Israël exploitera la plate-forme gazière de Karish même sans accord avec le Liban
Le bureau du Premier ministre a déclaré que production de gaz "n'est pas liée aux négociations" sur le différend frontalier maritime
Israël a annoncé lundi son intention de commencer à produire du gaz sur la plateforme gazière de Karish, indépendamment de la conclusion d’un accord avec le Liban sur le différend frontalier maritime qui oppose depuis longtemps les deux pays.
Dans une déclaration du bureau du Premier ministre, Israël dit espérer et avoir l’intention de négocier un accord avec Beyrouth qui mettra fin au différend sur les zones maritimes revendiquées par les deux pays.
Un tel accord, selon la déclaration, devrait « servir les intérêts des citoyens des deux pays. L’accord contribuera grandement à la stabilité régionale. »
Pour l’ex-général de brigade israélien Amir Avivi, il y a bien un risque de tensions avec le groupe terroriste du Hezbollah même si des deux côtés on cherche plutôt à assurer une stabilité pour la production gazière. « Le Hezbollah utilise la question de Karish et la frontière maritime pour montrer qu’il a bien à coeur les intérêts du Liban », dit-il. Et si accord il y a, « il pourra dire (aux Libanais) qu’il a poussé Israël à faire des concessions ».
Israël a remercié les médiateurs américains d’avoir œuvré en faveur de l’accord. Mais le communiqué note que la production de gaz sur la plateforme de Karish « n’est pas liée aux négociations. La plate-forme commencera à produire du gaz sans délai dès que cela sera possible » – une étape clé devant doper ses exportations de gaz naturel vers l’Europe.
Le Liban et Israël, pays voisins officiellement en état de guerre, négocient depuis deux ans par l’intermédiaire des Etats-Unis pour délimiter leur frontière maritime et lever les obstacles à la prospection d’hydrocarbures sur un gisement offshore controversé en Méditerranée orientale.
Israël considère que le gisement de Karish est situé dans sa zone économique exclusive, mais pour le Liban il se trouve dans des eaux contestées.
L’arrivée en juin à Karish d’un navire affrété par la société Energean Plc censé extraire du gaz pour le compte de l’Etat hébreu, avait exacerbé les tensions et poussé le Liban à réclamer une reprise des négociations, qui avaient été suspendues à la suite de différends concernant la surface de la zone contestée.
Le groupe terroriste libanais du Hezbollah, qui domine largement la vie politique au Liban, a mis en garde à plusieurs reprises Israël contre toute activité à Karish sans accord sur la frontière maritime. Et début juillet, l’armée israélienne a intercepté des drones d’observation envoyés par le mouvement armé vers le gisement.
Les pourparlers entre le Liban et Israël se sont intensifiés ces dernières semaines avec des visites dans les deux pays du médiateur américain Amos Hochstein.
Le 8 septembre, Energean a affirmé être prête à commencer « dans quelques semaines » la production de gaz pour le compte d’Israël, où le gouvernement a dit qu’il commencerait à raccorder le champ gazier à son réseau national.
Karish devrait permettre en outre à Israël d’accroître la livraison de gaz à l’Europe.
« Nous ferons partie des efforts pour remplacer le gaz russe en Europe », a lancé la semaine dernière à Berlin le Premier ministre Yaïr Lapid, ajoutant qu’Israël comptait fournir à l’Europe « 10 % » de ce que la Russie lui fournissait, avant son invasion de l’Ukraine le 24 février.
Moscou avait fourni en 2021 quelque 155 milliards de m3 de gaz aux pays de l’Union européenne. Ainsi, 10% reviendrait à 15,5 milliards de m3.
Israël livre déjà du gaz à ses voisins jordanien et égyptien, et a signé en juin un accord pour la liquéfaction de son gaz en Egypte en vue de son acheminement par bateau à l’Europe.
Les deux gisements offshore israéliens de Leviathan et Tamar produisent un total annuel de 23 milliards de m3 de gaz naturel.
Mais comme la consommation intérieure israélienne est de 13 milliards de m3 et que les accords avec la Jordanie et l’Egypte avoisinent 9,5 milliards de m3, cela laisse peu de gaz disponible pour le marché européen, explique à l’AFP Gina Cohen, spécialiste du secteur gazier israélien.
« Pour vendre plus de gaz à l’Europe, il faut une production stable du gisement de Karish », dont la capacité à court terme est de six milliards de m3 par an, dit-elle, reprochant au gouvernement de ne pas agir assez rapidement sur ces dossiers.
La production de Karish (nord) devrait alimenter le marché intérieur israélien et permettre d’accroître les exportations depuis les plateformes de Leviathan et Tamar, reliées à la ville d’Ashdod (sud).
Or le pipeline reliant cette ville au gazoduc sous-marin Israël-Egypte doit encore être élargi vers la mi-2023. Et pour arriver à combler les 10 % des anciennes ventes russes, la production des gisements de Tamar et Leviathan devra aussi bondir dans les années à venir.
Mais comme la capacité de liquéfaction de l’Egypte n’est pas infinie, l’Etat hébreu devra aussi trouver d’autres alternatives pour acheminer son gaz à l’Europe comme un gazoduc Israël-Chypre-Turquie ou Israël-Chypre-Grèce, voire développer ses propres terminaux de gaz liquéfié, estiment des analystes.