Après avoir lu son livre, Navalny avait correspondu avec Sharansky sur la survie en prison
Un site d'information a publié des lettres écrites à la main par les deux dissidents, l'ancien prisonnier de Sion exhortant le leader de l'opposition russe, aujourd'hui défunt, à "conserver votre liberté intérieure"
Le chef de l’opposition russe Alexei Navalny, mort dans une prison russe dans des circonstances mystérieuses, la semaine dernière, avait échangé des courriers avec Natan Sharansky, ancien prisonnier de Sion, au cours de l’année qui vient de s’écouler.
Le site d’information Free Press a publié plusieurs lettres écrites à la main après que Navalny est entré en contact avec Sharansky, l’année dernière.
Ancien politicien qui vit en Israël, Sharansky fait partie des prisonniers politiques de l’ex-Union soviétique les plus connus dans le monde. Agé aujourd’hui de 76 ans, il avait passé presque neuf ans dans un camp de travail forcé soviétique après avoir été mis en cause – des accusations fabriquées de toutes pièces – pour trahison et pour espionnage en raison de ses efforts visant à immigrer en Israël et, plus tard, pour sa défense des droits humains.
Les autorités russes ont déclaré ne pas avoir encore déterminé les causes de la mort de Navalny, vendredi, à l’âge de 47 ans. Il était emprisonné depuis le mois de janvier 2021, quand il était retourné à Moscou après avoir été soigné, en Allemagne, pour un empoisonnement dont il avait attribué la responsabilité au Kremlin.
Navalny, devenu célèbre dans le monde entier pour son opposition à Poutine, purgeait trois peines de prison après son arrestation pour un certain nombre de charges qui étaient, selon lui, de nature politique.
Il avait été arrêté au mois de janvier 2021.
Il était entré en contact pour la première fois avec Sharansky au mois d’avril dernier, lui disant qu’il avait lu son livre Fear No Evil. Il avait plaisanté en notant que peu de choses avaient finalement changé dans le système pénal russe.
« Je veux vous remercier pour ce livre parce qu’il m’a beaucoup aidé et qu’il continue à m’aider. Oui, je suis actuellement dans une cellule disciplinaire mais lorsque j’étais en train de découvrir vos 400 journées passées en cellule avec des rations alimentaires diminuées, on comprend qu’il y a des gens qui paient un prix beaucoup plus élevé pour la défense de leurs convictions », avait écrit Navalny.
« Je comprends que je ne suis pas le premier mais je voudrais vraiment être le dernier, au moins l’un des derniers, à être obligé de subir tout cela », avait-il ajouté.
S’inspirant de l’histoire de Sharansky, Navalny avait prédit que le régime russe actuel s’écroulerait comme cela avait été le cas de l’Union soviétique.
« Le plus important, c’est de tirer les bonnes conclusions de façon à ce que cet État basé sur le mensonge et sur l’hypocrisie ne puisse pas entrer dans un nouveau cycle », avait dit Navalny. « Le ‘virus de la liberté’ est loin d’être éradiqué. Il ne s’agit plus de dizaines ou de centaines de personnes, comme avant, mais bien de centaines de milliers de personnes qui n’ont plus peur de parler au nom de la liberté et contre la guerre, et ce malgré les menaces. Des centaines d’entre elles sont en prison mais j’ai la certitude qu’elles ne cèderont pas et qu’elles n’abandonneront pas ».
Sharansky avait écrit, en retour, une lettre de cinq pages, disant en plaisantant que recevoir un courrier de la prison s’apparentait « à la réception d’un courrier d’un ancien élève de l’université où j’ai moi-même passé un si grand nombre d’années dans ma jeunesse ».
Sharansky avait indiqué qu’il admirait beaucoup Navalny et que lui-même avait écrit ses mémoires alors qu’un grand nombre de ses amis étaient encore emprisonnés par le KGB.
« Ainsi, j’ai pensé à ce livre non seulement sous l’aspect de mémoires mais également comme une sorte de manuel sur la manière de se comporter lors d’une confrontation avec le KGB », avait-il écrit.
« Je vous souhaite – même si c’est dur au niveau physique – de conserver votre liberté intérieure », a ajouté Sharansky.
Il avait aussi fait remarquer qu’il écrivait la lettre à la veille de Pessah, « la célébration de la libération des Juifs de l’esclavage égyptien, il y a 3 500 ans ».
« A ce jour, je suis assis à une table, assis pour un repas de fête en portant ma kippa, qui a été fabriquée il y a 40 ans à partir d’une chaussette, par celui qui partageait ma cellule – un détenu ukrainien de la prison de Chistopol », avait dit Sharanky. « C’est dire combien tout est retors dans ce bas-monde ! Je vous souhaite, Aleksei, et à toute la Russie un Exode et ce, aussi rapidement que possible ».