Baisse des obligations d’État et des actions à la Bourse de Tel Aviv
Les inquiétudes des investisseurs sur la refonte de la justice et le retrait conséquent des investissements du pays pourraient affaiblir le shekel, dit Goldman Sachs
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
Les prix des actions ont enregistré une baisse dimanche et un affaiblissement du shekel a été constaté ces derniers jours, alors que les inquiétudes des investisseurs sont croissantes face à la refonte radicale du système judiciaire qui a été proposée par le gouvernement de droite, d’extrême-droite et religieux.
A la Bourse de Tel Aviv, l’indice TA-125 avait diminué de 2,1 % à la fermeture, dimanche, alors que l’indice TA-35, qui est composé des 35 principales capitalisations boursières du pays, avait baissé de 2 %. Les prix des obligations d’État à long-terme, pour leur part, avaient fléchi de 1 %.
Cet affaiblissement général est survenu après que Wall Street a terminé une semaine forte, vendredi, avec une hausse du marché.
Le shekel, qui n’est pas coté le dimanche, a également baissé de 2 % par rapport à un panier de devises, ces deux derniers jours, notamment face au dollar américain.
Cette morosité des investisseurs s’exprime dans un contexte d’avertissements lancés par les responsables des banques israéliennes au Premier ministre Benjamin Netanyahu au sujet des potentielles conséquences de la proposition faite par le gouvernement de refondre radicalement le système judiciaire du pays. Netanyahu a indiqué être ouvert au dialogue mais il a fait savoir qu’il ne ralentirait pas ses efforts visant à faire adopter cette enveloppe de réformes radicales de la justice.
Netanyahu a rencontré les dirigeants de plusieurs banques déterminantes du pays ainsi que d’autres hommes d’affaires, cherchant à riposter à un concert de mises en garde grandissantes de la part du milieu commercial et des plus grands économistes, qui ont affirmé que les investisseurs commençaient à sortir leurs fonds du pays.
Tandis que, ces dernières années, le marché israélien a été fortement lié aux mouvements enregistrés sur les marchés du monde entier et qu’il a largement résisté aux événements politiques et sécuritaires, les analystes des sociétés d’investissement, en Israël et ailleurs, avertissent que les changements prévus dans le secteur judiciaire pèsent dorénavant dans l’approche des investisseurs.
Les économistes de la banque Bank Hapoalim et de Leader Capital Markets ont expliqué que l’information portant sur une nouvelle tendance au retrait, de l’État juif, de l’argent des investisseurs en réponse à la refonte judiciaire avait entraîné une nette diminution des prix des obligations d’État, une vente des actions sur le marché local (notamment de la part d’entités étrangères) et un affaiblissement considérable du shekel.
Rafi Gozlan, économiste en chef au sein de l’IBI Investment House Ltd., note un léger fléchissement dans la confiance portée au marché local, depuis le milieu de la semaine dernière, dans le cadre de la relation habituellement entretenue avec les marchés internationaux – un fléchissement qui, dit-il, a correspondu au moment où le gouverneur de la banque d’Israël, Amir Yaron, a averti Netanyahu que le plan de réformes de la justice était susceptible d’effrayer les investisseurs et d’avoir un impact négatif sur la notation du pays.
Yaron avait rencontré Netanyahu la semaine dernière, lorsqu’il était rentré de la conférence annuelle du Forum économique de Davos, en Suisse, y rencontrant des dirigeants de banques internationales, d’agence de notation et des hommes d’affaires de premier plan.
« Le marché local tente de digérer les changements qui ont été proposés pour réformer le système judiciaire, des changements qui augmenteraient la prime de risque sur les actifs nationaux », commente Gozlan auprès du Times of Israel. « Depuis le milieu de la semaine dernière, nous assistons à une forme légère de réévaluation qui a commencé avec l’affaiblissement du shekel et le prix des obligations d’État qui a continué aujourd’hui à faiblir en raison de la nervosité affichée par les investisseurs ».
La banque américaine Goldman Sachs a fait savoir que « les inquiétudes croissantes entraînées par les événements politiques en cours » mettaient l’accent sur l’exposition du shekel.
