Attentat à Paris: possible « ratage » dans le suivi psychiatrique de l’assaillant radicalisé
Le compte X d'Armand Rajabpour-Miyandoab comprend notamment "de nombreuses publications sur le Hamas, Gaza et plus généralement la Palestine" et sa mère avait fait un signalement
Le ministre de l’Intérieur français a évoqué lundi un « ratage » dans le suivi psychiatrique de l’islamiste radical qui a tué un jeune touriste germano-philippin et blessé deux autres personnes à proximité de la tour Eiffel à Paris samedi soir et avait récemment fait allégeance au groupe Etat islamique.
Fin octobre, la mère de Armand Rajabpour-Miyandoab avait fait part de son inquiétude sur le comportement de son fils, fiché pour radicalisation islamiste et libéré en 2020 après une condamnation à 5 ans de prison pour un projet d’action violente. Il avait par ailleurs été soumis à des soins psychiatriques.
« Il y a eu manifestement un ratage psychiatrique, les médecins ont considéré à plusieurs reprises qu’il allait mieux », a estimé lundi le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin, réclamant que les autorités « puissent exiger une injonction de soins » pour une personne radicalisée suivie pour troubles psychiatriques.
L’attaque est survenue à quelques mois des JO-2024 à Paris et moins de deux mois après celle d’Arras (nord) qui a coûté la vie à un enseignant mi-octobre et conduit au relèvement du plan national Vigipirate au niveau maximal « urgence attentat ».
S’exprimant en langue arabe dans une vidéo, M. Rajabpour-Miyandoabun, Franco-Iranien de 26 ans, y a apporté « son soutien aux jihadistes agissant dans différentes zones », a déclaré dimanche le procureur antiterrroriste Jean-François Ricard.
Son compte X comportait par ailleurs « de nombreuses publications sur le Hamas, Gaza et plus généralement la Palestine », selon le magistrat antiterroriste.
Le terroriste, qui se trouve encore en garde à vue lundi, n’a pas exercé son droit au silence et « s’exprime », selon une source proche du dossier.
Les faits se sont déroulés samedi vers 20h30 GMT dans un lieu hautement touristique de la capitale, à proximité du pont de Bir Hakeim enjambant la Seine.
Le touriste tué, âgé de 23 ans, avait la double nationalité allemande et philippine. Il a reçu « deux coups de marteau et quatre coups de couteau », a précisé le procureur.
Le terroriste s’en est aussi pris, avec un marteau, à deux hommes, un Français de 60 ans et un Britannique de 66 ans, légèrement blessés.
Il a été maîtrisé par les forces de l’ordre à l’aide d’un pistolet à impulsion électrique peu après l’attaque.
La ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser a dénoncé dimanche un « crime abominable ».
Troubles psychiatriques
La mère du terroriste avait fait remonter aux autorités qu’elle s’inquiétait pour son fils qui « se repliait sur lui-même », a souligné le procureur.
Les services de police avaient tenté en vain de faire en sorte qu’il soit examiné par un médecin et de le faire hospitaliser d’office, ce qui n’a pas été possible en l’absence de troubles, selon une source proche du dossier. Quelques jours après son signalement, elle avait assuré qu’il « allait mieux », selon la même source.
« Issu d’une famille sans aucun engagement religieux », Armand Rajabpour-Miyandoab s’est converti à l’islam à l’âge de 18 ans, en 2015, et a « très rapidement » versé dans « l’idéologie jihadiste », selon le procureur.
« La création de ce compte X début octobre, puis l’inquiétude le même mois de la mère peuvent interroger sur un acte préparé depuis plusieurs semaines », a analysé une source proche du dossier.
Fiché pour radicalisation islamiste, selon une source proche de l’enquête, il avait été condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, après un projet d’action violente en 2016 à la Défense, quartier d’affaires à l’ouest de Paris.
Les enquêteurs vont désormais se pencher sur le suivi médical de l’auteur, un homme au « profil très instable, très influençable », selon une source sécuritaire interrogée par l’AFP.
Pendant sa détention, selon M. Ricard, il avait été soumis à des soins impliquant un suivi psychiatrique resserré et contrôlé par un médecin coordinateur. « Ce suivi était effectif jusqu’à la fin de la mise à l’épreuve le 26 avril 2023 », a-t-il ajouté.
Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a estimé lundi que le parcours « médical, administratif et pénal » du suspect avait été conforme à « l’état du droit ».
Environ 5 200 personnes sont connues pour radicalisation en France, dont 1.600 personnes sont particulièrement surveillées par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon une source au sein du renseignement, qui précise que 20 % de ces 5 000 personnes ont des troubles psychiatriques.
Le ministre de l’Intérieur, qui estime que la France est « durablement sous le coup de la menace islamiste radicale », a appelé à une « extrême vigilance » lors de Hanouka qui démarre jeudi.