Des rabbins condamnent l’Arménie pour l’utilisation de la rhétorique de la Shoah
"Des expressions telles que 'ghetto', 'génocide', 'holocauste', ne correspondent pas à la terminologie utilisée dans des désaccords politiques, quels qu’ils soient", écrivent-ils
Un groupe de 50 rabbins européens ont signé une lettre collective condamnant les dirigeants arméniens pour avoir utilisé une rhétorique liée à la Shoah dans leur campagne contre l’Azerbaïdjan.
« Des expressions telles que ‘ghetto’, ‘génocide’, ‘holocauste’, entre autres, ne correspondent pas à la terminologie utilisée dans des désaccords politiques, quels qu’ils soient », écrivent-ils, dans une lettre adressée au Premier ministre arménien Nikol Pashinyan et au président Vahagn Garniki Khachaturyan.
Ils expriment ainsi leur inquiétude quant aux liens entre l’Arménie et l’Iran, « un pays qui appelle ouvertement et publiquement à la destruction du seul pays juif au monde », indique la lettre.
Celle-ci faisait suite à de récents entretiens et déclarations communiqués par des dirigeants arméniens au sujet du conflit avec l’Azerbaïdjan, notamment concernant la région contestée du Haut-Karabakh.
« Dans une récente interview accordée à l’AFP, le Premier ministre Pashinyan a fait un rapprochement entre l’holocauste et les ghettos que les nazis ont instauré en Europe pour exterminer les Juifs, et ce que fait actuellement l’Azerbaïdjan dans la région en dissension », assure le communiqué annonçant l’envoi de leur lettre.
« Revenons à l’Holocauste… Hitler est-il arrivé au pouvoir du jour au lendemain ? S’est-il mis à pourchasser les Juifs dans les rues à l’arme blanche ? Ce processus a duré des années. Aujourd’hui, un ghetto a littéralement été créé au Haut-Karabakh », a déclaré Pashinyan dans son interview. Dans une autre déclaration parue il y a quelques jours sur les réseaux sociaux, un responsable arménien avait comparé les Azéris à Hitler, affirmant que « le blocus de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan (le nom arménien du Haut-Karabakh) correspond au Plan contre la Famine, imposé par Hitler. Ce plan a créé une famine comme acte politique, tuant des millions de personnes innocentes ».
Dans leur lettre, les rabbins appellent les dirigeants arméniens à « éclaircir explicitement et sans équivoque que le peuple arménien reconnaît et honore les atroces souffrances subies par le peuple juif » et à cesser de « sous-estimer l’étendue des souffrances du peuple juif pour promouvoir leurs intérêts politiques, en se servant d’expressions associées à l’holocauste juif ».
La lettre a été signée par 50 rabbins, issus de 20 pays européens – la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, la Croatie, l’Espagne, le Gibraltar, la Bulgarie, le Monténégro, la Slovaquie, la Pologne, la Hongrie, Malte, Chypre, l’Estonie et l’Ukraine. Cette initiative a été organisée par le Centre rabbinique européen, une organisation faîtière juive basée à Bruxelles et représentant plus de 800 rabbins et de communautés juives du continent.
Parmi les signataires, figuraient les rabbins français Chai Amram, de Marseille, Yéhiel Brand, de Sarcelles, Yosef Pevzner, de Paris, Yossef Amar, de Seine-et-Marne, Shmuel Houri, de Paris, Levi Kahan, juge rabbinique à Paris, Michael Szmerla, président du tribunal rabbinique de Strasbourg, et Yirmiya Cohen, président du tribunal rabbinique de Paris.
L’Arménie, alliée de la Russie, et l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, se sont affrontés lors de deux guerres au cours des trois dernières décennies pour le contrôle du Nagorny Karabakh, une enclave majoritairement peuplée d’Arméniens rattachée à l’Azerbaïdjan, et ayant unilatéralement proclamé son indépendance en 1991.
Après une première guerre qui a fait plus de 30 000 morts au début des années 1990, Erevan et Bakou se sont affrontés à nouveau à l’automne 2020, lors de combats qui ont coûté la vie à plus de 6 500 personnes.
Après un accord signé sous l’égide de la Russie, Moscou a déployé en novembre 2020 quelque 2 000 soldats de la paix au Nagorny Karabakh.
Des affrontements meurtriers, faisant près de 300 morts, ont éclaté à nouveau il y a un an à la frontière entre les deux pays, qui se rejetaient mutuellement la responsabilité des combats, les plus violents depuis la guerre en 2020.
Le calme est depuis revenu, mais la situation reste très tendue entre les ex-républiques soviétiques rivales.
Israël soutient militairement l’Azerbaïdjan et n’a pas reconnu officiellement le massacre de 1,5 million d’Arméniens par les Ottomans en 1915 comme un génocide, de peur d’offenser la Turquie. Les liens entre Israël et l’Arménie sont ainsi tendus pour ces deux raisons.