Washington salue le décret de l’AP mettant fin aux salaires des terroristes, rejeté par Israël
Selon le département d'État, le décret signé par Mahmoud Abbas "semble être une étape positive" dont la mise en œuvre sera suivie ; l'envoyé de l'UE exprime un optimisme tout aussi prudent

L’administration du président américain Donald Trump a salué le décret signé par le dirigeant de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas mettant fin au système dit des « allocations » versées aux de Ramallah, a déclaré mercredi un porte-parole du département d’État au Times of Israel.
Cette déclaration constitue la première réponse de Washington à l’annonce de l’AP après deux jours de silence.
Elle semble également marquer une rupture notable avec Israël, qui avait rapidement balayé cette réforme d’un revers de main.
« Cela semble être une étape positive et une grande victoire pour l’administration », a déclaré le porte-parole du département d’État.
« Nous saluons toutes les mesures visant à mettre fin à cette pratique odieuse. »
« Nous surveillerons la mise en œuvre de la loi au cours des semaines et des mois à venir et nous vérifierons que la pratique a pris fin », poursuit la déclaration adressée au Times of Israel.

« Nous sommes impatients de consulter l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien sur cette évolution. »
Le décret signé par Abbas a invalidé la loi qui conditionnait le versement d’allocations sociales aux prisonniers palestiniens condamnés pour des crimes de sécurité à la durée de leur peine dans les prisons israéliennes, et qui prévoyait également le versement d’allocations aux familles des terroristes tués en commettant des attentats.
Ce décret stipule que ces familles et que toutes les autres qui auront besoin d’une assistance sociale seront éligibles à des allocations sur la base de leurs besoins financiers uniquement, comme c’est le cas pour les autres Palestiniens.
Les administrations américaines successives ont cherché à faire pression sur l’AP pour qu’elle réforme sa politique, mais elles se sont heurtées à la résistance de Ramallah, qui fait l’éloge des milliers de Palestiniens actuellement détenus dans les prisons israéliennes, en faisant valoir que beaucoup d’entre eux y sont incarcérés injustement.
L’administration de Joe Biden a enregistré des progrès significatifs dans ce domaine et la réforme a été en grande partie finalisée à la fin de l’année dernière. Cependant, Ramallah a choisi de ne pas annoncer l’initiative avant l’élection de Donald Trump, en signe de bonne volonté envers la nouvelle administration.
L’envoyé de l’Union européenne (UE) au Moyen-Orient, Sven Koopmans, a exprimé un optimisme tout aussi prudent que celui de l’administration Trump.
« L’UE plaide depuis longtemps et avec force pour une réforme fondamentale du système de ‘paiement des prisonniers’ par l’Autorité palestinienne. L’annonce de cette réforme, dont nous devons étudier les détails, est une très bonne nouvelle qui survient à un moment très difficile », a écrit Koopmans sur le réseau social X.
La réaction à Jérusalem a été beaucoup moins enthousiaste, le ministère des Affaires étrangères qualifiant lundi ce décret de « nouvel exercice frauduleux de l’AP, qui a l’intention de continuer à verser des paiements aux terroristes et à leurs familles par d’autres canaux ».

La loi israélienne exige en effet que le gouvernement procède à un examen du système de paiement des prisonniers de l’AP au début de chaque année civile. Jérusalem pourrait donc théoriquement attendre le début de l’année 2026 avant de déterminer si Ramallah respecte la loi de la Knesset visant l’AP pour ses allocations controversées.
L’administration Trump pourrait également avoir des critères différents pour statuer sur la réforme de l’AP, et ce même si elle a été autorisée par des juristes sous l’administration précédente.
L’année dernière, des responsables de l’administration Biden ont informé les membres du Congrès de cette réforme et ont reçu le soutien des deux partis, y compris du républicain Lindsey Graham, a déclaré la deuxième source.
Ramallah a présenté sa réforme aux États-Unis au début du précédent gouvernement, cherchant à mettre l’AP en conformité avec la loi Taylor Force, une loi adoptée par le Congrès en 2018 qui suspendait l’aide américaine à l’AP tant que celle-ci continuerait à verser ces allocations.
Selon le texte du décret, le programme d’allocation des fonds sociaux sera transféré du ministère du Développement social à un fonds appelé Fondation nationale palestinienne pour l’autonomisation économique.
Un système de critères stricts a été mis en place pour déterminer l’éligibilité, qui sera réexaminée deux fois par an, a déclaré lundi une source proche du dossier au Times of Israel.
De nombreuses familles de prisonniers et de terroristes tués qui recevaient des allocations du gouvernement continueront à recevoir une aide financière, étant donné le taux de pauvreté élevé en Cisjordanie. Ce taux n’a fait qu’augmenter depuis le 7 octobre, date à laquelle Israël a mis fin à son système de permis pour plus de 100 000 Palestiniens travaillant en Israël et dans les implantations, un élément clé de l’économie de la Cisjordanie.
La pratique consistant à verser des allocations aux personnes qui ont été reconnues coupables d’attentats terroristes et aux familles de ceux qui ont été tués en perpétrant des attaques a été dénoncée avec force par les critiques, qui y voient une incitation au terrorisme. Elle est présentée par Israël comme un symbole de la corruption de l’AP et de l’incapacité de cette dernière à être un véritable partenaire pour la paix.

De leur côté, les dirigeants palestiniens ont longtemps défendu ces paiements, affirmant qu’ils sont une forme d’aide sociale et d’indemnisation nécessaires pour les victimes du « système impitoyable de la justice militaire en Cisjordanie ».
Abbas a signé le décret alors que la Cour suprême des États-Unis s’apprête à statuer dans les mois à venir sur la question de savoir si les victimes américaines peuvent poursuivre l’AP et son bras armé international, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en dommages et intérêts en raison du programme de paiements de Ramallah.
Bien que l’administration Biden ait estimé que cette réforme permettrait à l’AP de se conformer à la loi Taylor Force, les États-Unis ne seraient toujours pas autorisés à financer directement l’AP en raison d’une loi américaine distincte qui interdit une telle aide depuis que Ramallah a entamé des enquêtes contre Israël devant la Cour pénale internationale (CPI).
Cette réforme serait toutefois encore théoriquement suffisante pour permettre aux États-Unis de financer des projets bénéficiant directement à l’AP.