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Analyse

En consultant publiquement les députés, Rivlin dévoile la tambouille électorale

Le président a initié lundi les entretiens avec les dirigeants politiques nouvellement élus au sujet de la prochaine coalition, mais sous l’œil des caméras - Que mijote-t-il ?

Raoul Wootliff

Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Le Président Reuven RIvlin aide des bénévoles à préparer des colis de nourriture pour les familles nécessiteuses avant Pessah, à la résidence du Président à Jérusalem, le 19 avril 2016. (Hadas Parush/Flash90/Fichier)
Le Président Reuven RIvlin aide des bénévoles à préparer des colis de nourriture pour les familles nécessiteuses avant Pessah, à la résidence du Président à Jérusalem, le 19 avril 2016. (Hadas Parush/Flash90/Fichier)

Le chancelier de fer Otto von Bismarck aurait dit un jour : « Les lois c’est comme les saucisses, il vaut mieux ne pas être là quand elles sont faites. »

Il en va de même pour les gouvernements de coalition. Voir la réalité qu’ils renferment peut s’avérer parfaitement décourageant.

C’est pourquoi la décision du président Reuven Rivlin de diffuser les consultations post-électorales de lundi et de mardi avec les chefs des partis est curieuse.

Après chacune des 20 dernières élections, le président d’Israël a rencontré en privé des représentants de chaque parti pour entendre leurs recommandations sur la personne à nommer à la tête du prochain gouvernement. A l’issue des consultations à huis clos, le chef de l’Etat fait connaître le membre de la Knesset qu’il a chargé de former un gouvernement. Selon la Loi fondamentale, cette personne a 28 jours pour former un nouveau gouvernement. Si nécessaire, le président peut allouer jusqu’à 14 jours supplémentaires pour mener à bien le travail.

Reuven Rivlin veut faire ça différemment.

« Dans une décision historique et novatrice », a déclaré la semaine dernière un communiqué de son bureau, « le président a annoncé que ses réunions avec les différentes factions seraient retransmises en direct, sur toutes les plateformes, au nom de la transparence ».

Le président Reuven Rivlin dépose son bulletin de vote à Jerusalem, le 9 avril 2019. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Reuven Rivlin, éternel défenseur de la démocratie israélienne et de ses institutions, veut-il vraiment que l’opinion publique le voie en train de préparer sa tambouille post-électorale et la servir dans un sachet censé nourrir la coalition ? Et, comme Bismarck le disait, les citoyens israéliens pourront-ils toujours respecter le processus après avoir eu un aperçu de la boucherie à travers la vitrine ?

Netanyahu, évidemment

Une élection israélienne se déroule en trois étapes : le vote pour le parlement, la sélection présidentielle du Premier ministre potentiel et les négociations de coalition pour former un gouvernement, avec une majorité parlementaire. Le peuple d’Israël a eu son mot à dire sur la première – donnant à la fois au Likud plus de sièges qu’à son principal rival Kakhol lavan, et au bloc de droite un avantage net sur toute coalition centriste possible. Pour arriver à la dernière étape, le président doit maintenant choisir un candidat qui, selon lui, a les meilleures chances de traduire les résultats des élections en un gouvernement stable.

Cette personne sera sans nul doute Benjamin Netanyahu.

Dans son discours de victoire aux premières heures de la matinée de mercredi, Netanyahu, dont le Likud a remporté 36 sièges aux élections de mardi, a promis qu’il réussirait à former un gouvernement composé des partenaires de droite et ultra-orthodoxes qui ont fait partie de sa présente coalition. L’arithmétique de la Knesset indique qu’il peut le faire – le Likud, plus les 15 députés du parti Shas et du parti Yahadout HaTorah, plus cinq de l’Union des partis de droite, cinq de Yisrael Beytenu et quatre de Koulanou lui donneraient 65 sièges sur un total de 120 membres au Parlement.

En tant que parti le plus important, le Likud donnera le coup d’envoi des consultations à la résidence du président lundi matin, suivi, dans l’ordre décroissant, par chaque parti en fonction du nombre de sièges qu’il a reçus. Les représentants de Kakhol lavan, Shas, Yahadout HaTorah et Hadash-Taal rencontreront Rivlin lundi, tandis que le Parti travailliste, Yisrael Beytenu, l’Union des partis de droite, Meretz, Koulanou, et Raam-Balad s’entretiendront avec lui mardi.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu salue ses sympathisants après la clôture du scrutin des élections générales israéliennes à Tel Aviv, Israël, le mercredi 10 avril 2019. (AP Photo/Ariel Schalit)

Jusqu’à présent, les partis ultra-orthodoxes, Koulanou, et l’Union des partis de droite – mais pas Yisrael Beytenu – ont déclaré qu’ils recommanderaient Netanyahu. Sans la faction laïque de droite d’Avigdor Liberman, le décompte serait de 60 – pas tout à fait une majorité, mais certainement une avance dominante.

