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Analyse

Avec l’arrivée de Trump, gare à Israël de trop compter sur une main heureuse

Le Premier ministre a obtenu les résultats espérés au scrutin américain ; Biden a deux mois pour laisser une trace ; Trump doit décider quel camp dirigera sa politique étrangère

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le président américain Donald Trump (à gauche) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu arrivent pour l'annonce du plan de paix de Trump au Moyen-Orient à la Maison Blanche, le 28 janvier 2020. (Crédit : Mandel Ngan/AFP via Getty Images via JTA)
Le président américain Donald Trump (à gauche) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu arrivent pour l'annonce du plan de paix de Trump au Moyen-Orient à la Maison Blanche, le 28 janvier 2020. (Crédit : Mandel Ngan/AFP via Getty Images via JTA)

Mardi soir, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a vu se concrétiser son scénario le plus optimiste : une victoire éclatante de Donald Trump, qui réintégrera la Maison Blanche en janvier.

Quelques heures avant que les premiers résultats du scrutin ne tombent, Netanyahu a pris une mesure radicale pour renforcer sa coalition : alors que le monde entier avait les yeux rivés sur les États-Unis, il a limogé son ministre de la Défense, Yoav Gallant, et l’a remplacé par un de ses plus fidèles alliés, Israel Katz.

Netanyahu semble désormais avoir obtenu ce qu’il voulait : un cabinet de ministres alignés, qui ne s’opposeront pas publiquement à lui et, dans quelques semaines, une administration américaine qui étouffera les désaccords et ne s’embarrassera pas de préoccupations humanitaires dans sa guerre contre l’axe iranien.

Et après la récente campagne contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et les frappes aériennes du mois dernier sur l’Iran, Netanyahu se trouve face à une République islamique plus vulnérable aux attaques israéliennes qu’elle ne l’a été depuis des dizaines d’années.

Malgré cela, les défis auxquels Netanyahu est confronté depuis le pogrom du Hamas du 7 octobre 2023 n’ont pas pour autant disparu, et le retour de Trump à la tête des États-Unis pourrait être source de nouvelles complications pour le dirigeant d’Israël.

La dernière chance de Biden

Mais avant cela, Joe Biden a encore deux mois pour marquer la fin de son mandat. Et s’il était déjà boiteux lorsqu’il s’est retiré de la course pour laisser la place à la vice-présidente Kamala Harris, il est désormais officiellement dans sa période de « lame duck » (canard boiteux).

Toutefois, c’est aussi ce qui le libère de toute contrainte. Il ne doit plus s’inquiéter de son avenir politique, ni de l’effet de ses déclarations et de ses politiques sur la campagne de Harris.

Le président américain Joe Biden embrasse la candidate démocrate à la présidence, la vice-présidente Kamala Harris, lors de la première journée de la Convention nationale du parti démocrate, le lundi 19 août 2024, à Chicago. (Crédit : Jacquelyn Martin/AP)

De plus, Biden ne doit rien à personne. Les démocrates et les chefs de file du Congrès l’ont laissé tomber, et il est certain que les déclarations de responsables anonymes de la campagne de Harris, l’accusant d’être la cause de leur défaite l’auront agacé.

Au crépuscule d’une carrière politique de 51 ans, Joe Biden, qui a toujours attaché de l’importance aux questions internationales, n’a pas encore inscrit de réussite internationale marquante à son palmarès.

S’il devait répondre à une troisième attaque de missiles balistiques par l’Iran contre Israël, il pourrait réagir différemment. Ayant déjà prévenu l’Iran qu’il serait difficile de retenir Israël en cas d’agression, Biden pourrait envisager d’engager les forces américaines dans la riposte, jugeant que la force est le seul moyen de contraindre Téhéran à s’arrêter.

Le dispositif est en place. Outre les dizaines de milliers de soldats américains stationnés en permanence au Moyen-Orient, le Pentagone a envoyé la semaine dernière plusieurs bombardiers B-52 Stratofortress, capables de transporter des bombes bunker buster dans la région.

Des avions de chasse Rafale des FASF volant à côté d’un avion F-16I de l’armée de l’Air au-dessus d’Israël lors d’un exercice, le 6 décembre 2022. (Crédit : Armée israélienne)

Même si une attaque directe contre l’Iran semble improbable pour Biden, déterminé depuis le 7 octobre à éviter une escalade régionale, il est tout à fait concevable que le chef suprême de l’Iran et le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) l’y forcent.

« Les Iraniens pourraient voir les deux prochains mois comme leur dernière chance de fabriquer une arme nucléaire », a indiqué Michael Oren, ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis.

