Après la controverse sur la guerre Israël-Hamas, Harvard stoppe les déclarations
L'université accepte les recommandations d'un groupe de travail de ne plus intervenir sur les questions sensibles, suite aux réactions au 7 octobre et à la guerre actuelle
JTA – L’université de Harvard ne publiera plus de déclarations sur des sujets qui ne sont pas directement liés à ses activités, conformément à l’avis d’un groupe de travail formé dans le contexte des tensions liées à la guerre actuelle entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Cette nouvelle politique a été recommandée dans le premier rapport du groupe de travail « Institutional Voice », publié mardi. Le groupe a été formé le mois dernier pour examiner quand et comment l’école devrait intervenir sur des questions controversées et politiques. Les responsables de l’université ont immédiatement indiqué qu’ils acceptaient les recommandations.
« Harvard n’est pas un gouvernement. Elle ne devrait pas avoir de politique étrangère ou de politique intérieure », a affirmé Noah Feldman, professeur de droit et auteur d’un livre récent sur le judaïsme contemporain, qui copréside le groupe, dans un Q&R de l’université publié après l’annonce de la décision.
Le président par intérim de Harvard, Alan Garber, a constitué ce groupe de travail après avoir pris les rênes de l’université de l’Ivy League à la suite de la démission, en janvier, de Claudine Gay. Cette dernière avait été impliquée dans un scandale de plagiat déclenché par la controverse suscitée par sa gestion des manifestations anti-Israël sur le campus et par ses remarques lors d’une audience explosive du Congrès sur l’antisémitisme au sein des universités. Le groupe a été créé en avril, le même mois où des étudiants ont installé un camp anti-Israël sur le campus de Harvard.
Contrairement à d’autres établissements universitaires, la controverse à Harvard n’a pas commencé avec les positions de l’université sur la guerre. L’administration a été critiquée pour son silence de plusieurs jours après la publication d’un communiqué par une coalition de groupes d’étudiants accusant Israël d’être à l’origine de l’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre. Lorsque l’université a publié son communiqué exprimant sa « tristesse » face à l’attaque et à la guerre qui s’en est suivie, elle s’est attiré les foudres du représentant démocrate américain Jake Auchincloss, diplômé juif de Harvard, qui a dénoncé le communiqué comme étant un « méli-mélo de mots approuvés par le comité ».
De telles déclarations ne seront plus publiées dans le cadre de la nouvelle politique. Le groupe de travail a conclu qu’étant donné que les expressions d’empathie peuvent amener certaines personnes à se sentir aliénées, « la ligne de conduite la plus compatissante est donc de ne pas publier de déclarations officielles d’empathie ».
Harvard n’est pas la première école à adopter une telle politique : en 1967, l’université de Chicago a publié un document célèbre dans lequel elle déclarait qu’une université « ne peut prendre des mesures collectives sur des questions d’actualité sans mettre en péril les conditions de son existence et de son efficacité ». La nouvelle politique de Harvard va toutefois à l’encontre des tendances actuelles, où les entreprises, les universités et d’autres institutions sont plutôt invitées à s’exprimer sur des questions politiques et mondiales, ce qui suscite souvent des réactions négatives.
Le groupe de travail a consulté plus de 1 000 membres de la communauté de Harvard avant de formuler ses recommandations, explique le rapport. Il a conclu que la crédibilité de l’école est compromise par des déclarations qui ne reflètent pas l’expertise et que la publication de communiqués sur certains sujets signifie que les dirigeants de l’école « seront inévitablement soumis à une pression intense de la part de multiples parties opposées sur presque toutes les questions imaginables ».
Vu la faible probabilité qu’une déclaration satisfasse de manière égale tous les membres de ladite communauté, la publication de communiqués de presse peut « nuire à l’inclusivité de la communauté universitaire », a conclu le groupe. « Il peut être plus difficile pour certains membres de la communauté d’exprimer leurs opinions lorsqu’elles diffèrent de la position officielle de l’université. »
L’école peut et doit s’exprimer sur des questions directement liées à sa mission et à ses activités, précise le rapport, tout en ajoutant : « L’université et ses dirigeants ne doivent cependant pas émettre de déclarations officielles sur des questions de population qui n’affectent pas directement la fonction principale de l’université ». En cas de désaccord sur la pertinence de réagir à une question, l’université doit s’abstenir de faire toute déclaration, a préconisé le groupe.
Dans son rapport, le groupe ne mentionne pas explicitement la guerre en cours entre Israël et le Hamas, mais il reconnaît que des groupes d’étudiants et d’autres personnes peuvent déclencher une controverse par leurs propres déclarations, et donne des conseils sur la manière de gérer ce genre de situation à l’avenir.
« Des individus au sein de l’université, exerçant leur liberté académique, tiennent parfois des propos qui suscitent de vifs désaccords », a indiqué le rapport. « Lorsque cela se produit, l’université doit préciser qu’ils ne parlent pas au nom de l’université et que personne n’est autorisé à parler au nom de l’université, à l’exception de la direction de l’université. »
Le conflit entre Israël et le Hamas a débuté le 7 octobre avec l’attaque surprise du groupe terroriste sur le sud d’Israël, au cours de laquelle ses membres ont assassiné près de 1 200 personnes et en ont pris 252 en otage. Parmi ces derniers, 121 sont toujours captifs à Gaza ; un quart d’entre eux ne seraient plus en vie.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.