« Les cinq élections récentes, au cours des trois dernières années, se sont traduites de manière limitée sur les marchés financiers », a écrit dans un rapport diffusé vendredi Tadas Gedminas, économiste au sein de Goldman Sachs. « Ce qui ne signifie pas que la situation actuelle n’aura pas un impact plus significatif cette fois-ci et nous allons nous montrer très attentifs face aux développements à venir ».
« Ceci étant dit, nous pensons que ces changements culturels et leurs implications pour les marchés financiers sont sous-estimés », a-t-il continué.
Gedminas a fait remarquer que pendant des rencontres qui ont eu lieu la semaine dernière en Israël avec des décisionnaires politiques, des analystes et des acteurs du marché local, la performance du shekel avait été au cœur des préoccupations.
« Il y a eu une multitude de points de vue qui se sont exprimés sur la direction que va dorénavant prendre le shekel, avec certains acteurs du marché qui se sont inquiétés des répercussions d’une incertitude accrue au niveau national qui est susceptible d’avoir un impact sur la confiance, ce qui pourrait peser sur la devise », a écrit Gedminas. « Toutefois, notre impression a été que les conséquences macro-économiques des différents scénarii de risque négatif (par exemple, une baisse des flux des investissements étrangers en Israël) prendront des années à se matérialiser et que l’image macroéconomique d’ensemble ne devrait pas changer à court-terme ».
Samedi, pour la quatrième semaine d’affilée, des dizaines de milliers de manifestants israéliens, dont des milliers d’hommes d’affaires et autres dirigeants du milieux des hautes-technologies, se sont rassemblés à Tel Aviv pour dénoncer le plan de refonte judiciaire radical envisagé par la nouvelle coalition. Un rassemblement qui a commencé par une minute de silence suite à l’attentat terroriste qui a eu lieu dans le quartier Neve Yaakov de Jérusalem, qui a fait sept morts et trois blessés.
Les protestataires se réunissent chaque semaine depuis le dévoilement, par le ministre de la Justice Yariv Levin, du plan controversé de réforme radicale du système de la justice au sein de l’État juif, qui prévoit de réduire drastiquement les capacités de la Haute cour à invalider des lois et des décisions gouvernementales considérées par les juges comme discriminatoires et/ou non-démocratiques, qui donnerait au gouvernement le contrôle de la sélection des juges et éliminerait les conseillers juridiques qui travaillent avec les ministères et qui sont nommés par le procureur-général.
Les firmes, les financiers et les organisations professionnelles ont, ces dernières semaines, mis en garde contre le projet de refonte, disant qu’il menace la démocratie et qu’il portera préjudice au secteur high-tech local, qui est florissant.
Alors que les investisseurs, ces dernières années, ont été soumis à un contrôle de plus en plus approfondi sur la manière dont ils choisissent d’investir et où, nombreux sont ceux qui craignent qu’un affaiblissement du système judiciaire n’amène les investisseurs à hésiter à investir des fonds dans les entreprises du pays – ce qui pourrait potentiellement forcer les firmes à s’exiler.
La plus grande société étrangère d’investissements de capital-risque s’est, elle aussi, exprimée en soutien du mouvement de protestation initié par l’industrie technologique locale. European VC Index Ventures, qui investit dans la compagnie cybertechnologique Wiz, a rejoint Insight Partners, une société de capital privée dont le siège est à New York, en faisant part de son soutien aux employés et aux entrepreneurs high-tech qui « descendent dans les rues pour affirmer leurs convictions en cette période de forte incertitude ».
« Il est si important pour tous ceux qui sont au sein de la communauté technologique globale d’influencer et de dénoncer cette problématique pressante », a noté Index Ventures. « Pour que les entreprises et les individus puissent s’épanouir, nous devons maintenir le droit à l’égalité des opportunités pour tous ».
Gozlan souligne, pour sa part, que les changements proposés dans le système judiciaire « changent la donne » dans la mesure où ils transformeront Israël en pays doté un système de contre-pouvoirs très diminué, qui offrira moins de protection aux investisseurs.
« Les employés locaux du secteur des hautes-technologies peuvent décider qu’ils ne souhaitent pas continuer à vivre dans un pays dirigé par un gouvernement anti-libéral, ce qui aura un impact par effet boule de neige sur la croissance et sur les investissements futurs », estime Gozlan. « Ce n’est pas difficile de relocaliser le secteur high-tech israélien – le savoir est très facile à transférer ».