Toutefois, l’inimitié personnelle de Biden à l’égard de Netanyahu est également susceptible de déterminer ses actions. Il est peu probable qu’il fasse des faveurs au dirigeant israélien, surtout après le limogeage, par ce dernier de Gallant, qui avait des liens étroits avec l’actuelle administration américaine.

Les leaders des communautés musulmanes de plusieurs états décisifs, aux États-Unis, annoncent retirer leur soutien au président Joe Biden parce qu’il n’a pas exigé de cessez-le-feu à Gaza, le 2 décembre 2023. (Crédit : #AbandonBiden via AP)

S’il veut contribuer au succès du prochain leader démocrate, qui ne sera certainement pas Harris, Joe Biden pourrait tenter de redorer le blason du parti démocrate auprès des Arabes-Américains en mobilisant son administration pour trouver des solutions afin de mettre fin aux guerres à Gaza et au Liban. Alors qu’il ne reste que quelques semaines pour parvenir à un accord sur la libération des otages – un objectif qui tient à cœur à ce président très sensible – Biden pourrait envisager d’accroître la pression et les menaces sur le Hamas, le Qatar ou même Israël, en fonction de ceux qu’il considère comme traînant les pieds.

Les cibles de ces menaces sauront toutefois qu’elles n’auront à lui tenir tête que jusqu’en janvier, ce qui réduira l’efficacité de la pression exercée par les États-Unis.

Trump revient au gouvernail

Alors que l’équipe de politique étrangère de Trump se forme, Israël a l’occasion de façonner ses relations avec la nouvelle administration pour les quatre années à venir.

« Il est essentiel qu’Israël établisse des accords préliminaires avec l’administration Trump dès sa prise de fonction », ont écrit mercredi trois chercheurs de l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) de Tel Aviv, « car son objectif, dans les premiers jours qui suivront l’investiture, sera de construire et d’établir ses priorités politiques. »

Une lutte semble se dessiner au sein du Parti républicain sur l’orientation de la politique étrangère de l’administration. Les républicains interventionnistes traditionnels qui soutiennent l’aide à leurs alliés et l’intervention militaire contre les terroristes et leurs partisans se heurteront à une résurgence des isolationnistes qui sont hostiles à l’engagement militaire à l’étranger et considèrent les conflits étrangers comme un gaspillage des ressources américaines qui seraient mieux dépensées à l’intérieur du pays.

Le sénateur Marco Rubio, républicain de Floride, parle avec le sénateur Ron Johnson, républicain du Wisconsin, après que Johnson a interrogé Deborah E. Lipstadt, nominée au poste d’envoyée spéciale à la lutte contre l’antisémitisme pendant son audience de nomination au Sénat, au Capitole de Washington, le 8 février 2022. (Crédit : Andrew Harnik/AP

Israël et les régimes arabes proches de l’Occident espèrent que des figures comme les sénateurs Marco Rubio et Tom Cotton prendront les rênes des secteurs de la Défense et de la politique étrangère, ce qui signifierait une continuité avec le premier mandat de Trump.

« Pour savoir ce qu’il fera, il faut regarder ce qu’il a fait », déclare Elliot Abrams, chercheur au Council on Foreign Relations. « Je ne prévois pas de grands changements dans sa politique au Moyen-Orient, ce qui signifie un soutien accru à Israël et une attitude plus ferme face à l’Iran. »

« Dans la région, beaucoup se préparent à un retour de la diplomatie transactionnelle de Trump – une approche axée sur la réciprocité et les accords commerciaux – à laquelle les acteurs locaux se sont déjà familiarisés sous la précédente administration Trump », conclut Burcu Ozcelik, chercheur au RUSI pour la sécurité au Moyen-Orient.

Le président américain Donald Trump montre un tableau mettant en évidence les ventes d’armes à l’Arabie saoudite lors d’une réunion avec le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 20 mars 2018. (Crédit : Evan Vucci/AP)

« Les États du Golfe, principalement l’Arabie saoudite et les Émirats, voient en un second mandat de Trump une opportunité d’obtenir des garanties de sécurité américaines, des contrats d’armement et une politique plus ferme vis-à-vis de l’Iran. »

En même temps, avec JD Vance comme vice-président et l’éditorialiste Tucker Carlson parmi ses conseillers de confiance, il y a des raisons de craindre que Trump privilégie une politique étrangère axée sur l’évitement des conflits, plutôt que la défense active des alliés des États-Unis.

La semaine dernière, Vance a souligné que les intérêts des États-Unis et d’Israël ne seraient pas toujours alignés et que « notre priorité est de ne pas entrer en guerre avec l’Iran ».

