En larmes, la mère d’un ex-otage dit qu’Auschwitz lui rappelle le sort des captifs
Shelly Shem Tov confie que les récits, les objets et les images de la Shoah ravivent le souvenir du pogrom du 7 octobre 2023
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

À 13 heures, heure locale, la 37e marche annuelle des Vivants a débuté en Pologne. Des milliers de participants ont marché aux côtés de survivants de la Shoah, dans les camps d’Auschwitz et de Birkenau, pour rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie.
Parmi les personnes ayant fait le déplacement pour participer à la marche figuraient le président Herzog, des otages libérés, ainsi que des familles de victimes du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas et de personnes encore aux mains du groupe. C’est la deuxième année consécutive que des rescapés et des proches de victimes prennent part à la marche.
Shelly Shem Tov, la mère de l’otage libéré Omer Shem Tov, a déclaré jeudi qu’elle avait eu raison de suivre son instinct en venant à Auschwitz à l’occasion de la Marche des vivants.
« J’ai bien fait de venir ici, d’écouter les récits, de voir les images et les objets exposés, ces montagnes de lunettes », a-t-elle déclaré, les larmes aux yeux.
Elle a expliqué que ces images l’avaient ramenée au 7 octobre 2023, lorsque Omer et d’autres otages avaient été kidnappés par des terroristes palestiniens, qui leur avaient arraché leurs lunettes pour les empêcher de voir.
« Je pense aussi à cette mère, qui pendant la Shoah, a dit à son enfant de se cacher dans un placard, exactement comme d’autres familles l’ont fait le 7 octobre », a poursuivi Shem Tov.
« Du fond des tunnels, les otages nous crient : ‘Sauvez-moi, sauvez-moi’. Omer est revenu. Mais d’autres appellent encore à l’aide. Nous devons les ramener chez eux. Nous devons reconstruire notre nation. »

Plus tôt dans la journée, d’anciens otages et des membres de leurs familles se sont recueillis devant le crématorium d’Auschwitz. Parmi eux, Eli Sharabi, otage libéré, était accompagné de son frère Sharon.
« Nous n’oublierons jamais, et nous ne pardonnerons jamais », a déclaré Eli Sharabi, ajoutant qu’il était accompagné de proches d’otages, d’otages libérés et des familles endeuillées.
« La terre d’Israël nous rappelle que la nation juive est éternelle. Nous sanctifions la vie, pas la mort. Et le contrat moral entre l’État et ses citoyens, c’est de ramener les 59 otages chez eux, et d’inhumer les morts sur leur terre », a-t-il ajouté.
Michael Kupershtein, survivant de la Shoah et grand-père de l’otage Bar Kupershtein, a rappelé que les nazis voulaient éliminer tous les Juifs, et que c’est cette même haine, « intacte », qui a conduit au massacre d’enfants, de femmes et d’hommes le 7 octobre 2023.
Son épouse, Faina, a ajouté que leur petit-fils subissait « presque le même type de torture » que les survivants de la Shoah.
Tzili Wenkert, grand-mère de l’otage libéré Omer Wenkert, a rappelé que bébé, elle avait survécu dans un ghetto en Roumanie.
« Nous avons immigré en Israël en 1965 et eu deux fils. Jamais je n’aurais imaginé qu’un tel événement puisse se reproduire », a-t-elle confié à propos du pogrom du 7 octobre.

Pour Gadi Mozes, ancien otage, participer à la Marche des Vivants avec d’autres familles est une source de force.
Accompagné de sa fille Moran à Auschwitz-Birkenau, il a confié que « la Shoah est la Shoah et le 7 octobre a été un désastre ». Il a ajouté que « en tant que famille, en tant que société, en tant que pays, nous avons été durement touchés, physiquement et émotionnellement ».
« Il y a encore 59 otages, dont 14 sont originaires de notre kibboutz », a-t-il précisé. « Et cela compte plus que tout le reste. »
L’otage libéré Keith Siegel est entré à Birkenau avant la cérémonie de la Marche des Vivants, déclarant être profondément reconnaissant d’avoir pu participer à cet événement aux côtés d’autres anciens otages, de proches de captifs et de familles endeuillées.
« Cela crée un lien immédiat, même avant de vraiment connaître les autres, car l’expérience que nous avons tous traversée, le 7 octobre et avant, me donne un profond sentiment de destin collectif », a déclaré Siegel.
Deux des 59 otages encore aux mains des terroristes du Hamas à Gaza, Gali et Ziv Berman, ont grandi au kibboutz Kfar Aza, où vit Siegel, qui possède la double nationalité américaine et israélienne, depuis plusieurs dizaines d’années.
« Le 7 octobre, le kibboutz était beaucoup plus grand que lorsque nous sommes arrivés en 1983 », a-t-il confié. « Avant que le kibboutz ne s’agrandisse et ne soit privatisé, on se retrouvait souvent dans la salle à manger. Les repas étaient un événement social quotidien, tout le monde connaissait tout le monde. Je connais donc Gali et Zivi, ses frères, et ses parents. Aujourd’hui, cela fait 566 jours que les otages sont en captivité ».

Pendant sa captivité, Siegel a été détenu pendant un temps avec l’otage Matan Angrest. La dernière fois qu’il l’a vu remonte au 20 février 2024.
« C’est très long [en captivité] », a-t-il noté.
Il a également passé du temps avec l’otage Omri Miran et un autre otage, chacun séparément, tous deux confirmés en vie.
« Je dois faire tout ce que je peux pour les ramener chez eux, pour contribuer à l’effort de libération, pour faire avancer l’accord – celui qui m’a permis de revenir, avec 33 autres otages, lors du dernier échange », a ajouté Siegel.
Il a ensuite marché le long des voies de Birkenau avec l’une de ses filles, Ilan, jusqu’au lieu de la cérémonie finale de la Marche des Vivants.

L’otage libérée Agam Berger et Daniel Weiss, survivant du kibboutz Beeri, sont montés sur scène mercredi soir lors de la cérémonie officielle de la Marche des Vivants. Berger y a joué d’un violon centenaire ayant survécu à la Shoah.
Weiss, dont le père a été tué en défendant le kibboutz le 7 octobre 2023, et dont la mère a été assassinée alors qu’elle était otage du Hamas, a joué de la guitare et interprété le chant « Ô gardien d’Israël, garde ce qui reste d’Israël ». Il avait déjà chanté cette prière émotive devant les grilles du camp d’Auschwitz plus tôt dans la journée. De son côté, Berger a interprété au violon la mélodie poignante de « La Liste de Schindler ».
Le duo, accompagné par des membres de la chorale officielle du Rabbinat militaire israélien, a livré sa prestation sous les applaudissements discrets d’une foule émue.
À la fin du récital, les membres des délégations ont scandé : « Ramenez-les à la maison maintenant ! ».

Trempés par une pluie battante, les participants sont restés assis malgré l’averse qui a contraint les organisateurs à écourter la cérémonie.
Plus tard, après que plusieurs survivants ont entonné l’hymne national l’Hatikva, le hazan de Tsahal, Shai Abramson, et la survivante Sarah Weinstein ont interprété la chanson yiddish « Oyfn Pripetchik » sur une scène éclairée par les éclairs.