Grâce à un nouveau laser, le KKL-JNF tente d’éloigner les grues sauvages des cultures
Unique au monde et inoffensif pour les oiseaux, ce système utilise caméras, lasers et IA ; il sera déployé en 2025 au lac Hula, là où le nombre de grues a baissé à cause de la guerre
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
C’est l’ornithologue en chef du Fonds national juif KKL-JNF qui est à l’origine des travaux sur ce qui s’annonce comme le tout premier « chasseur » laser au monde capable d’empêcher les grues grises, qui traversent par dizaines de milliers Israël au moment de leur migration, de décimer les champs agricoles.
Yaron Charka, qui a travaillé un temps dans le secteur technologique avant de se tourner vers la protection de la nature, s’est associé à la société israélienne Avant Guard pour développer ce système, croisement d’un faisceau laser et de l’intelligence artificielle.
Une fois par minute, la caméra balaie les champs tandis que l’IA localise les grues et dirige le faisceau laser, que les oiseaux prennent pour une créature lancée à leur poursuite. (Le faisceau ne les touche pas et ne leur fait aucun mal.) Le laser porte jusqu’à un kilomètre et permet de couvrir une superficie de trois kilomètres carrés.
Le système en est à sa quatrième année de développement et Charka espère pouvoir l’utiliser d’ici octobre 2025, lors de la prochaine migration hivernale.
Il explique au Times of Israel que cette technologie pourrait être utilisée dans d’autres domaines, par exemple pour éloigner les sangliers.
Un grand nombre des vallées israéliennes d’aujourd’hui étaient autrefois des marais, indispensables points de ravitaillement pour le demi-milliard d’oiseaux qui traversent Israël deux fois par an, lors de leur voyage entre l’Europe de l’Est/l’Asie occidentale et l’Afrique, à commencer par 90 000 grues grises.
La plupart de ces terres ont été drainées pour les besoins agricoles, mais une partie de la vallée de Hula a été volontairement inondée dans les années 1990 de façon à rétablir l’écosystème original.
Les agriculteurs ont planté du maïs et des arachides dans ce sol de nouveau gorgé d’eau – des mets de choix pour les grues de passage. C’est là que la confrontation a commencé.
L’Autorité israélienne de la nature et des parcs a, dans un premier temps, nourri les grues de façon à les éloigner des terres agricoles et les circonscrire dans l’enceinte du parc.
En présence d’une nourriture aisément disponible, 30 à 40 000 grues venues pour l’automne ont décidé de passer l’hiver sur place et de ne repartir qu’en mars de l’année suivante, au plus tard en milieu de mois. Il en a résulté une surpopulation que l’on a tenue coupable de la propagation fulgurante de la grippe aviaire en 2021, qui a affecté aussi bien les poulaillers que les oiseaux sauvages, et a tué 8 000 grues, essentiellement dans ou à proximité du lac Hula.
En 2022, de crainte d’une nouvelle épidémie, l’Autorité israélienne de la nature et des parcs s’est entretenue avec les agriculteurs et autres parties concernées et a convenu d’un plan quinquennal destiné à cesser progressivement l’alimentation au sein du parc.
Mais le gouvernement est tombé avant que les agriculteurs n’aient pu obtenir l’assurance d’être indemnisés des dégâts occasionnés à leur exploitation, lorsque les oiseaux reviendraient paître dans leurs champs. A ce jour, aucun engagement en ce sens n’a été pris.
Les lasers pourraient à eux seuls régler la question de l’alimentation et celle des sirènes bruyantes actionnées à partir de tracteurs pour chasser les oiseaux des champs.
A la faveur du cessez-le-feu conclu le mois dernier entre Israël et le groupe terroriste du Hezbollah soutenu par l’Iran, au Liban, le parc de la Vallée de la Hula a rouvert ses portes dimanche dernier, après 14 mois de fermeture.
Le Hezbollah tirait en effet des roquettes sur Israël depuis le 8 octobre 2024, dans le sillage du pogrom commis la veille, dans le sud d’Israël, par des terroristes du Hamas venus de Gaza, et qui a coûté la vie à 1 200 personnes et fait 251 otages enlevés à Gaza.
Les employés du parc qui vivaient près de la frontière nord ont tous été évacués. Ceux qui n’étaient pas rappelés pour le service de réserve se rendaient chaque jour dans le parc, souvent bloqués dans les abris anti-aériens.
Le vacarme occasionné par les roquettes tirées depuis le Liban et leur interception par le système israélien du Dôme de fer est manifestement à l’origine de la diminution du nombre de grues dans la Vallée de la Hula, cet hiver comme l’hiver dernier.
« De précédentes études ont établi que les oiseaux évitaient les zones de conflit. Les scientifiques ont installé des balises GPS sur des aigles criards d’Europe de l’Est et constaté que ces derniers évitaient les lieux de conflit en Ukraine. Cet hiver, tout comme l’hiver dernier, j’ai remarqué qu’il y avait nettement moins d’oiseaux et d’espèces dans le parc de la Vallée de la Hula. Il n’y avait pas plus de 10 000 à 15 000 grues. »
D’autres facteurs pourraient expliquer cette baisse, ajoute Charka, à commencer par la grippe aviaire ou le changement climatique. Avec des hivers de plus en plus chauds, il est en effet possible que les oiseaux restent ou s’arrêtent en Turquie au lieu de mettre le cap sur Israël voire au-delà, en Afrique.
Selon Inbar Shlomit Rubin, gestionnaire du parc pour le KKL-JNF, il faut laisser aux grues le temps de s’habituer aux visiteurs, après 14 mois d’absence.