L’ancien président américain et candidat républicain à la présidence Donald Trump s’exprime lors d’une soirée électorale au West Palm Beach Convention Center à West Palm Beach, en Floride, le 6 novembre 2024. (Crédit : Jim WATSON / AFP)

Dans son discours de victoire mercredi, le président élu a clairement indiqué : « Je ne vais pas commencer une guerre. Je vais mettre fin aux guerres ».

Trump a déjà prévenu Netanyahu que « le massacre doit cesser » à Gaza. Les autorités israéliennes reconnaissent que cela pourrait les mener à une confrontation avec le président élu des États-Unis.

Israël pourrait donc avoir intérêt à mettre fin aux combats selon ses propres termes avant l’investiture de Trump, afin d’éviter qu’il ne fixe lui-même les paramètres d’un accord.

Le problème, c’est que la manière d’y parvenir est loin d’être claire.

Un minibus marqué par les Nations unies, sur une route devant un troupeau de moutons, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 30 octobre 2024. (Crédit : Eyad Baba/AFP)

La semaine dernière encore, le Hamas a rejeté toute proposition d’arrêt temporaire des combats à Gaza et a réitéré son insistance sur un cessez-le-feu durable. « Nous avons déjà exprimé notre position sur l’idée d’une pause temporaire dans la guerre, pour reprendre l’agression plus tard. Le Hamas soutient une fin permanente de la guerre, pas une fin temporaire », a dit Taher al-Nunu, un haut responsable du Hamas, à l’AFP.

Même si Netanyahu voulait mettre fin à la guerre et conclure un accord avec l’Arabie saoudite, comme l’ont indiqué des responsables israéliens au Times of Israel, la guerre ne prendra pas fin tant que le Hamas retiendra des otages et ne renoncera pas à se maintenir au pouvoir dans la bande de Gaza.

Des personnes regardant le nouveau chef du Hezbollah, Naïm Qassem, prononcer un discours télévisé dans la ville portuaire de Sidon, au Liban, le 30 octobre 2024. (Crédit : Bilal Hussein/AP)

Il en va de même pour le Liban. Le Hezbollah ne va pas se contenter de jeter les armes, d’autant plus que l’organisation soutenue par l’Iran semble s’orienter vers une stratégie d’attrition contre Israël, dans laquelle le temps joue en sa faveur.

Ses commanditaires à Téhéran, pour leur part, adopteront probablement une position prudente avec le retour de Trump au pouvoir.

« Comme le reste du monde, ils vont vouloir se montrer très prudents et circonspects face à Trump », a déclaré Ori Goldberg, expert sur l’Iran. « Ils ne veulent pas d’affrontement frontal avec lui. »

Comme le reste du monde, ils vont vouloir se montrer très prudents et circonspects face à Trump

Cela pourrait signifier éviter tout coup de théâtre sur le plan nucléaire, en attendant le moment opportun pour négocier avec Trump, qui a déjà montré qu’il était prêt à discuter avec les dictateurs les plus radicaux.

« Il n’aime pas les implantations »

Israël devrait également faire preuve de prudence dans ses relations avec la nouvelle administration.

La coalition de Netanyahu comprend deux partis d’extrême droite favorables à l’annexion de la Cisjordanie et à une réinstallation à Gaza. Netanyahu a déjà cédé à plusieurs de leurs demandes pour maintenir sa coalition stable, y compris sur des sujets sensibles comme la prière sur le mont du Temple et l’aide humanitaire à Gaza.

En 2020, Netanyahu avait envisagé d’étendre la souveraineté israélienne aux implantations et à la vallée du Jourdain, pensant que Trump le soutiendrait. Mais ce dernier, alors engagé dans son « accord du siècle » pour le processus de paix israélo-palestinien, s’y est opposé.

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, semble estimer que, libéré de la pression démocrate, Israël pourra annexer la Cisjordanie.

« L’heure de la souveraineté est venue, celle de la victoire totale aussi », a-t-il proclamé à la Knesset la semaine dernière.

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s’exprime lors de la séance plénière de la Knesset à Jérusalem, le 6 novembre 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Ce serait une erreur.

« Lors de son premier mandat, Trump s’est opposé à une annexion », rappelle Michael Oren. « Il a empêché Bibi [Netanyahu] d’annexer la zone C de la Cisjordanie. Trump n’apprécie pas les implantations israéliennes en Cisjordanie. »

« Avec Trump, fort du soutien du Sénat et du Congrès, mieux vaut écouter sérieusement quand il dit de faire quelque chose », a-t-il conclu.

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