Il n’y a pas d’accord sur la table, dit Netanyahu à d’ex-otages qui l’implorent d’en conclure un
Le Premier ministre a dit aux anciens captifs que ceux qui affirment qu'Israël rejetait des offres mentent ; "l'armée est à blâmer" pour le 7 octobre, a déclaré Sara Netanyahu ; "Un leader est responsable de l'armée", a riposté un ancien otage
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
D’anciens otages, ainsi que des familles de captifs encore détenus à Gaza, ont imploré le Premier ministre Benjamin Netanyahu de signer un accord visant à garantir la libération de leurs proches lors d’une réunion houleuse qui a été organisée dans la journée de vendredi – une rencontre pendant laquelle le Premier ministre a insisté sur le fait qu’aucun accord n’était sur la table actuellement.
Des propos qui ont fait l’effet d’une douche froide sur les négociations en cours – des discussions que les États-Unis ont tenté de dépeindre de manière optimiste alors même que les parties restent en fort désaccord sur des sujets déterminants.
Dans un enregistrement de cette réunion – dont des extraits ont fuité et ont été révélés par la Douzième chaîne – la fille d’un captif dit au Premier ministre : « Vous pourrez laisser le souvenir de l’homme qui aura orienté le pays dans une meilleure direction, ou vous pourrez laisser le souvenir de l’homme qui aura semé le chaos ici. Vous êtes le Premier ministre et vous êtes responsable de tous ceux qui ont été enlevés – c’est vous qui en avez la responsabilité, ce n’est pas le Hamas ni qui que ce soit d’autre. C’est vous qui êtes censé conclure un accord qui garantira leur retour à tous ».
« Mais que me proposez-vous de faire ? », répond alors Netanyahu.
« Je propose que vous signez un accord qui permettra à tous les otages de revenir chez eux », continue la fille de l’otage. « Il y a un accord sur la table ! »
« Un accord ? Quel accord ? », riposte alors le Premier ministre. « Ceux qui vous ont dit qu’il y avait un accord [otages contre cessez-le-feu] sur la table et que nous ne l’avons pas accepté pour une raison ou pour une autre, pour une raison personnelle, vous disent un mensonge ».
Au début du mois dernier, le Hamas avait soumis une proposition d’accord sur les otages qui, pour la toute première fois, n’évoquait pas la demande déterminante qu’il n’avait cessé de revendiquer dans le cadre des pourparlers – qu’Israël s’engage en faveur d’un cessez-le-feu permanent et définitif. En échange, le groupe terroriste avait procédé à une série d’amendements apportés à la proposition faite antérieurement par l’État juif.
Netanyahu a depuis rejeté un grand nombre de ces changements recherchés par le groupe terroriste et il a fait connaître ses propres exigences – notamment le maintien de l’armée dans le couloir Philadelphi, qui court le long de la frontière entre l’Égypte et Gaza, afin d’empêcher l’importation clandestine d’armes. Il a également insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme garantissant que les hommes armés qui se trouvent dans le sud de la bande ne pourront pas retourner dans le nord en empruntant le couloir Netzarim, qui sépare en deux l’enclave côtière. Ces deux exigences sont devenues des points de friction que les médiateurs américains, qataris et égyptiens se sont efforcés de surmonter.
Les chefs de l’establishment sécuritaire israélien ont indiqué, en privé, qu’ils seront en mesure de gérer un retrait total des soldats du couloir Philadelphi et du couloir Netzarim – au moins pendant la durée de l’accord. Ils estiment que cette concession faite au Hamas vaut la peine dans la mesure où elle permettrait de sauver les otages encore en vie avant qu’il ne soit trop tard.
Une « proposition de compromis », présentée la semaine dernière par les États-Unis, a tenté de trouver une solution sur la question du déploiement des troupes israéliennes – mais deux responsables arabes appartenant aux pays médiateurs, le Qatar et l’Égypte, ont déclaré au Times of Israel qu’elle accordait trop de poids aux inquiétudes de Jérusalem. Un conseiller de Netanyahu a déclaré que l’offre américaine répondait effectivement aux besoins d’Israël en matière de sécurité, raison pour laquelle le Premier ministre l’a acceptée. Les équipes des pays intermédiaires dans les discussions se sont entretenues au Caire, la semaine dernière, avec une délégation israélienne pour tenter de faire avancer les négociations. Toutes doivent se rencontrer à nouveau ce week-end, mais le Hamas n’a toujours pas accepté la dite « proposition de compromis » soumise par Washington, et il a laissé entendre qu’il n’était prêt à accepter qu’un accord basé sur les conditions qu’il a présentées en date du 2 juillet.
