Agriculteurs et bénévoles tentent de sauver ce qu’ils peuvent des champs près de Gaza
Confrontés à une multitude de défis, allant du manque de main-d'œuvre à la poussière qui obstrue le soleil, les agriculteurs demandent de l'aide et jurent de ne pas partir
Il faut plus que des roquettes pour décourager Rahamim Mughrabi, un agriculteur qui cultive des légumes depuis 40 ans à proximité de la bande de Gaza.
En temps normal, il ignore les sirènes d’alerte déclenchées par les tirs des terroristes qui visent le moshav où il est né, située à environ 15 kilomètres à l’est de la bande de Gaza.
Mais cet automne 2023 est loin d’être normal.
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Ce dernier mois, les terroristes palestiniens du Hamas ont lancé tellement de projectiles sur ses champs – possiblement pour tenter de toucher le Dôme de fer et les déploiements d’artillerie à proximité – qu’ils sont marqués par de multiples cratères d’impact (la communauté dans laquelle Mughrabi vit ne peut pas être identifiée ici pour des raisons de sécurité).
Aussi, lorsque les alarmes ont retenti jeudi après-midi, Mughrabi s’est précipité dans sa serre de tomates avec un empressement inhabituel. « Bâtards, putains de bâtards », a-t-il soupiré, sa voix exprimant plus d’incrédulité que de colère alors qu’il courait.
Rahamim Mughrabi, 63 ans, fait partie des centaines d’agriculteurs qui ont refusé de quitter le nord du Neguev malgré les difficultés engendrées par une guerre d’une intensité qu’ils n’ont jamais connue auparavant, et notamment à cause de la pénurie de main-d’œuvre qui menace de réduire à néant le travail de toute une vie.
Les roquettes sont le cadet des soucis de Mughrabi. Après l’assaut du 7 octobre par les terroristes du Hamas en Israël, les unités du Corps d’Artillerie de l’armée israélienne ont été déployées près des champs protégés par des filets paragrêle où il cultive plusieurs herbes, dont de la coriandre, du persil et de la roquette, ainsi que des tomates. En plus d’attirer les projectiles, le recul des canons d’artillerie pulvérise la terre et la projette dans des nuages de poussière qui se déposent sur les filets, bloquant la lumière du soleil – tuant ses cultures.
« La récolte pour cette saison est pratiquement entièrement perdue », a indiqué Mughrabi, en brandissant un plant de coriandre rabougri qui poussait dans une parcelle dégarnie, parcelle qui, à cette époque de l’automne, aurait dû regorger de vert.
Dans les champs de roquette, le manque de lumière a provoqué une floraison précoce au détriment du feuillage, qui est la partie de la plante qui est vendue. Sous la lumière qui filtrait à travers le filet maculé, les fleurs jaunes évoquaient une peinture de Claude Monet, mais Mughrabi n’était pas d’humeur à en profiter. « Je ne viens même plus dans ce champ depuis le début de la guerre. Ce n’est plus la peine. Je ne fais que regarder mes efforts et mon argent s’envoler. »
Mughrabi dépend de 40 travailleurs étrangers, principalement originaires de Thaïlande, pour la plupart de ses récoltes. Seuls six d’entre eux sont encore là, mais ils ont peur d’aller dans les champs (une roquette de Gaza a atterri à l’intérieur de la serre où Mughrabi cultive des tomates, détruisant environ un quart de la récolte).
Depuis le 7 octobre, le groupe terroriste palestinien du Hamas ne cesse de lancer des salves de roquettes en direction d’Israël. Ce jour-là, quelque 3 000 terroristes sont entrés en Israël et ont envahi les villes israéliennes, tuant 1 200 personnes, dont des dizaines de travailleurs étrangers, et en enlevant au moins 240 autres, entre autres crimes de guerre et atrocités. Israël a lancé une opération militaire de grande envergure dans la bande de Gaza, mobilisant des milliers de soldats réservistes et effectuant des frappes d’artillerie et aériennes sur des cibles du Hamas, dans le but déclaré de renverser son régime.
Lorsque le Hamas a envahi Israël, la région du Néguev occidental comptait quelque 8 000 travailleurs étrangers, qui constituaient l’essentiel de la main-d’œuvre du secteur agricole de cette région parfois appelée le « panier de légumes » d’Israël. La région compte environ 16 000 hectares de champs de tomates, qui représentent quelque 70 % de la production nationale, et près de 1 100 hectares de légumes-feuilles. Des poivrons, des concombres et de nombreuses variétés d’agrumes sont cultivés sur des milliers d’hectares supplémentaires dans la périphérie de Gaza.
