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Analyse

En lutte pour sa survie politique, Netanyahu ne fait rien pour maîtriser ses partenaires

Selon de récents sondages, la plupart des Israéliens veulent que le Premier ministre démissionne après la guerre. Pour l'heure, il temporise avec extrême droite et ultra-orthodoxes, même lorsqu'ils vont à l'encontre de l'effort de guerre

Carrie Keller-Lynn

Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'exprimant lors d'une conférence de presse au ministère de la Défense, à Tel Aviv, le 28 octobre 2023. (Crédit : Dana Kopel/POOL
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'exprimant lors d'une conférence de presse au ministère de la Défense, à Tel Aviv, le 28 octobre 2023. (Crédit : Dana Kopel/POOL

Un ministre d’extrême droite a bien failli déclencher un scandale international dimanche, au moment où Israël se bat pour sa liberté d’agir dans la guerre qu’il livre contre le Hamas à Gaza, et il s’en est tiré avec l’équivalent d’une tape sur les doigts de la part le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Le gouvernement israélien compte aujourd’hui une quanrantaine de ministres, et le ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, est l’un des plus jeunes. Mais le chef du parti Otzma Yehudit auquel appartient Eliyahu, qui n’est autre que le ministre de la Sécurité intérieure Itamar Ben Gvir, est essentiel au maintien de la coalition d’après-guerre de Netanyahu, qui pourrait ne pas inclure le ministre Benny Gantz, le partenaire centriste du gouvernement d’urgence.

Le chef de l’opposition Yair Lapid a pressé Netanyahu de limoger Eliyahu après que ce dernier a dit que le largage d’une arme nucléaire sur Gaza devait être envisagée. Gantz et Netanyahu ont tous deux condamné ces déclarations, mais ce dernier n’a fait que suspendre Eliyahu des réunions du Conseil des ministres, finalement peu nombreuses et principalement tenues sous forme téléphonique, car la prise de décision en temps de guerre repose sur le cabinet de guerre, à la composition plus restreinte.

Netanyahu aurait aimé évincer Eliyahu, mais il a cédé à la pression de Ben Gvir.

Comme nous l’avons signalé, il s’agit du dernier exemple en date illustrant de quelle manière Netanyahu subordonne les intérêts immédiats du pays en guerre à la gestion de sa coalition, préparation de son avenir politique compris.

Selon de récents sondages, 70 à 80 % des Israéliens estiment que Netanyahu devrait démissionner après la guerre. Les chefs des partis d’opposition, Avigdor Liberman et Merav Michaeli, ont estimé lundi qu’il devait d’ores et déjà démissionner.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, saluant le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, à la Knesset, le 23 mai 2023. (Crédit : Gil Cohen-Magen/AFP)

Avant l’attaque terroriste dévastatrice du Hamas, le 7 octobre dernier, et la guerre actuelle à Gaza qui s’en est suivie, conseillers du Likud, ex-politiciens et analystes politiques israéliens estimaient que Netanyahu jouait sa liberté et sa survie politique avec la conclusion, sous les auspices des États-Unis, d’un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite.

Or, cet accord – dont certains estimaient qu’il aurait pu conduire les Israéliens à pardonner à Netanyahu d’avoir plongé Israël dans neuf mois de tourmente avec son projet de refonte judiciaire, sans parler des trois procès pour corruption auquel il fait face – est aujourd’hui gelé.

Netanyahu est déjà en train de se construire une histoire pour protéger son poste, au cœur d’un questionnement sur la responsabilité de l’échec colossal du renseignement et de la stratégie que symbolise le 7 octobre.

Lundi, un mois après le début de la guerre, Netanyahu a fait ce qui s’est rapproché le plus à une déclaration de responsabilité. Dans une interview en anglais avec ABC News, il a déclaré que « bien sûr » il y avait une possibilité qu’il soit en faute, mais que les enquêtes auraient lieu après la guerre.

S’adressant en hébreu à la population israélienne, Netanyahu s’est déclaré responsable de l’avenir d’Israël, sans toutefois aller jusqu’à endosser la responsabilité des événements, comme l’ont fait plusieurs hauts dirigeants israéliens.

