Alors que les menaces persistent, des parents retirent leurs enfants des centres communautaires américains
A Birmingham, Alabama, malgré le départ de 5 enfants, la directrice trouve de l’espoir dans la hausse de la participation “solidaire” des non Juifs
Eric Cortellessa couvre la politique américaine pour le Times of Israël

WASHINGTON – Avec les vagues qui se succèdent de menaces à la bombe dirigées contre des centres communautaires juifs dans tous les Etats-Unis, des parents commencent à retirer leurs enfants des écoles et autres programmes, inquiets d’un possible traumatisme, et encore plus inquiets de quelque chose de bien pire.
Le centre communautaire juif Levite de Birmingham, en Alabama, a connu trois menaces à la bombe depuis le mois de janvier, la dernière ayant eu lieu lundi matin, par un appel téléphonique directement passé à son école.
Avant cette semaine, trois enfants avaient déjà été retirés de son programme scolaire par leurs parents. Après lundi, deux de plus sont partis.
Bien que ces cinq élèves ne représentent qu’une faible part des 200 inscrits à son programme pédagogique, la persistance du ou des appelants qui ont ciblé les institutions juives a effrayé certains parents qui ne veulent plus y laisser leurs enfants, malgré le soutien reçu de la communauté et les mesures de sécurité déjà mises en place.

« Notre communauté essaie de rester forte et ne pas verser dans la peur, ce que ces gens essaient de faire, mais c’est difficile pour les parents », a déclaré au Times of Israël Betzy Weinblatt-Lynch, directrice exécutive du centre Levite.
« En raison de l’état actuel du monde, nous formons les enfants à de nombreux scénarios, que ce soit une fusillade, des exercices, une urgence médicale, etc., a-t-elle ajouté. Donc avec des choses comme ça, beaucoup d’entre eux pensent que c’est juste un exercice. Mais, vous savez, je pense que certains d’entre eux commencent à se demander pourquoi nous le faisons si souvent. »
Depuis janvier, cinq vagues de menaces à la bombe contre des centres communautaires juifs ou d’autres institutions juives ont été recensées dans tout le pays, totalisant plus d’une centaine d’incidents. D’autres attaques antisémites ont aussi inquiété les communautés juives.
La semaine dernière, des centaines de pierres tombales ont été profanées dans des cimetières juifs de Pennsylvanie et de Missouri, et 29 institutions juives ont reçu des menaces à la bombe dans la seule journée de lundi.

De nombreux actes antisémites ont également été signalés depuis l’élection présidentielle de novembre dernier, comme des croix gammées et des insultes antisémites retrouvées sur des écoles et d’autres bâtiments.
Ce phénomène a conduit mardi le président américain Donald Trump à ouvrir son premiers discours devant le Congrès en condamnant l’antisémitisme.
Ces propos ont eu lieu quelques heures après qu’il aurait dit à des procureurs généraux de plusieurs états qu’il pensait que les menaces avaient pour objectif de nuire à la réputation « d’autres » personnes.
Weinblatt-Lynch a déclaré que son centre communautaire prenait des précautions rigoureuses pour protéger ses étudiants, entre autres contre les menaces à la bombe. Et pourtant, a-t-elle ajouté, quand les parents sont inquiets que leurs enfants restent dans un tel environnement, elle leur répond toujours qu’ils sont les seuls décisionnaires en ce qui concerne leurs enfants.
« Je pense qu’il savent que nous sommes formés pour maintenir la sécurité de leurs enfants, ainsi que le reste de nos membres et de nos invités. C’est primordial, au premier plan de tout ce que nous faisons, a-t-elle déclaré. Je pense qu’ils savent que nous sommes préparés de manière unique à répondre à ces situations et que nous avons le soutien des forces de l’ordre locales et fédérales. »
« Quand nous essayons de leur dire que moins d’un pourcent des menaces à la bombe portent sur une vraie bombe, la logique ne gagne pas quand les gens ont peur »
« Je pense qu’ils ont simplement peur, a-t-elle poursuivi. C’est strictement de la peur. Quand nous parlons des mesures logiques que nous prenons, la logique ne surpasse pas la peur. Quand nous essayons de leur dire que moins d’un pourcent des menaces à la bombe portent sur une vraie bombe, la logique ne gagne pas quand les gens ont peur. »
En dehors du centre Levite de Birmingham, d’autres centres communautaires juifs ont vu des parents retirer leurs enfants, a confirmé David Posner, porte-parole de l’Association des centres communautaires juifs d’Amérique du Nord. Il a cependant souligné que les chiffres étaient négligeables et que la majorité des structures n’avaient pas expérimenté cela.
Posner, qui a parlé jeudi dernier au Times of Israël, avant la dernière vague de menaces, n’a donné comme exemple que le centre Roth d’Orlando, en Floride, qui a été menacé à plusieurs reprises.
« Les gens qui retirent effectivement leurs enfants d’un programme ou annulent leur adhésion ont été extrêmement peu nombreux », avait indiqué Posner, fondant son évaluation sur une étude de son association à laquelle 60 % des centres communautaires ont répondu.
« Quelles que soient les conversations qui se déroulent, dans l’ensemble, elles ne se traduisent pas par des personnes qui votent avec leurs pieds et s’en vont », a-t-il ajouté.
Posner n’a pas répondu à une demande d’actualisation de ses propos après les menaces de cette semaine.

Weinblatt-Lynch a tenu à souligner que bien que certains enfants aient été retirés, d’autres avaient rejoint le centre communautaire par solidarité. « L’afflux de soutien que nous avons de la communauté générale a été phénoménal », a-t-elle déclaré.
Posner et Weinblatt-Lynch ont cependant déclaré que ceux qui terrorisent ces institutions ne savent probablement pas que la plupart des membres des centres communautaires juifs ne sont pas juifs.
« Ils ne savent pas qu’ils sont ouverts à toute la communauté », a indiqué Posner.
Au centre Levite, par exemple, 67 % des membres ne sont pas juifs.
« L’une des choses qu’ils ne comprennent pas sur les centres communautaires, c’est qu’ils ne savent pas qu’ils sont ouverts à toute la communauté »
« Le centre communautaire juif de Birmingham existe depuis plus de 110 ans, a déclaré Weinblatt-Lynch. Depuis notre lancement, nous avons été ouverts à toutes les races, toutes les religions, toutes les origines. Et historiquement, à Birmingham, ce n’a pas toujours été le cas. »
Pendant les années 1950 et 1960, Birmingham est devenu l’un des centres du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis. En 1963, Martin Luther King Jr. et Fred Shuttlesworth sont venus à Birmingham pour lutter contre la ségrégation.
Weinblatt-Lynch a déclaré que la hausse du nombre des participants non juifs aux programmes du centre communautaire avait fourni une lueur d’espoir alors que les départs des enfants s’amplifient.
« La beauté de cela est que la seule chose qui va surmonter ce type de haine, c’est de partager une expérience juive authentique avec non seulement des personnes juives, mais aussi avec des personnes de toutes les religions, a-t-elle déclaré. Ils s’habituent à ce qu’est la vie juive. Cela ne leur est pas étranger, et ils ont des amis qui sont juifs. Cela change la manière dont les gens pensent et réagissent. »