En début de semaine, les soldats de Tsahal ont rapatrié les dépouilles de six otages tués alors qu’ils se trouvaient dans les geôles du Hamas. Ils étaient tous en vie au début de l’année.
« Ils meurent et chaque jour, vous tuez quelqu’un d’autre », s’insurge un ancien otage en s’adressant à Netanyahu dans l’enregistrement de la réunion de vendredi qui a été diffusé par la Douzième chaîne. « Vingt otages sont entrés vivants et vous en avez ramené 20 qui étaient morts ».
Répondant au mécontentement exprimé par le groupe, Netanyahu affirme, pour sa part, que « je tente de parvenir à un accord qui maximisera le nombre d’otages [vivants] libérés. Je n’accepterai pas un accord pour 12 otages… parce que je laisserais là des gens malades, des personnes âgées, et qui d’autre encore ? Et vous, feriez-vous une chose pareille ?… Personnellement, je ne le ferai pas ».
Netanyahu ajoute que céder aux exigences du Hamas, notamment en ce qui concerne le couloir Philadelphi, s’apparenterait à une défaite dans la guerre contre le Hamas, ce qui apporterait un coup de pouce majeur à l’axe anti-israélien. Le Premier ministre explique que le chef du groupe terroriste, Yahya Sinwar, est déterminé à poursuivre le combat – et il le qualifie de « psychopathe ».
Un ancien otage réplique : « Force est de constater que vous êtes aussi complètement bloqué dans l’idéologie qui est la vôtre ».
105 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouveraient toujours à Gaza. Tsahal a confirmé la mort de 34 d’entre eux.
À un autre moment de la réunion, l’un des anciens otages regrette qu’Israël ait autorisé l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza.
Le Premier ministre riposte : « Il y a beaucoup de choses que nous voulons et qui sont difficiles à obtenir. Par exemple, j’aimerais aller en Italie à pied, et en ligne droite… mais si c’est ce que je veux réellement faire, il faut assécher l’océan. Eh bien, asséchons donc l’océan ! Quel est le problème ? », s’est-il interrogé.
Les participants ont également reproché à Netanyahu de n’être venu dans aucun des kibboutzim situés le long de la frontière avec Gaza – les communautés qui ont été parmi les plus durement touchées le 7 octobre, mais qui sont également largement considérées comme faisant partie du camp politique rivalisant directement avec celui du Premier ministre.
« Demandez-lui s’il sait où se trouve Nir Oz sur une carte. Savez-vous où nous vivons ? Etes-vous venu ne serait-ce qu’une seule fois nous rendre visite ? », dit un ancien otage dans l’enregistrement.
« Je sais où se trouve Nir Oz », répond tranquillement Netanyahu.
« Vous savez où est Nir Oz, mais viendriez-vous avec moi en visite pour voir les lieux où nous avons été enlevés ? Alors que tous mes voisins hurlaient, que le kibboutz brûlait, personne n’est venu. Voulez-vous venir visiter le kibboutz avec moi et voulez-vous que je vous montre les souffrances que j’ai pu subir ? », insiste l’ancien otage.
« Pourquoi n’avez-vous pas présenté vos excuses ? », renchérit un autre ancien captif.
« Je l’ai fait », répond Netanyahu. « Je pense que les responsabilités seront établies et réparties à l’avenir. »
« Je n’ai eu droit à aucune excuse. Vous n’avez pas reconnu vos responsabilités », affirme alors l’ex-captif.
Sara Netanyahu blâme l’armée israélienne
L’épouse du Premier ministre, Sara Netanyahu, était également présente à la réunion. Dans l’enregistrement, elle s’oppose verbalement et avec véhémence aux anciens otages.
Alors que la discussion se focalise sur les responsabilités des leaders israéliens dans le cadre du pogrom du 7 octobre, Sara Netanyahu blâme l’armée à plusieurs reprises.
« Un Premier ministre est responsable de l’armée », rétorque un ex-captif.
« Mais quand on ne lui dit rien, comment est-il censé savoir ? », accuse Sara Netanyahou.