En revanche, Kakhol lavan de Benny Gantz – qui a pratiquement exclu les deux partis arabes-israéliens, Raam-Balad et Taal-Hadash (et que ces derniers ont pratiquement exclu) – ne peut s’appuyer que sur l’aide des travaillistes et de Meretz. Alors que les résultats le placent juste derrière le Likud, ses 35 sièges n’augmentent que de 45 sièges avec le soutien du centre gauche et du parti de gauche.

La volonté sans précédent de Rivlin de faire preuve de transparence dans le processus pourrait donc n’être qu’une occasion de montrer au public comment il parvient à ce résultat prédéterminé. Après une campagne électorale qui a vu Netanyahu lui-même suggérer que Rivlin pourrait tenter de renverser la volonté du peuple en « cherchant une excuse » pour charger Gantz de cette tâche, le président pourrait vouloir montrer que le contraire est absolument vrai.

En effet, lors d’une leçon d’instruction civique donnée le mois dernier à des élèves de terminale à Beit Shemesh, Rivlin a déclaré que son rôle était celui d’un émissaire du peuple. « Dans l’État d’Israël, et dans tout État démocratique, il n’y a qu’un seul souverain, et ce n’est pas le gouvernement, mais plutôt le peuple. Il y a beaucoup de points de vue et de types de personnes différents. En règle générale, le président doit tenir compte de ce que le peuple a voulu lors de l’élection, comme exprimé dans les résultats du vote », a-t-il dit aux étudiants avant les élections.

« Le président veut que le public voie le processus afin qu’il puisse remplir son devoir de la manière la plus transparente possible », a déclaré Jonathan Cummings, un porte-parole du président, au Times of Israel dimanche dernier.

Réconciliation et acceptation

Malgré ce qui semble être une conclusion prévisible, Netanyahu craint toujours deux autres scénarios que Rivlin pourrait considérer comme « ce que les gens veulent ». Et ouvrir les consultations au public pourrait, peut-être, indiquer qu’il entend faire preuve d’une grande créativité dans ses efforts pour y parvenir.

La première est celle que Rivlin a suggérée comme étant peut-être son option préférée : si aucun candidat ne remporte les 61 recommandations pour une nomination directe (une possibilité si Liberman s’abstient de donner un soutien clair à Netanyahu), le président peut décider d’essayer d’imposer un gouvernement d’unité nationale.

Le président peut-il le faire ? Oui, avec une facilité surprenante.

Il est tout à fait dans les pouvoirs constitutionnels de Rivlin de poser un ultimatum à Gantz et à Netanyahu : accepter un gouvernement d’unité nationale, alternant le poste de Premier ministre par rotation, ou voir votre adversaire obtenir la priorité au poste de Premier ministre.

Les remarques de Rivlin, prononcées lors d’un éloge funèbre le mois dernier à l’occasion du 50e anniversaire de la mort de l’ancien Premier ministre Levi Eshkol, donnent à penser qu’il croit que cette option est la meilleure pour le pays.

« Eshkol n’était pas seulement un homme de parti. Dès lors qu’il a été élu Premier ministre, il a été le chef de tout Israël. Quand je dis chef, je le pense au sens le plus large du terme : un homme qui a le pouvoir d’imaginer une réalité différente, une meilleure réalité que celle d’aujourd’hui, et l’habileté pour y arriver. C’était Eshkol », a dit Rivlin, alors que Netanyahu était assis au premier rang devant lui.

Le Président Reuven Rivlin s’exprimant lors d’une cérémonie commémorative pour l’ancien Premier ministre israélien Levi Eshkol, le 12 mars 2019. (Mark Neiman/GPO)

Rappelant sa décision d’inviter le parti rival Herut au gouvernement avant la guerre des Six Jours de 1967, Rivlin a déclaré que l’ordre d’Eshkol de faire transporter en Israël les restes du légendaire Zeev Jabotinsky, l’icône révisionniste, fut « la première et cruciale étape vers son acceptation en tant que mouvement politique légitime ».

« Puis vint la deuxième étape spectaculaire qu’Eshkol a franchie en tant que Premier ministre », a souligné Rivlin. « Eshkol, qui a compris que le Herut était une partie légitime du pays, a eu la sagesse d’accepter l’inclusion du parti dirigé par Begin dans le gouvernement d’unité nationale à la veille de la guerre. »

A la fin de son discours, Rivlin a finalement levé l’ambiguïté : « En ces jours très chargés, je vous invite tous à suivre les traces d’Eshkol : la voie de la réconciliation et de l’acceptation, considérant l’autre comme un partenaire légitime pour une action politique commune – pas comme l’ennemi à combattre ».

