Ce que la visite du pape François à la synagogue dit des relations judéo-catholiques
Le pontife a rencontré le grand rabbin de Rome, solidifiant les relations interconfessionnelles qui ont commencé avec la visite de Jean Paul II il y a 30 ans
JTA – Quand le pape François a traversé le Tibre pour visiter la grande synagogue de Rome dimanche, il est devenu le troisième souverain pontife de l’histoire à agir ainsi. Mais son voyage de 2 kilomètres à l’imposant Tempio Maggiore montre que ce qui était autrefois impensable est devenu normal.
« Notre rencontre, a déclaré le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, au journal catholique L’avvenire, a pour objectif de porter un message très actuel, important, et urgent – appartenir à une foi, à une religion, ne devrait pas être une cause d’hostilité, de haine, et de violence, mais qu’il est possible de construire une coexistence pacifique, basée sur le respect et la coopération. »
La visite de Jean Paul II, il y a 30 ans, a marqué un tournant spectaculaire dans les relations judéo-catholiques.
En passant le seuil du Tempio Maggiore, en embrassant chaleureusement le grand rabbin de Rome d’alors, Elio Toaff, et en faisant référence aux juifs comme les « grands frères » du christianisme, le pape né en Pologne avait aboli les barrières qui s’étaient établies il y a presque 2 000 ans.
Le seul impact visuel du pontife et du grand rabbin s’embrassant avait envoyé un puissant message de réconciliation.
Le dialogue officiel entre les juifs et les catholiques a débuté seulement deux décennies avant la visite de Jean Paul II, avec la déclaration Nostra Aetate du Vatican, en 1965, qui a désavoué l’accusation selon laquelle les juifs étaient collectivement responsables d’avoir tué Jésus, a souligné les liens religieux entres les juifs et les catholiques et a appelé a des contacts interconfessionnels.

Pendant des siècles avant cela, comme l’a écrit David Kertzer, historien à l’université Brown (Providence, Etats-Unis) en 2001 dans « Les papes contre les juifs » (The Popes against the Jews), le Vatican « a travaillé dur pour garder les juifs à leur place subalterne – les empêchant de posséder des propriétés, de pratiquer certaines professions, d’aller à l’université, de voyager librement ».
Les juifs étaient confinés dans des ghettos et souvent sujets à des expulsions, des conversions forcées et d’autres persécutions. A Rome, la grande synagogue se tient là où les dirigeants papaux avaient confiné les juifs dans un ghetto surpeuplé jusqu’en 1870.
Jean Paul II avait fait de la promotion des relations entre les catholiques et les juifs une pierre d’angle de sa papauté.
« Ce qu’il a fait est d’affirmer que l’on ne pouvait pas être chrétien sans reconnaître ses racines dans la communauté juive », a expliqué le rabbin Gary Bretton-Granatoor, participant de longue date au dialogue judéo-catholique et ancien vice-président de l’union mondiale du judaïsme progressif.
Le pape Benoît XVI, qui a été un conseiller clé de Jean Paul II et un architecte de sa politique théologique, a suivi la voie de Jean Paul II. Mais le pape Benoît XVI manquait du charisme de son prédécesseur, et certaines de ses politiques ont tendu les relations avec le monde juif.

Sa visite à la synagogue de Rome en janvier 2010 a réaffirmé la continuité de l’engagement du Vatican envers le dialogue judéo-chrétien. Mais elle est intervenue pendant des tensions générées par sa décision de rapprocher de la sainteté le pape controversé de la Seconde Guerre Mondiale, Pie XII – que les critiques accusent d’avoir fermé les yeux sur la souffrance juive pendant l’Holocauste.
Le rabbin Giuseppe Laras, alors président de l’assemblée rabbinique italienne, a même boycotté la cérémonie à la synagogue en signe de protestation.
François, né en Argentine, était proche avec la communauté juive même avant son élection à la papauté, quand il était archevêque de Buenos Aires.
Depuis qu’il est devenu pape en mars 2013, il a constamment démontré son attention aux questions juives et a acquis à sa cause de nombreux sceptiques avec sa chaleur. Il a visité Israël, en même temps que la Jordanie et la Cisjordanie, en 2014.

Sa visite à la synagogue « ne sera pas marqué par l’impression d’un débutant entrant dans un lieu étranger et déclarant qu’il a besoin de trouver son lien, comme l’a fait Jean Paul II », a déclaré Bretton-Granatoor.
Le pape François, a-t-il expliqué à JTA, « est tout à fait à l’aise avec la communauté juive et la vie juive. Son entrée dans cette synagogue ne sera pas différente d’une juif entrant dans une nouvelle synagogue pour la première fois – nouveau, certes, mais familier ».
En mai 2014, le pape François a quelque peu désamorcé le sujet Pie XII en exprimant clairement qu’il n’avait pas l’attention d’accélérer sa sanctification.
Et un document du Vatican publié en décembre pour marquer le cinquantième anniversaire de Nostra Aetate a répété longuement combien le christianisme est enraciné dans le judaïsme. Il a également renouvelé les promesses de coopération et affirmé que l’Eglise, en tant qu’institution, ne devait pas essayer de convertir les juifs.
« La visite de François à la synagogue sera bien plus proche d’une réunion de famille, précisément parce que la nouvelle relation judéo-catholique bénie et prometteuse est devenue presque normale, et François est largement perçu comme un ami véritable du peuple juif, ce qu’il est vraiment », a déclaré le rabbin David Rosen, directeur international aux affaires interreligieuses du comité juif américain (AJC).
Rosen a ajouté que « trois, dans la tradition juive, est une hazakah, c’est-à-dire une confirmation, et maintenant [après la visite papale], il sera presqu’impossible pour un pape de ne pas se rendre à la grande synagogue de Rome ainsi que dans l’Etat d’Israël ».
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