine. En 2001, il a publié un Birkon Shabbat traduit et translittéré, un livret contenant des bénédictions et des chants liés au Shabbat et aux fêtes. Il a ensuite publié une megillah de Pourim (Livre d’Esther) et la haggadah de Pessah en 2003 (une deuxième édition a été publiée en 2021) et le livre de prières Lemaan Achai en 2011.

« Le siddour du rabbin Rosen a ouvert les portes de la prière à ceux qui ne peuvent pas lire couramment l’hébreu et est devenu le livre de prière de référence pour la communauté juive roumaine, ainsi que pour d’innombrables autres Juifs roumanophones », a déclaré le rabbin Rafael Shaffer, actuel grand rabbin de Roumanie.

« Dans le même ordre d’idées, le Houmach traduit par le rabbin Rosen mérite de devenir la traduction de référence de la Torah pour tous les Juifs roumanophones, où qu’ils se trouvent. »

N’ayant amassé suffisamment de fonds pour n’imprimer que 700 exemplaires de Tora si Haftarot, Rosen est impatient de collecter plus d’argent pour imprimer une deuxième édition, qui, selon lui, sera basée sur la première.

« Il n’existe pas de traduction parfaite », a-t-il déclaré.

« C’est tout simplement impossible. Dès que vous commencez à traduire, vous commencez automatiquement à interpréter. Et nous sommes humains ; nous faisons des erreurs. Il y a une coquille par-ci, une erreur de traduction par-là. Sur mon site web, j’invite les gens à signaler les modifications qu’ils jugent nécessaires et qui seront prises en compte pour la deuxième édition. »

La synagogue principale de Satu Mare, dans le nord de la Roumanie. (Crédit : Cnaan Liphshiz)

Lancé en 2001, le site Web de Rosen, en langue roumaine, contient des centaines de commentaires sur la paracha de la semaine, la prière Amidah qui est au cœur de la liturgie juive entre autres textes, ainsi que près de 500 réponses à des questions juives posées par les visiteurs. La liste de diffusion associée au site compte plus de 1 000 abonnés de toutes confessions.

Rosen ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Mon projet est, si Dieu le veut, de traduire l’intégralité du Tanakh », dit-il, en faisant référence à la Bible hébraïque élargie qui comprend également des écrits historiques, des livres de prophétie et bien d’autres choses encore. Il travaille déjà à la rédaction d’un livre de prière pour les fêtes de fin d’année, ou machzor, en collaboration avec Shaffer, d’un livre de psaumes, et plus encore.

Mais pour l’instant, il prend un moment pour apprécier le fruit de son travail qui change déjà la façon dont les Juifs roumains s’engagent dans leur tradition.

« J’éprouve de la joie et de la gratitude envers Hashem [Dieu], mes amis et ceux qui m’ont soutenu pour avoir pu achever ce travail, et je suis très honoré du soutien et des encouragements extraordinaires que j’ai reçus », a déclaré Rosen.

« Je suis ravi qu’il ait été mis en lumière, afin qu’il puisse être utile et, espérons-le, apporter un sens et une étincelle juive dans la vie de tant de personnes. Je crois fermement que si ce projet a inspiré ne serait-ce qu’une seule personne, cela en valait la peine. »

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