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Couronnement de Charles III: du chrême de Jérusalem et des arrangements pour Shabbat

Pour la 1ere fois, des représentants des communautés juive, musulmane, sikhe, hindoue et zoroastrienne prendront part à la cérémonie royale de samedi

Le roi d'Angleterre Charles III avec le grand rabbin Ephraïm Mirvis lors d’une réception avec des chefs religieux au palais de Buckingham, à Londres, le 16 septembre 2022, après le décès de la reine Elizabeth II, le 8 septembre. (Crédit : Aaron Chown/AFP)
Le roi d'Angleterre Charles III avec le grand rabbin Ephraïm Mirvis lors d’une réception avec des chefs religieux au palais de Buckingham, à Londres, le 16 septembre 2022, après le décès de la reine Elizabeth II, le 8 septembre. (Crédit : Aaron Chown/AFP)

LONDRES (JTA) — A l’occasion de la réception des chefs religieux, au palais de Buckingham, au lendemain de la mort de la reine Elizabeth, en septembre dernier, le roi Charles avait eu un mot en aparté avec le grand rabbin de Grande-Bretagne, Ephraïm Mirvis.

La réception, organisée un vendredi, s’était tenue plus tôt que prévu de manière à permettre la participation de Mirvis. Mais elle la cérémonie s’éternisait et Shabbat approchait.

Selon le rabbin Nicky Liss, chef de la synagogue Highgate, Charles aurait demandé à Mirvis s’il ne devait pas rentrer chez lui avant Shabbat.

Le protocole veut que personne ne quitte la pièce tant que le roi s’y trouve, a répondu Mirvis. Charles lui aurait alors dit de rentrer chez lui.

Le même esprit de respect mutuel devrait prévaloir, le jour du couronnement de Charles, ce samedi, car le roi sera, plus que jamais en pareille occasion, entouré d’un grand nombre de chefs religieux.

L’essentiel de la cérémonie sera évidemment centrée sur le rite chrétien, mais des représentants des communautés juive, musulmane, sikh, bouddhiste, hindoue, jaïne, bahaïe et zoroastrienne y prendront une part active.

Les chefs religieux non juifs feront leur entrée dans l’abbaye de Westminster avant les religieux anglicans.

Les membres juifs, musulmans, hindous et sikhs de la Chambre des lords remettront à Charles des symboles des insignes royaux et, dans un témoignage fort d’interculturalisme, le Premier ministre britannique Rishi Sunak, qui est hindou, lira un passage de la lettre de St Paul aux Colossiens, qui évoque le « règne d’amour du Christ sur tous les peuples et toutes les choses ».

Les Juifs pratiquants qui prendront part à la cérémonie, d’une manière ou d’une autre, sont confrontés à une difficulté de taille : la cérémonie tombe le jour de Shabbat.

Charles a donc invité Mirvis à dormir chez lui vendredi soir – en son domaine de Clarence House, située à 15 minutes à pied de l’abbaye de Westminster, lieu du couronnement – afin qu’il puisse facilement s’y rendre après avoir assisté à un service de Shabbat tôt le matin, en chemin.

Et pour la « salutation à l’unisson » à Charles, à la toute fin de la cérémonie, Mirvis n’utilisera pas de micro.µ

« Ce sera très bref mais très puissant », a affirmé Ephraim Mirvis.

Le grand rabbin a aussi reçu une dispense spéciale de la Beth Din, un tribunal religieux, afin de pouvoir entrer dans un lieu de culte chrétien le jour du shabbat, afin d’honorer l’invitation de Charles III.

« Notre roi veut défendre les droits des membres de toutes les confessions à pratiquer leur religion. Il l’a fait merveilleusement lorsqu’il était prince de Galles et il continue maintenant en tant que roi », a salué le grand rabbin.

« Je sais que les membres d’autres religions apprécient aussi cela. Et d’être maintenant inclus dans le service du couronnement, c’est très spécial », a-t-il ajouté.

Nombre d’interprétations orthodoxes de la loi juive estiment que les Juifs ne doivent pas pénétrer dans les églises, mais la plus haute cour rabbinique de Londres a statué, dans les années 1970, que les grands rabbins le pouvaient à la demande du souverain.

Les couronnements ont lieu à l’abbaye de Westminster depuis 1066 et c’est en 1902 qu’a eu lieu le dernier couronnement un jour de Shabbat.

