Volker Türk : L’antisémitisme, un « fléau mortel » parfois l’objet d’une « instrumentalisation »
Le représentant de l'ONU en matière de droits de l'homme a souhaité faire une mise au point pour rappeler que les Nations unies sont sensées être impartiales : "telle est la vérité radicale des droits humains"
« L’antisémitisme existe bel et bien, et il est abominable : c’est une idéologie toxique, profondément enracinée dans le sectarisme et le racisme, qui continue de ronger notre monde », mais « les tentatives de coller l’étiquette de l’antisémitisme à des préoccupations légitimes en matière de droits humains ont considérablement augmenté depuis les horribles attaques du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023 », a écrit le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk.
Dans cette tribune publiée dans le journal Le Monde à la veille de la nouvelle année, le responsable semble avoir voulu faire une mise au point.
« Les Européens savent tout particulièrement jusqu’où les discours de haine et la discrimination peuvent mener », a ajouté Volker Türk, invoquant d’autant plus clairement l’histoire lorsqu’il écrit que « quatre-vingts ans après la Shoah, nous devons être particulièrement vigilants face à ce fléau mortel, où qu’il survienne ».
Rappelant qu’il a condamné « à plusieurs reprises avec l’ensemble du système des Nations unies » les crimes commis par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, le Haut-Commissaire a affirmé que « les autorités israéliennes ont également manqué à leur obligation de répondre aux besoins humanitaires colossaux à Gaza ».
S’il considère légitime la critique des politiques israéliennes à Gaza depuis le 7 octobre, politiques dont il estime qu’elles sont « marquées par de graves violations du droit international », Volker Türk reconnaît que « dans certains cas, ces critiques ont franchi la ligne de l’antisémitisme, par exemple en tenant tous les Juifs pour responsables des actions du gouvernement israélien ».
Depuis le 7 octobre 2023, les principaux pays occidentaux sont marqués par une très forte hausse de l’antisémitisme qui s’exprime notamment sur les réseaux sociaux, lors des manifestations pro-palestiniennes et sur les campus universitaires.
Refusant de mettre toutes les critiques de la politique israélienne sur le même plan, Volker Türk précise que « le fait de demander à Israël de rendre des comptes pour les dizaines de milliers de personnes tuées à Gaza depuis le 7 octobre 2023, dont plus de 250 membres du personnel des Nations unies, ne constitue pas de l’antisémitisme ».
Le représentant de l’ONU a d’ailleurs évoqué le chiffre de 45 000 morts à Gaza, un chiffre avancé par le ministère de la Santé de Gaza contrôlé par le Hamas. Ce bilan, qui ne peut être vérifié et qui ne fait pas la distinction entre terroristes et civils, inclut les quelque 17 000 terroristes qu’Israël affirme avoir tués au combat et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
Le Hamas est accusé de gonfler le nombre des victimes civiles et d’y inclure les Palestiniens tués par les roquettes tirées par les factions terroristes qui retombent dans la bande. Le Hamas ne fait pas non plus de distinction, dans ce bilan, entre les civils et les terroristes.
En conclusion de sa tribune, Volker Türk a tenu à défendre la neutralité de sa fonction, au moment-même où les Nations unies sont sous le feu de nombreuses critiques, accusées par Israël d’avoir un tropisme hostile à son égard. « Nous ne sommes pas pour ou contre qui que ce soit ; plutôt, nous sommes pour tout le monde. Telle est la vérité radicale des droits humains », écrit-il.
« L’ONU continuera de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir et mettre fin à l’antisémitisme, et pour rappeler à tous les peuples les leçons de la Shoah. Il est inacceptable que de nouvelles formes de cette haine s’ajoutent à des siècles de discrimination, de répression et de violence ciblée. Nous continuerons également à résister à l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme. »
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, déclenchée par le pogrom perpétré par l’organisation terroriste palestinienne en Israël, Volker Türk a pris la parole à de nombreuses reprises dans le cadre de sa fonction.
Dès novembre 2023, il s’était inquiété de la « forte hausse de la haine » dans le monde depuis le 7 octobre. Et en décembre, il s’était dit favorable au déploiement d’une équipe indépendante pour enquêter sur les accusations « très graves » de violences sexuelles commises par les terroristes palestiniens le jour du pogrom.
En juin 2024, il avait accusé Israël de commettre des tueries « gratuites » en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Plus récemment, en octobre 2024, il avait évoqué la possibilité que les ordres d’évacuation de Tsahal à destination des civils de la bande de Gaza pourraient constituer un « crime de guerre ».