Sara Netanyahou déclare aussi que ses propos sont constamment déformés et qu’elle est calomniée dans les médias – un phénomène qui, ajoute-t-elle, ne s’était jamais produit avant que son mari ne devienne Premier ministre.
« J’étais Sara Ben Arzi et personne ne racontait de mensonges à mon sujet. Je vivais une vie normale », déplore-t-elle dans l’enregistrement.
Une ancienne otage l’interrompt alors : « Je vivais aussi une vie normale jusqu’à ce que je sois kidnappée avec mon compagnon ».
Les otages avaient été enlevés le 7 octobre – alors que des milliers de terroristes placés sous la direction du Hamas avaient franchi la frontière séparant Israël de Gaza par voie terrestre, par voie aérienne et par voie maritime. Ils s’étaient livrés à un pogrom dans le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes, des civils en majorité, et kidnappant 521 personnes. Ils s’étaient livrés à des atrocités et ils avaient commis des violences sexuelles à grande échelle.
Le Hamas avait relâché 105 civils au cours d’une trêve d’une semaine qui avait eu lieu à la fin du mois de novembre, et quatre otages avaient été libérés avant cette pause dans les combats. Sept otages ont été secourus vivants par les troupes. Les corps sans vie de 30 otages ont également été retrouvés, dont trois qui avaient été tués accidentellement par l’armée alors qu’ils venaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas retient aussi en otage deux civils israéliens qui étaient entrés de leur propre gré dans la bande de Gaza, en 2014 et 2015 respectivement, ainsi que les dépouilles de deux soldats qui avaient été tués en 2014.
Plusieurs participants à la réunion avec le Premier ministre, vendredi, ont tenu une conférence de presse à l’issue de la rencontre. L’un d’entre eux a déclaré que Netanyahu leur avait dit qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour ramener les otages encore à Gaza sur le sol israélien. D’autres ont toutefois confié que ces échanges ne leur avaient pas donné de raison d’être optimistes.
Ella Ben Ami, dont la mère Raz Ben Ami avait été libérée pendant une trêve d’une semaine, au mois de novembre, et dont le père Ohad est encore à Gaza, a déclaré ne pas avoir été convaincue de la capacité du gouvernement à finaliser un accord sur les otages.
« Nous avons demandé au Premier ministre de nous regarder dans les yeux et de promettre qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir et si cela dépend de lui, de ne renoncer à rien avant que tous les otages soient enfin de retour ici, en vie. Nous avons reçu en réponse un hochement de tête et une confirmation. Nous demandons au Premier ministre de respecter cet engagement et de les ramener à la maison. Nous avons parfaitement conscience du fait qu’il s’agit probablement de la dernière opportunité qui nous est offerte avant d’entrer dans un conflit à grande échelle et nous voulons revoir ceux que nous aimons à nos côtés », a-t-elle dit aux journalistes.
« Personnellement, je quitte cette réunion avec le sentiment lourd et difficile que ces retrouvailles ne sont pas pour demain et j’ai peur pour la vie de mon père, pour les jeunes filles qui sont là-bas, pour tous. Avec toute la désinformation que nous pouvons entendre, nous ne savons plus ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas », a ajouté Ben Ami.
« Nous avons eu une longue rencontre avec le Premier ministre », a commenté de son côté Yelena Trufanova, qui a quitté les geôles du Hamas en date du 29 novembre, sur la demande du président Vladimir Poutine. « Nous avons partagé notre douleur et j’espère que nous avons trouvé une écoute bienveillante. Benjamin Netanyahu m’a regardé dans les yeux et il a dit qu’il ferait tout pour ramener mon fils unique et tous nos êtres chers en vie ».
Yelena avait été kidnappée en compagnie de sa mère, Irena Tati, 73 ans et de son fils Sasha au kibboutz Nir Oz, le 7 octobre. Son mari Vitaly avait été assassiné pendant le pogrom et Sasha est encore retenu en captivité à Gaza.
105 des 251 captifs enlevés par le Hamas, le 7 octobre, sont encore à Gaza. La mort de 34 d’entre eux a été confirmée par l’armée. Le Hamas détient aussi deux civils israéliens qui étaient entrés de leur propre gré dans la bande, en 2014 et 2015, ainsi que les dépouilles de deux soldats israéliens qui ont perdu la vie en 2014.
Jacob Magid a contribué à cet article.