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Cambridge : Révélations sur une armée secrète d’étudiantes ayant décrypté des codes nazis

Sally Waugh met en lumière 77 femmes qui ont travaillé à Bletchley Park, au nord de Londres, pendant la Seconde Guerre mondiale, lors de l'exposition "Newnham et Bletchley Park"

Frieda Midgley, archiviste du Newnham College, présentant une lettre et une photographie dans la bibliothèque du Newnham College, qui fait partie de l'Université de Cambridge, à Cambridge, dans l'est de l'Angleterre, le 21 mars 2024. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un groupe d'étudiantes de Cambridge a travaillé jour et nuit, dans le plus grand secret, pour déchiffrer les codes nazis. Pour le débarquement, elles étaient une cinquantaine en action. Mais leur histoire vient seulement d'être révélée. L'histoire de ces femmes a été révélée grâce aux recherches, entamées il y a cinq ans, de Sally Waugh, une ancienne étudiante et enseignante de cette université âgée de 69 ans. (Crédit : Justin Tallis/AFP)
Frieda Midgley, archiviste du Newnham College, présentant une lettre et une photographie dans la bibliothèque du Newnham College, qui fait partie de l'Université de Cambridge, à Cambridge, dans l'est de l'Angleterre, le 21 mars 2024. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un groupe d'étudiantes de Cambridge a travaillé jour et nuit, dans le plus grand secret, pour déchiffrer les codes nazis. Pour le débarquement, elles étaient une cinquantaine en action. Mais leur histoire vient seulement d'être révélée. L'histoire de ces femmes a été révélée grâce aux recherches, entamées il y a cinq ans, de Sally Waugh, une ancienne étudiante et enseignante de cette université âgée de 69 ans. (Crédit : Justin Tallis/AFP)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des dizaines d’étudiantes de Cambridge ont travaillé jour et nuit, dans le plus grand secret, pour décrypter des codes nazis. Pour le Débarquement, elles étaient une cinquantaine à l’action. Pourtant, leur histoire vient juste d’être révélée.

Elles venaient toutes de Newnham, une université réservée aux femmes, fondée en 1871 à Cambridge, en Angleterre.

Pendant la guerre, au moins 77 femmes de cet établissement ont travaillé à Bletchley Park, lieu mythique de déchiffrage des codes nazis, au nord de Londres.

C’est là que le mathématicien Alan Turing est parvenu à casser les codes de la machine Enigma utilisée par les nazis pour crypter leurs messages, notamment ceux des sous-marins allemands croisant dans l’Atlantique Nord. Selon des historiens, son travail et plus largement celui de Bletchley ont permis de précipiter la chute d’Adolf Hitler.

L’histoire de ces femmes a été révélée grâce aux recherches, démarrées il y a cinq ans, de Sally Waugh, une ancienne étudiante et enseignante de leur université, âgée de 69 ans.

Elle a expliqué à l’AFP sa volonté de mettre en lumière le rôle des femmes dans cette période, souvent tu dans les livres d’histoire. « Personne n’a jamais pu leur dire merci », a-t-elle souligné.

Sally Waugh, ancienne étudiante et professeur de mathématiques à Newnham, posant pour un portrait lors de l’exposition « Newnham et Bletchley Park », qui retrace l’histoire des soixante-dix étudiantes de Newnham qui ont travaillé à Bletchley pendant la Seconde Guerre mondiale, au Newnham College, qui fait partie de l’université de Cambridge, le 21 mars 2024, à Cambridge, dans l’est de l’Angleterre. (Crédit : Justin Tallis/AFP)

« Je n’avais aucune idée que des personnes de Newnham avaient travaillé à Bletchley », a-t-elle raconté. Puis un jour, elle est tombée sur un article mentionnant le nom d’une vieille amie, Jane Monroe, décédée en 2005.

Quand on demandait à Jane, mathématicienne de Newnham, ce qu’elle avait fait pendant la guerre, elle répondait, imperturbable : « Oh, je faisais du thé », a raconté Sally. « Elle était en réalité une décrypteuse de codes. C’était une amie, mais elle ne me l’a jamais dit. »

En taisant cette partie de sa vie, Monroe n’a fait que respecter sa parole. Elle avait promis de garder le secret sur ces opérations au nom de la loi « Official secrets act ».

Reconstituer des messages

L’article mentionnait trois autres noms de femmes, que Sally a retrouvés dans les archives de l’université.

« J’ai alors pensé : s’il y en a quatre, il y en a peut-être d’autres », a-t-elle raconté. En effet, elle en a trouvé une vingtaine puis a croisé ses informations avec Bletchley Park, et ensemble, ils sont arrivés à presque 80.

La seule dont le nom est entré dans l’Histoire est la mathématicienne Joan Clarke, qui a été recrutée en 1940 et a travaillé avec Alan Turing, avec lequel elle a été brièvement fiancée. Elle est devenue cheffe adjointe de son unité et après la guerre, elle a continué à travailler dans le renseignement.

Dans la liste figure une autre mathématicienne, Violet Cane, particulièrement douée en statistiques. Elle a travaillé pour la section navale de Bletchley entre 1942 et 1945.

Des visiteurs regardant des parties de l’exposition « Newnham et Bletchley Park », qui retrace l’histoire des soixante-dix étudiantes de Newnham qui ont travaillé à Bletchley pendant la Seconde Guerre mondiale, au Newnham College, qui fait partie de l’Université de Cambridge, à Cambridge, dans l’est de l’Angleterre, le 21 mars 2024. (Crédit : Justin Tallis/AFP)

Ou encore Elizabeth Langstaff, qui parlait couramment allemand : elle devait reconstituer des messages allemands à partir de décryptages bruts, en interprétant des abréviations et analysant les résultats au fil des mois.

L’archiviste de Newnham a retrouvé fin 2023 une lettre datée du 28 janvier 1939 dans laquelle la responsable de l’université confirme à Bletchley Park « que le collège sera en mesure de fournir au moins six étudiantes maîtrisant les langues modernes pour travailler au ministère des Affaires étrangères en cas d’urgence ».

Newnham a finalement envoyé à Bletchley des mathématiciennes, des linguistes, des historiennes et même des archéologues pour analyser des photographies aériennes.

« Les femmes de Newnham étaient représentées dans la plupart des domaines clés du travail de Bletchley Park », a expliqué Jonathan Byrne, un responsable du Bletchley Park Trust. Il a entre autres cité : le décryptage des signaux allemands chiffrés par Enigma, la production de rapports de renseignement, l’analyse du trafic pour comprendre la localisation des activités de l’ennemi nazi, l’analyse des signaux diplomatiques.

« Beaucoup de ces femmes étaient en service le 6 juin 1944 », pour le Débarquement, a-t-il expliqué. « Leur travail a contribué à la planification de la libération par les Alliés. »

Car tôt ce matin-là, en réponse au débarquement des soldats alliés, le trafic de signaux allemands en France a fortement augmenté.

À Bletchley Park, les femmes de l’ombre « ne savaient pas que le Débarquement avait lieu et elles continuaient à décoder », a précisé Byrne.

« C’est en écoutant la radio qu’elles comprirent le sens de tous ces messages qu’elles décodaient. »

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