Se référant à l’une des campagnes électorales les plus virulentes de l’histoire d’Israël, Rivlin pourrait en effet demander aux partis s’ils souhaitent mettre fin aux divisions des trois derniers mois et, comme Eshkol, emprunter la voie de la « réconciliation et de l’acceptation ».

Devant les caméras, devant la nation, pourraient-ils être poussés à dire oui ?

La coalition de mise en accusation

Le deuxième scénario qui hante Netanyahu : avec une accusation de corruption qui devrait être portée contre lui dans l’année suivant la prestation de serment du gouvernement, on pourrait faire valoir qu’il ne constitue pas le premier choix idéal pour diriger un gouvernement stable.

Le procureur général Avichai Mandelblit a, en effet, annoncé en février qu’il avait l’intention de l’inculper dans trois affaires de corruption distinctes, dont une pour corruption, en attendant une audience qui aura lieu au plus tard trois mois après les élections. Il n’y a pas de précédent clair quant à ce qui pourrait arriver s’il le faisait, mais certains constitutionnalistes soutiennent que le Premier ministre serait forcé de démissionner.

Netanyahu est donc en train de constituer ce que certains ont décrit comme une « coalition d’inculpation » qui se montrera loyale tout au long du processus d’audition et même – si une mise en examen est signifiée – lorsqu’il sera jugé par le tribunal de district de Jérusalem. Des rumeurs ont circulé selon lesquelles il pourrait utiliser sa force politique nouvellement acquise pour faire avancer un projet de loi qui lui accorderait l’immunité de poursuites tant qu’il demeurerait Premier ministre. Il a été rapporté qu’il envisageait de conditionner l’entrée dans son nouveau gouvernement au soutien d’une loi dite « française », protégeant un Premier ministre en exercice contre des poursuites ou modifiant des lois d’immunité parlementaire pour le préserver automatiquement des accusations. Il pourrait également utiliser la loi existante sur l’immunité – en demandant à ses collègues députés de lui accorder l’immunité sur la base d’un acte d’accusation apparemment signifié de mauvaise foi – pour lequel il aurait besoin d’une majorité simple à la Commission de la Knesset puis en séance plénière à la Knesset.

Des manifestants à l’extérieur de la résidence du Premier ministre brandissent une banderole sur laquelle on peut lire « Crime Minister », alors que les enquêteurs de police arrivent pour interroger Benjamin Netanyahu, 10 juillet 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Dans de telles circonstances, il serait tout à fait du ressort de Rivlin de demander aux chefs de parti ce qu’ils ont l’intention de faire. Le faire publiquement, devant des journalistes et en direct dans de nombreux réseaux en ligne, obligerait les partenaires de Netanyahu à dire publiquement s’ils vont rester avec lui quoiqu’il arrive, et s’ils ont l’intention de lui fournir les moyens de rester en place. Si la création d’un gouvernement stable est en effet le but principal du président, il peut même être négligent de sa part de ne pas le faire.

Rien n’empêchera non plus Rivlin de poser la question aux députés du Likud de Netanyahu, qui représenteront le parti dans les consultations de lundi.

Selon la loi, n’importe lequel des 120 députés nouvellement élus peut être désigné Premier ministre. Il n’est pas nécessaire qu’il soit à la tête du plus grand parti, ni même à la tête d’un parti du tout. Avant les primaires du Likud de février, Netanyahu a explicitement affirmé que l’ancien ministre populaire du Likud Gideon Saar, qui venait de revenir à la politique après une pause, avait élaboré un plan avec Rivlin qui prévoyait que le président mettrait Netanyahu sur la touche après les élections et chargerait Saar de former un gouvernement dirigé par le Likud pour le remplacer. Netanyahu a même essayé sans succès d’amender l’une des lois fondamentales quasi-constitutionnelles d’Israël, pour faire en sorte que seul le chef de chaque parti politique élu ait le droit de former un gouvernement et non toute autre candidat figurant sur la liste du parti.

Bien qu’un putsch interne contre Netanyahu soit bien sûr peu probable, Rivlin pourrait vouloir mettre publiquement les spéculations et les rumeurs au placard – ou, peut-être, les réveiller.

« Nous ne savons pas ce qui va se passer cette fois-ci », a déclaré Cummings, le porte-parole de Rivlin, qui n’a donné aucune indication sur ce que le président veut vraiment faire. « Mais quoi qu’il fasse, tout sera visible – pour que le public puisse voir tout cela de ses propres yeux. »

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