Pour une certaine partie des Juifs londoniens, le couronnement, un jour de Shabbat, tombe mal et, comme beaucoup d’autres Britanniques, ils pleurent toujours la reine Elizabeth, mère de Charles, dont le règne, pendant 70 ans, a guidé le royaume tout au long de la seconde moitié du 20e siècle et à travers les bouleversements du 21e.

« C’est dommage que nous ne puissions pas y participer pleinement, mais il est vrai que nous sommes très minoritaires. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils nous prennent en compte », a déclaré Naomi Joseph, de passage, mardi, dans Golders Green, un quartier fortement peuplé de Juifs.

« Du coup, je suis un peu moins enthousiaste. Un peu comme si nous n’étions pas invités à une fête. »

« Les funérailles de la reine ont été plus poignantes que ne le sera sans doute le couronnement », estime Keren Rechtschaffen, qui fait des recherches en judéo-anglais, un dialecte local.

« Les gens paraissaient davantage mobilisés. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de voir comment Charles allait régner. Mais je suis sûre qu’il va être génial. »

Mais de nombreuses communautés et familles juives sont, depuis des semaines, tout à l’esprit royal qui déferle sur l’Angleterre, dans une frénésie d’excitation et de gadgets à l’effigie du nouveau roi.

Certaines communautés restreindront l’accès à leur synagogue de manière à organiser des fêtes dans la rue. D’autres organiseront leur propre cérémonie et office en l’honneur du roi, mais une semaine plus tard, afin que leurs membres puissent regarder le couronnement en direct à la télévision.

Une vitrine remplie d’affiches en l’honneur du couronnement, à Golders Green, quartier fortement juif de Londres, le 2 mai 2023. (Crédit : Deborah Danan via la JTA)

La musique et les hommages auront toute leur place lors de l’événement.

United Synagogue, l’union des synagogues orthodoxes britanniques, a demandé l’enregistrement par un chœur d’enfants d’une nouvelle version d’« Adon Olam », prière sans doute la plus connue des fins de service de Shabbat, qui sera dédiée au nouveau roi.

Le Shabbaton Choir, qui enregistre souvent des morceaux pour des émissions de radio et de télévision, a créé une nouvelle version musicale de la prière pour la famille royale qui est récitée par les congrégations juives britanniques chaque semaine.

« Nous attendons ce couronnement depuis longtemps. C’est très excitant », s’enthousiasme Sahar Dadon, Israélien qui dirige un restaurant de pita et vit à Londres depuis 20 ans.

« Nous bénissons le roi avec shem malkhout [du nom de Dieu]. C’est une vraie bénédiction. »

« C’est encore plus fort pour mon épouse. Elle est anglaise et assiste à toutes les cérémonies. Les enfants sont très excités aussi », ajoute-t-il.

Le couronnement aura une autre forme de connexion avec le judaïsme : le roi et les militaires présents lors de la cérémonie porteront au moins quelques pièces cousues par Kashket & Partners, un tailleur juif qui est le principal fournisseur des forces armées britanniques.

La baronne Merron of Lincoln, ex-directrice générale du Board of Deputies of British Jews, remettra à Charles la longue robe du manteau impérial, cousue pour George IV en 1821.

L’Israélien Sahar Dadon dit du couronnement qu’il est « une bénédiction». (Deborah Danan via la JTA)

« Nous avons nos activités quotidiennes, mais il est évident que le couronnement est prioritaire sur tout le reste », confie Cheryl Kashket au London Jewish Chronicle.

« Il n’y a rien de plus important. C’est un moment unique et nous réalisons à quel point nous avons de la chance de faire partie de cette histoire. »

Le président israélien Isaac Herzog sera également présent samedi et un traiteur casher leur mettra à disposition, à lui et Mirvis, de la nourriture casher.

Ivan Binstock, responsable de plusieurs communautés juives de Londres depuis des années, précise que le rituel du couronnement, qui consiste à oindre le nouveau roi avec de l’huile consacrée à Jérusalem, n’est pas inconnu de la communauté juive.

« La partie la plus importante du couronnement, qui se fait en privé, est d’origine biblique », dit-il, rappelant que ce rituel est hérité de celui de l’onction des grands prêtres, dans l’ancien Temple de Jérusalem.

« C’est pour nous une source de grande fierté. »

L’AFP a contribué à cet article.

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