A LIRE : Netanyahu, le leader inégalé auto-proclamé qui refuse d’accepter sa part dans la catastrophe

Au-delà de ça, Netanyahu a publiquement laissé entendre à deux reprises qu’il devrait être placé à la tête des chefs de la sécurité et du renseignement.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’entretient avec ABC News le 6 novembre 2023. (Capture d’écran)

Dimanche, Netanyahu a laissé entendre qu’une manifestation de réservistes de l’armée contre la réforme judiciaire avait décidé le Hamas à passer à l’attaque. Il a rapidement fait machine arrière en tweetant que la responsabilité du 7 octobre incombait au seul Hamas.

A LIRE : Netanyahu cherche à échapper à ses responsabilités pour le 7 octobre. Il n’y parviendra pas

Deux semaines plus tôt, le Premier ministre avait vivement critiqué les chefs du renseignement militaire et du Shin Bet sur Twitter, affirmant qu’il n’avait jamais entendu parler des projets du Hamas avant la date fatidique. Face au tollé public, il avait fini par se rétracter.

Moins de deux semaines après le début de la guerre, le site d’information Walla a indiqué que l’épouse de Netanyahu avait ordonné aux assistants du Premier ministre d’examiner les notes des réunions du Conseil des ministres et d’en expurger toute mention de propos des responsables de la sécurité assurant que le Hamas n’était pas enclin à l’action

Netanyahu est désormais solide au sein de cette coalition de 76 sièges, mais le parti Kakhol lavan de Gantz a bien répété qu’il n’était là que le temps des hostilités. Beaucoup de choses pourraient changer au cours du conflit, et si Gantz se retirait, il laisserait derrière lui la fragile coalition de 64 sièges que Netanyahu a forgée fin 2022.

Le Premier ministre a associé son parti, issu de la droite modérée, le Likud, à des partenaires d’extrême droite et ultra-orthodoxes -et eux seuls – parce qu’ils étaient les seuls d’accord pour le ramener au pouvoir suite à cinq élections qui ont consumé la politique israélienne entre fin 2018 et 2022.

Le député Moshe Gafni dirigeant une réunion de la commission des Finances de la Knesset qu’il préside, le 23 octobre 2023. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Flash90)

Les partenaires ultra-orthodoxes du Likud organisent également leur propre rébellion silencieuse, que Netanyahu n’a pas étouffée. Fin octobre, le Conseil des ministres a officiellement réaffecté tous les fonds de la coalition non encore alloués pour l’effort de guerre. Les fonds de la coalition sont des fonds destinés à honorer des promesses politiques, parmi lesquels figurent les 300 millions de shekels – incomplètement versés – destinés à augmenter les subventions aux écoles privées ultra-orthodoxes à court d’argent.

C’est le député Yahadout HaTorah, Moshe Gafni, qui préside la commission des finances de la Knesset, chargée d’approuver les transferts, sur instruction du ministère des Finances. Or, ni le ministère, sous la direction du ministre d’extrême droite Bezalel Smotrich, ni la commission, n’ont pris de mesures pour restituer les 6,65 milliards de shekels – chiffres du Mouvement pour un gouvernement de qualité – de fonds gelés à la réserve générale du Trésor, afin qu’ils soient réaffectés.

Le ministère des Finances a refusé de confirmer le montant exact – aux journalistes tout autant qu’aux députés -, ce qui a conduit le député de l’opposition Vladimir Beliak à qualifier ce chiffre de « secret d’État » lors d’une réunion, mardi, de la commission des finances. Au cours de la même réunion., un représentant du Trésor aurait déclaré que l’État disposait de suffisamment de fonds pour répondre aux besoins actuels de la guerre.

Dimanche, les partis ultra-orthodoxes ont tenté de faire voter le Conseil des ministres pour que les fonds alloués aux écoles ultra-orthodoxes ne soient pas reversés au trésor, décision annulée après que Gantz s’y est opposé.

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