Yaalon : le Bureau du Premier ministre a intercédé pour annuler l’appel d’offre des sous-marins
L’ex-ministre de la Défense déclare que Netanyahu a directement fait pression sur lui pour renoncer à la procédure d’appel d’offre du contrat finalement attribué au groupe allemand ThyssenKrupp
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Le Bureau du Premier ministre a cherché à torpiller l’appel d’offre international pour la construction de navires de patrouille et de sous-marins pour la Marine israélienne, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu a lui-même remis en doute le besoin d’un appel d’offre, a déclaré l’ancien ministre de la Défense Moshe Yaalon, selon un article publié mercredi par le journal Yedioth Ahronoth.
Yaalon aurait déclaré à des associés que la pression était directement exercée sur lui, en tant que ministre de la Défense, pour renoncer à la procédure d’appel d’offre afin de s’assurer que le géant allemand de la construction de navires ThyssenKrupp obtienne le contrat. Une entreprise sud-coréenne était en compétition pour le contrat à une époque.
ThyssenKrupp est au cœur d’une enquête majeure pour corruption dans un accord à plusieurs millions de dollars.
Les enquêteurs suspectent des officiels de l’état d’avoir reçu des pots-de-vin pour influencer la décision d’acheter des sous-marins et des bateaux de surveillance de ThyssenKrupp, malgré l’opposition du ministère de la Défense.
Si Netanyahu a nié toute malversation en lien avec l’enquête, et le procureur général n’a pas déclaré qu’il était suspecté, un certain nombre de ses anciens assistants et associés ont été impliqués dans l’affaire.
Plus tôt cette année, la Deuxième chaîne a annoncé que Yaalon avait déclaré à la police que Netanyahu avait activement essayé d’éviter d’avoir recours à un appel d’offre pour les navires de surveillance et les trois sous-marins, et qu’il était passé outre les responsables du ministère de la Défense afin de parler à des sources du gouvernement allemand sur l’attribution de l’accord à ThyssenKrupp.
Pourtant, les affirmations selon lesquelles Netanyahu et son bureau auraient personnellement mis sous pression le ministre de la Défense n’ont pas été publiées à l’époque.
Yaalon, qui était opposé à l’accord, a été renvoyé par Netanyahu en mai 2016, et, depuis lors, il s’est lancé dans une croisade pour prouver que le Premier ministre est corrompu.
« Il y a eu une intervention de la part du Bureau du Premier ministre dans une tentative de torpiller l’appel d’offre, a déclaré Yaalon à des associés, selon le journal. Netanyahu m’a lui-même appelé et m’a demandé : ‘Pourquoi y-a-t-il un appel d’offre ?’ »
Le Bureau du Premier ministre a rejeté les affirmations de Yaalon comme étant « infondées ».
Les affirmations concernent un contrat avec ThyssenKrupp pour une commande israélienne de quatre navires de patrouille et de trois sous-marins pour une valeur de 2 milliards d’euros. La police mène maintenant une enquête pour corruption dans cette affaire également connue comme l’Affaire 3000.
A l’approche de la publication d’un article par l’hebdomadaire allemand Die Zeit jeudi et d’un dossier complet paru vendredi dans le Yedioth Ahronoth, ce dernier a également cité les conclusions d’une enquête interne de ThyssenKrupp qui, selon cette même enquête, suggère que le cousin de Netanyahu, son confident et avocat personnel, David Shimron, était bien plus impliqué dans la partie business des accords avec la compagnie que ce que ses déclarations en date ont laissé entendre.
La police enquête sur des suspicions au sujet de Miki Ganor, qui était le représentant local du constructeur de navire allemand, et de l’assistant en chef de Conseil National de Sécurité, Avriel Bar-Yosef.
Depuis que Ganor est devenu témoin d’état (de l’accusation), l’unité anti-corruption de la police, Lahav 433, a interrogé une longue liste d’assistants et d’associés du Premier ministre, y compris Shimron, qui a été interrogé à plusieurs reprises.
Shimron a déclaré qu’il avait fourni une représentation personnelle et non professionnelle pour Ganor.
Ganor a déclaré aux enquêteurs que Shimron devait recevoir 20 % de sa propre commission des 45 millions de dollars.
En outre, Shimron aurait été présent à un dîner à Tel Aviv en décembre 2015 auquel Ganor avait invité l’ambassadeur allemand en Israël, Clemens von Gatz, selon les registres du ministère allemand des Affaires étrangères cités par l’article.
Yaakov Weinroth et Amit Hadad, les avocats qui représentent Shimron, ont déclaré qu’il « n’a jamais été un partenaire de Ganor et a agi constamment comme son avocat. Shimron a agi dans le cadre de la loi, et n’a pas commis de faute dans ses actions ».
Plus tôt cette année, ils ont déclaré que Shimron ne devait rien recevoir dans cette affaire à part ses honoraires d’avocat.
Dans d’autres révélations, le quotidien déclare que Die Zeit, citant des sources allemandes, rapporte qu’Israël a demandé à l’Allemagne d’ajouter quelques mètres à la longueur des trois sous-marins. Certains officiels allemands ont compris qu’Israël désirait avoir la capacité de tirer des missiles avec des têtes nucléaires plus lourdes ayant une plus longue portée et avec un niveau de confidentialité plus important.
Yedioth Ahronoth a déclaré que la demande de sous-marins plus longs peut expliquer pourquoi les responsables de la Défense israélienne ont changé d’avis, passant d’une opposition forte à l’achat des trois sous-marins à un soutien actif.
« Nous courons un grand risque, a déclaré au journal un officiel de haut-rang proche du dossier. Si des éléments de corruption plus sérieux sont découverts en plus de ce qui a été exposé jusqu’à maintenant, Israël pourrait perdre le contrat des sous-marins, ce qui aurait des conséquences dramatiques pour la sécurité de l’état ».
L’officiel a évoqué sa préoccupation, à savoir que l’enquête de corruption pourrait conduire la chancelière allemande à annuler l’accord.
Une déclaration de ThyssenKrupp précisait que l’entreprise avait rompu tous les liens avec Ganor après avoir pris connaissance de l’enquête sur la corruption et avait ouvert une enquête interne.
L’entreprise aurait recours à tous les moyens légaux mis à sa disposition s’il ressortait de l’enquête interne que quiconque de ThyssenKrupp avait menti, précisait le communiqué.