Un tiers des ménages israéliens dépensent plus qu’ils ne gagnent face au coût de la vie
Avec 2,5 millions d’Israéliens à découvert, les ménages peinent à joindre les deux bouts ; les banques profitent de taux d’intérêt élevés et engrangent des bénéfices records
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
Plus d’un tiers des ménages israéliens dépensent chaque mois des milliers de shekels au-delà de leurs revenus, luttant pour joindre les deux bouts dans un contexte de hausse des impôts et des prix en période de guerre, alors que les taux d’intérêt demeurent élevés.
Une estimation d’avril 2024 avait indiqué que 2,5 millions de ménages israéliens avaient un compte bancaire à découvert, soit environ 39 % de la population israélienne âgée de plus de 18 ans, selon les données de Fresh Start, une organisation à but non lucratif spécialisée dans l’aide aux ménages et entreprises lourdement endettés.
Les dernières données de la Banque d’Israël publiées cette semaine révèlent que les banques israéliennes ont facturé aux ménages ayant des comptes à découvert un taux d’intérêt élevé de 12,7 % en moyenne en novembre 2024, contre 11 % en moyenne à la fin de l’année 2023. À titre de comparaison, les ménages payaient en moyenne 9 % d’intérêts sur les prêts à la consommation. Les découverts cumulés des citoyens israéliens avaient atteint 9,75 milliards de shekels à la fin du mois de novembre, selon les données disponibles.
Les banques israéliennes, à l’inverse, offrent un taux d’intérêt moyen de 3,5 à 4 % sur les dépôts en shekels. Cet écart important impose aux ménages de supporter des taux d’intérêt très élevés sur leurs dettes, aggravant leurs difficultés financières. En conséquence, des milliers de familles israéliennes dépensent au-delà de leurs moyens et se retrouvent prises au piège des taux prohibitifs, incapables de rembourser leurs emprunts.
« Au cours du dernier mois, environ 1 200 familles en situation de surendettement se sont tournées vers nous, soit presque le double de ce que nous avions observé avant le début de la guerre en octobre 2023 », a déclaré Sharon Levin, directrice de la communication et des affaires publiques de Paamonim, une organisation à but non lucratif spécialisée dans les conseils financiers et l’assistance aux ménages endettés, au Times of Israel.

« De nombreux ménages ont contracté des emprunts supplémentaires alors qu’ils se trouvaient déjà à découvert, cherchant désespérément à briser le cycle de l’endettement, face à des taux d’intérêt qui restent élevés, à la guerre qui a déplacé les familles de leurs communautés et face au rappel de nombreuses personnes pour effectuer leur service de réserve. »
« Depuis le début de la guerre, les coûts de remboursement des dettes ont augmenté en moyenne d’environ 1 500 shekels par an et par ménage », a estimé Levin.

La dette moyenne des familles qui s’adressent à Paamonim a également augmenté, atteignant désormais entre 100 000 et 120 000 shekels. Levin a précisé que l’organisation aide ces ménages à retrouver une stabilité financière grâce à des conseils et à un accompagnement adapté.
« Même avant la guerre, le coût moyen des paiements hypothécaires mensuels avait déjà grimpé de 800 à 1 200 shekels, en raison des hausses régulières des taux d’intérêt entamées il y a environ deux ans », a-t-elle expliqué.
Pendant ce temps, les principaux établissements bancaires israéliens, dont la Bank Hapoalim et la Bank Leumi, ont enregistré des bénéfices nets records au cours des deux dernières années. Les taux d’intérêt élevés et la montée de l’inflation ont boosté leurs revenus financiers et permis à leurs activités de crédit et de prêt de prospérer. Les détenteurs d’hypothèques ont, en revanche, vu leurs coûts de remboursement s’envoler, amplifiant encore davantage le coût de la vie déjà très élevé dans le pays.
De mi-2022 à 2023, la Banque d’Israël avait relevé son taux d’intérêt directeur de 0,10 % à 4,75 %, permettant ainsi aux banques d’augmenter les taux pour les emprunteurs et d’accroître considérablement les coûts pour les détenteurs de prêts hypothécaires.
Pendant la guerre, la Banque centrale n’a réduit les coûts de l’emprunt qu’une seule fois, en janvier 2024, malgré une inflation persistante. Les taux d’intérêt sont restés à 4,5 %, exerçant une forte pression sur les ménages et sur les entreprises dans une économie déjà fragilisée.
« Les taux d’intérêt restent élevés, les dépenses de base des ménages augmentent en raison de la hausse des prix et des impôts, mais les revenus, eux, ne suivent pas », a expliqué Tomer Rabinowicz, avocat spécialisé dans les faillites et fondateur de Fresh Start, une organisation à but non lucratif qui offre des conseils juridiques et un encadrement pour aider les ménages et les entreprises à surmonter leur endettement.
Les prêteurs israéliens sont sous le feu des critiques pour avoir généré des profits records grâce aux taux d’intérêt élevés sur les prêts hypothécaires, les crédits à la consommation et les découverts bancaires, tout en tardant à offrir des taux équitables pour rémunérer les dépôts sur les comptes courants.

Amir Yaron, gouverneur de la Banque d’Israël, a déploré l’écart important entre ce que les banques gagnent sur les crédits à la consommation et ce qu’elles offrent pour les dépôts sur les comptes courants, alors même que la banque centrale a relevé ses taux d’intérêt ces dernières années.
« Les banques réalisent des milliards de shekels de bénéfices tandis que des entreprises s’effondrent sous l’effet de la guerre, en raison des appels au service militaire et des évacuations rapides des citoyens – ce n’est pas juste », a déclaré Rabinowicz. « La Banque d’Israël devrait exiger des prêteurs qu’ils assument une responsabilité non seulement envers leur propre stabilité financière, mais aussi envers celle de leurs clients en supervisant, par exemple, le pourcentage des prêts à haut risque. »
« Avec une intervention correcte, il est possible de sauver les entreprises et les ménages très endettés. Le gouvernement devrait investir dans l’éducation financière, l’orientation et le mentorat, plutôt que d’accorder davantage de prêts », a-t-il ajouté.