Une grande partie de ce territoire ne peut plus être cultivée, car il est trop proche de la frontière de Gaza et est menacé par les tireurs d’élite et les missiles antichars du Hamas. Des localités comme Beeri, Kfar Aza, Nahal Oz et Nir Oz sont désertées depuis le 7 octobre.
Dans certaines communautés de première ligne, comme Alumim, une équipe restreinte d’agriculteurs risque sa vie pour faire vivre les animaux de la ferme. Stevie Marcus, membre d’Alumim âgé de 61 ans, y est retourné pour s’occuper des vaches du kibboutz dans les jours qui ont suivi l’assaut. Les terroristes ont tué de nombreux animaux, mais certains veaux ont survécu.
Mais les villages et les kibboutzim situés plus loin, hors de portée des terroristes tireurs d’élite, voient l’activité agricole reprendre, même en l’absence de travailleurs étrangers, grâce à un flux constant de milliers de volontaires israéliens qui viennent aider les agriculteurs à se maintenir à flot et participer à l’effort de guerre.
Plusieurs organisations se sont chargées de recruter des volontaires au quotidien, notamment HaShomer HaHadash, créée à l’origine pour aider les agriculteurs à faire face au vol, à la violence et au harcèlement ; A’him LaMeshek – qui signifie « Frères pour l’économie » et rime en hébreu avec le nom de son groupe parent, le groupe de protestation contre la restructuration A’him LaNeshek (Frères d’armes) ; et Tzav 8.
Les agriculteurs utilisent également les réseaux sociaux pour trouver de l’aide, et les employés municipaux des conseils régionaux aident également à mettre les agriculteurs en contact avec des mains secourables. Les départements des ressources humaines de nombreuses entreprises ont organisé des récoltes et d’autres activités de volontariat liées à la guerre, souvent à la place d’excursions de cohésion d’équipe.
Ofer Spielberg, chef du département d’hématologie à l’hôpital Assuta de Tel Aviv, a été recruté par l’une de ses patientes. Cette femme, qui habite à Netivot, à environ 10 kilomètres de Gaza, l’a mis en contact avec Avner Davidian, qui cultive des poivrons et des tomates cerises dans la ville voisine de Shibolim.
« Je suis en train de travailler … à distance », a déclaré Ofer Spielberg au Times of Israel depuis la serre de Davidian. « Comme vous pouvez le voir, je suis en déplacement et je travaille », a déclaré le médecin en montrant un seau de tomates cerises qu’il a cueillies avec son épouse, Noga.
C’était la deuxième fois que le couple venait travailler dans la serre de Davidian. La première fois, une sirène d’alarme les avait surpris en pleine récolte. En l’absence de miklat – abri antiatomique – à proximité, le couple a été contraint de s’allonger sur le sol, les mains recouvrant leur tête, comme le conseillent les services d’urgence. Cela ne les a pas dissuadés de revenir.
Pendant sa pause déjeuner, Ofer Spielberg a consulté sur son téléphone un résumé quotidien sur les patients de son département. « Tout semble être en ordre », a déclaré Spielberg, avant de retourner à la cueillette. En arrière-plan, des enceintes apportées par Davidian dans la serre diffusent de la musique israélienne. Des sodas, des en-cas et des sandwichs ont été disposés sur une table pour les bénévoles.
Noga Spielberg a déclaré qu’elle appréciait la cueillette parce qu’elle lui permettait de « ne pas penser constamment à la guerre et à nos otages à Gaza ».
« Mais le travail est difficile. La flexion est un véritable fléau pour le dos. »
Davidian a déclaré que les quelques voisins qui étaient partis à cause des roquettes sont revenus. « Mes enfants et moi ne partiront jamais », a-t-il ajouté.
« Regardez autour de vous. Tous les moshavim et kibboutzim d’ici ont été fondés sur l’agriculture par des gens qui considèrent cette terre, ce sol et ce terrain comme une extension de leur propre corps. »
Il admet que de nombreux membres de la jeune génération ont abandonné l’agriculture, l’économie israélienne s’étant éloignée de ses racines agraires. Mais, a-t-il ajouté, « leur lien avec cette terre est aussi fort que l’acier, car c’est ainsi que nous avons été élevés ».
« Nous n’irons donc nulle part, quoi qu’ils nous lancent. »
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