Israël en guerre - Jour 568

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Zuroff: La déformation de la Shoah par Varsovie n’est qu’une parmi tant d’autres

Le chasseur nazi se réjouit de l'opposition d'Israël à la loi controversée, déplore que d'autres pays s'en tirent bien mieux depuis des années et met en garde contre la realpolitik

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le chasseur de nazis Efraim Zuroff, directeur du centre Simon Wiesenthal, durant une interview accordée au "Times of Israel", le 17 août 2017. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)
Le chasseur de nazis Efraim Zuroff, directeur du centre Simon Wiesenthal, durant une interview accordée au "Times of Israel", le 17 août 2017. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)

Quand Israël a vigoureusement protesté contre une loi polonaise interdisant d’accuser la Pologne de complicité dans les crimes nazis, Efraim Zuroff, premier chasseur de nazis au monde a pointé le fait que – depuis des décennies – une anomalie existait et consistait à ignorer délibérément les déformations de l’Holocauste en Europe de l’Est.

Bien qu’il affirme que Jérusalem a bien fait d’exprimer son opposition, il prédit toutefois que les préoccupations de la realpolitik israélienne finiraient par prévaloir et que l’Etat juif ne continuera pas à défier les gouvernements d’Europe de l’Est pour leurs caractérisations problématiques de l’Holocauste et pour le rôle qu’ils ont joué.

« Ce problème avec la Pologne est vraiment la partie émergée de l’iceberg. Il y a un très gros iceberg qui existe depuis de nombreuses années », a déclaré Zuroff, directeur du bureau israélien du Centre Simon Wiesenthal.

Ce fut ironique de la part du gouvernement israélien d’avoir choisi de s’exprimer sur le projet de loi
concernant la complicité de l’Holocauste, signé la semaine dernière par le président Andrzej Duda.

Israël n’a jamais réprimandé la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, l’Ukraine, la Croatie et la Hongrie, autrement dit des pays qui ont clairement joué un rôle plus actif en aidant les nazis dans leur génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Et ces pays ont ensuite passé leur temps à tenter de minimiser leur culpabilité.

« Il n’y a jamais eu de réaction israélienne à la déformation de l’Holocauste », a accusé M. Zuroff. « Il
n’y avait rien. Nada. Gornisht. Les Lituaniens peuvent dire tout ce qu’ils veulent, ils peuvent glorifier les gens qui ont assassiné des Juifs. »

« Le vote du projet de loi polonais a déclenché un tollé de la part des politiciens israéliens de l’ensemble du spectre politique [hormis la Liste arabe unie], le Premier ministre Benjamin Netanyahu ayant affirmé que « nous n’avons aucune tolérance pour déformer la vérité, le révisionnisme historique ou la négation de l’Holocauste ».

Netanyahu a convoqué l’ambassadeur polonais auprès du ministère des Affaires étrangères, il a chargé l’envoyé d’Israël à Varsovie d’en discuter d’urgence avec le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, et s’est même entretenu avec lui pour retarder le vote du projet de loi.

« Nous n’accepterons aucune tentative visant à réécrire l’histoire », a déclaré Netanyahu le 28 janvier. « Quand Bibi a fait cette déclaration, je suis presque tombé de ma chaise, très franchement », a déclaré Zuroff, en utilisant le surnom du Premier ministre. « Israël ne tolérera pas la déformation de l’Holocauste. Oh vraiment ? Pendant 25 ans, ils n’ont pas dit un mot. »

Zuroff a depuis des années exhorté Jérusalem à défier les pays d’Europe de l’Est sur ce qu’il qualifie être un double effort destiné à déformer l’Holocauste.

« Il y a deux composantes majeures dans la déformation de l’Holocauste. La première est de cacher ou de minimiser le rôle des collaborateurs locaux. L’autre est de prétendre que le communisme est aussi mauvais que le nazisme, et que le communisme devrait être classé comme un génocide », a déclaré Zuroff, qui a écrit son doctorat sur l’histoire des réponses juives américaines à l’Holocauste.

Certains pays d’Europe de l’Est ont des lois interdisant aux gens de nier le « génocide » communiste.

Zuroff soutient que c’est antisémite et peut-être pire que le projet de loi polonais. « Parce que si le communisme est qualifié de génocide, cela signifie que les Juifs ont commis un génocide. Les communistes juifs étaient parmi ceux qui ont commis les crimes du régime communiste. Si les Juifs ont commis un génocide, comment pouvons-nous nous plaindre de leur génocide », a-t-il dit.

« C’est une brillante stratégie pour détourner la critique de leurs crimes, obtenir leur sympathie en tant que victimes du génocide et faire taire la critique juive. Et, bien sûr, saper le caractère unique de la Shoah. »

Israël, dans ses rapports avec les pays d’Europe de l’Est, n’a jamais abordé ces questions, a déploré M. Zuroff, né à New York et qui a émigré en Israël en 1970. En effet, Israël a volontairement fermé les yeux sur la déformation de l’Holocauste à cause d’autres intérêts.

« En tant qu’Israélien par choix, ça me fait mal, ça me fait vraiment mal », a-t-il dit. Jusqu’à présent, Israël a soigneusement suivi la déformation de l’Holocauste en Europe de l’Est parce qu’il espérait améliorer les relations bilatérales avec des pays précédemment hostiles à l’Etat juif.

« C’est de la realpolitik », lance Zuroff, ajoutant que certains de ces Etats ont en effet développé de solides relations bilatérales avec Israël. La Croatie et la Lettonie, par exemple, se sont abstenues lors du récent vote des Nations unies condamnant la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem en tant que capitale d’Israël.

Mais l’Etat juif a aujourd’hui tant à offrir – dans les domaines de la sécurité, de la cybersécurité, de l’agriculture, etc. – qu’il n’a plus besoin de trahir ses convictions morales, rappelle Zuroff.

« Certainement dans le cas des pays baltes, ces pays ont besoin d’Israël plus qu’Israël n’a besoin d’eux. Israël n’a pas encore intériorisé le fait qu’il est devenu un pays beaucoup plus fort et peut s’en tenir à ses principes un peu plus que par le passé. »

« Le fait que le gouvernement ait réagi si fermement à la loi polonaise la semaine dernière est lié au fait que la Pologne occupe une place spéciale dans l’histoire juive », a-t-il déclaré.

Beaucoup d’Israéliens sont les enfants ou les petits-enfants de survivants polonais, donnant à la question un écho particulier. « Je suis content, mais je suis un peu cynique », a-t-il dit, ajoutant qu’il était surpris que le gouvernement ait finalement réagi.

« Maintenant vous découvrez la déformation de l’Holocauste ? C’est bien pire dans d’autres pays, et la Pologne n’est pas non plus l’exemple le plus radical, parce que les Polonais n’étaient pas intégrés
dans le mécanisme du meurtre de masse », a-t-il dit.

« Contrairement aux Hongrois ou aux Lituaniens, par exemple, les nazis considéraient les Polonais untermenschen (sous-humains) et ne les intégraient pas formellement dans leur système d’annihilation massive des Juifs.

Israël confrontant finalement un pays de l’Europe de l’Est a été un « moment décisif », a ajouté M. Zuroff bien qu’il ait semblé sceptique quant à la modification fondamentale par Israël de son approche de la distorsion de l’Holocauste. « Je me sens disculpé dans un certain sens. La question est de savoir où cela va. Je pense que la realpolitik prévaudra. C’est ce dont j’ai peur. »

Le ministère des Affaires étrangères n’a pas répondu à notre demande de commentaires.

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