Criminalité : Smotrich soutient l’extension de la détention administrative
Otzma Yehudit propose d'étendre les pouvoirs de détention administrative de l'armée à Ben Gvir ; pour les partis arabes, les priorités du gouvernement ne sont pas bonnes
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Les leaders de la coalition d’extrême-droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir ont exprimé leur soutien lundi à l’emprisonnement temporaire de suspects sans inculpation ni procès afin de lutter contre la vague de crimes violents dans les communautés arabes.
« Nous devons permettre les détentions administratives », a déclaré Smotrich en réponse à une question d’un journaliste au début de la réunion de son parti HaTzionout HaDatit à la Knesset.
« Il faut un ensemble d’outils pour permettre au gouvernement de travailler, y compris des outils inhabituels », a-t-il ajouté.
Dimanche, le parti d’extrême-droite Otzma Yehudit a publié un projet de loi visant à donner à son chef – le ministre de la Sécurité nationale Ben Gvir – la capacité d’autoriser des détentions administratives parmi une série d’autres pouvoirs.
À la mi-2023, 102 citoyens arabes ont été assassinés. À la même époque l’année dernière, le nombre d’Arabes israéliens tués dans des meurtres présumés était de 35, soit presque un tiers du chiffre actuel.
Selon la proposition d’Otzma Yehudit, Ben Gvir serait en mesure d’approuver des détentions administratives renouvelables d’une durée maximale de six mois pour toute personne dont le ministre estime qu’elle représente un danger public, à la demande du chef de la police israélienne et avec l’approbation de la procureure générale, du procureur de l’État ou de l’un de leurs adjoints.
La pratique controversée de la détention administrative, actuellement utilisée par le ministre de la Défense contre les personnes soupçonnées de terrorisme, permet de détenir des individus sans inculpation pendant six mois, renouvelables indéfiniment, tout en autorisant les procureurs militaires à empêcher les suspects de prendre connaissance des preuves retenues contre eux.
La détention administrative est principalement utilisée à l’encontre des Palestiniens, dont environ un millier sont actuellement détenus en vertu de cette pratique. Ces dernières années, la détention administrative a également été utilisée contre une poignée de suspects juifs israéliens, bien que Smotrich et Ben Gvir se soient tous deux prononcés contre son utilisation dans de tels cas.
Les deux ministres ont également demandé lundi d’impliquer l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet dans la lutte contre la criminalité dans les communautés arabes.
« J’ai demandé au Shin Bet de venir enquêter sur toutes les affaires de meurtre dans la société arabe », a déclaré le dirigeant d’Otzma Yehudit lors de l’ouverture de la réunion de sa faction à la Knesset.
Le ministre des Finances Smotrich a lui aussi appelé le Shin Bet et ses ressources à entrer en jeu. « Les gens ont peur de sortir de chez eux aujourd’hui, et à juste titre », a-t-il déclaré.
Bien que le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutienne également cette idée, le chef du Shin Bet, Ronen Bar, a averti que l’élargissement du mandat de l’agence à la lutte contre la criminalité nuirait à sa capacité à lutter contre le terrorisme.
Les critiques avertissent également que les mesures renforcées utilisées par le Shin Bet contre les Palestiniens en Cisjordanie ne devraient pas être utilisées contre les citoyens israéliens à l’intérieur de la Ligne verte.
Ben Gvir a ajouté que son projet de création d’une garde nationale et du recrutement de 1 000 nouveaux policiers, qui n’a pas encore été adopté, contribuera à résoudre le problème de la violente criminalité, qu’il a également imputé à ses prédécesseurs.
« Ils pensent que le public a la mémoire courte », a-t-il déclaré en s’adressant au précédent ministre de la Sécurité intérieure et à son adjoint, affirmant que quelque 1 800 policiers avaient démissionné sous leur direction. « Vous pensez que nous avons oublié. »
Les députés arabes s’insurgent depuis longtemps contre ce qu’ils appellent l’inaptitude du gouvernement et le manque de volonté de lutter contre la criminalité, qui est en grande partie le fait de syndicats du crime organisé.
Lundi, le député Ahmad Tibi (Hadash-Taal) a critiqué les forces de l’ordre et le gouvernement pour leur incapacité à mettre un terme à la récente flambée de violence.
« La police israélienne peut mettre fin à cette lutte entre les organisations criminelles, mais elle ne fait pas l’effort nécessaire », a déclaré Tibi au début de la réunion des factions de son parti à la Knesset.
Ben Gvir ne donne pas la priorité à la lutte contre la criminalité, car il est plutôt affairé à se soucier des soins dentaires et du temps de douche des prisonniers [deux conditions de vie des détenus que Ben Gvir a essayé de limiter] », a ajouté Tibi.
Le chef du parti Raam, Mansour Abbas, a rejeté les propositions visant à impliquer le Shin Bet dans la lutte contre la criminalité dans les communautés arabes, déclarant que l’idée n’était pas réalisable.
« Cela atteste d’une attitude qui n’aborde pas la question de manière sérieuse », a-t-il déclaré.
Au lieu de cela, Abbas a exigé que le cabinet déploie immédiatement des ressources pour lutter contre la criminalité dans la société arabe.
Lors de l’ouverture de la réunion de la faction de son parti arabe islamiste à la Knesset, Abbas a déclaré qu’il s’attendait à ce que le gouvernement adopte la semaine prochaine une décision ministérielle « qui place cette question en tête des priorités du gouvernement », ainsi que les ressources humaines et financières nécessaires pour agir.
Il y a deux semaines, Raam a envoyé à Netanyahu une lettre exposant les demandes d’amélioration de la sécurité des citoyens. Lundi, Abbas a déclaré qu’il n’avait « toujours pas reçu de réponse ».
Plus tôt dans la journée, le gouvernement a rasé cinq maisons construites illégalement dans le village bédouin d’Ararat an-Naqab, situé dans le sud de la région du Néguev.
« Quelles sont les priorités ? Qu’est-ce qui était si urgent pour que le gouvernement de Netanyahu détruisent des maisons ce jour-là ?
« Nous sommes encore en train de panser nos plaies », a ajouté Abbas, affirmant que la communauté arabe israélienne « se sent abandonnée » par le gouvernement.
La semaine dernière, Raam ne s’est pas rendu à une réunion organisée par Netanyahu pour discuter de la criminalité dans la communauté arabe, la qualifiant de « spectacle » et laissant le Premier ministre s’asseoir seul avec les radicaux de Hadash-Taal.
Raam et Hadash-Taal, les deux seuls partis à majorité arabe de la Knesset, sont actuellement en rupture de communication quasi-totale.
Faisant écho à ce sentiment, le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a réitéré son appel pour que Netanyahu renvoie Ben Gvir.
« Il n’a pas la capacité, il n’a pas la confiance nécessaire des échelons supérieurs de la police et de la société arabe, et je ne sais même pas s’il a réellement le désir de résoudre le problème », a déclaré Gantz. « La responsabilité est trop grande, la situation est trop grave. »
De même, Gantz rejette l’idée d’enrôler le Shin Bet pour lutter contre la criminalité des communautés arabes comme une « solution magique » qui « induit la population en erreur ».
« Au contraire, un travail global et systémique est nécessaire pour résoudre le problème », a-t-il déclaré.
« Le gouvernement devrait être fier d’investir dans les citoyens arabes d’Israël – dans l’emploi, les infrastructures, l’éducation et la lutte contre la criminalité. Ils le méritent par leurs capacités et non par leur grâce », a-t-il ajouté, demandant au gouvernement de créer un cabinet spécial pour s’attaquer à la criminalité dans les communautés arabes.