La guerre contre le Hamas met Blinken en situation délicate pour ses réunions en Israël et au sommet arabe
Notant que les civils « faisaient les frais » de la guerre, le Secrétaire d'État a dit qu'il évoquerait les manières d'y remédier, alors même que les États-Unis appellent en coulisses à limiter les frappes sur le sud de Gaza
WASHINGTON – A l’occasion de son deuxième déplacement au Moyen-Orient depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas, le secrétaire d’État américain Antony Blinken va plaider en faveur de pauses humanitaires dans les combats à Gaza, ont confié jeudi au Times of Israël des responsables américains alors que le chef de la diplomatie de l’administration Biden s’envolait pour la région avec une tâche difficile à accomplir.
Antony Blinken devra convaincre à la fois Israël et les alliés arabes de Washington, dont il doit rencontrer les ministres des Affaires étrangères lors d’un sommet organisé samedi par le Département d’État à Amman, la capitale jordanienne, ont expliqué un haut diplomate arabe et un responsable américain, le tout sous couvert d’anonymat.
L’administration Biden souhaite des pauses humanitaires « temporaires et localisées » pour permettre l’acheminement de davantage d’aide dans la bande de Gaza et évacuer en toute sécurité les civils, a ajouté un deuxième responsable américain, précisant qu’elles pourraient en outre donner au Hamas l’occasion d’y voir plus clair s’agissant des quelque 240 otages qu’il a kidnappés à Gaza lors de son attaque, le 7 octobre dernier, au cours de laquelle des terroristes ont massacré 1 400 personnes en territoire israélien, pour l’essentiel des civils massacrés avec une brutalité inouïe.
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On pense que les otages sont dispersés dans des tunnels de l’enclave dirigée par le Hamas, certains détenus par le Jihad islamique palestinien et peut-être même d’autres terroristes, le Hamas ayant parfois dit ignorer où ils se trouvaient tous. Si le Hamas n’a pas une idée claire de l’endroit où se trouvent tous les otages au milieu du chaos causé par les combats, il est plus difficile pour lui de négocier leur libération, a prétendu le responsable.
Reuters a par ailleurs indiqué que les États-Unis faisaient voler des drones de surveillance au-dessus de la bande de Gaza pour recueillir des renseignements sur l’emplacement des otages, parmi lesquels se trouveraient une dizaine d’Américains.
Les pauses humanitaires permettent aussi au Hamas de se reprendre militairement, ce à quoi l’administration Biden est opposée. Mais au moment où Washington tente d’empêcher une dégradation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, qui emporte avec elle une grande partie de ses priorités régionales, cette approche s’impose néanmoins, a commenté le responsable américain au Times of Israël .
Blinken devra cependant faire preuve d’une grande force de persuasion, car Israël n’a pas encore accepté l’idée de pauses humanitaires, convaincu que le Hamas ne pliera que s’il est suffisamment mis sous pression par l’invasion terrestre de Tsahal, doublée d’une grande puissance de feu aérienne. Jeudi, le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu a rapidement démenti un article du New York Times affirmant qu’il était prêt à envisager des pauses humanitaires.
Des pressions pour que cessent les bombardements sur les zones où les Gazaouis ont reçu l’ordre de fuir
Avant même de tenter de convaincre Israël d’arrêter temporairement sa contre-offensive à Gaza, qui vise à éliminer les capacités militaires et de gouvernance du Hamas, l’administration Biden a fait pression sur Israël, depuis les coulisses, pour qu’il limite ses frappes aériennes dans le sud de l’enclave, arguant que Tsahal était moins légitime à cibler cette zone de la bande de Gaza après avoir dit aux civils d’évacuer le nord de l’enclave pour s’y réfugier, ont expliqué un responsable américain et un responsable israélien au Times of Israël.
Le responsable israélien a ajouté que les frappes de Tsahal se concentraient sur le nord de Gaza, où se trouvent de nombreux bastions du Hamas mais qu’il se réservait le droit de cibler le groupe terroriste n’importe où dans la bande de Gaza, suite aux massacres du 7 octobre en Israël.
Il a par ailleurs souligné le respect, par l’armée israélienne, de la ligne de démarcation d’une zone humanitaire, dans le sud-ouest de Gaza, où l’aide internationale est apportée à ceux qui ont fui suite aux consignes de l’armée d’évacuer la partie nord de la bande de Gaza.
Le responsable américain a rétorqué que cette zone n’avait pas été clairement désignée par Israël et qu’elle était beaucoup trop petite pour accueillir l’ensemble de la population de Gaza, soit 2,3 millions d’habitants, dont la grande majorité est encore exposée aux bombardements aériens massifs de Tsahal.
Il a précisé que Washington savait que le Hamas opérait depuis l’intérieur de l’enclave, souvent en dessous des populations civiles dans tout Gaza. Mais les États-Unis sont préoccupés par le très grand nombre de victimes civiles, qui complique le soutien qu’apporte l’administration à l’opération militaire d’Israël et le recrutement d’alliés de fait.
La difficile bataille pour faire passer le monde arabe du cessez-le-feu à la pause
Les partenaires arabes de Washington doivent être travaillés dans l’autre sens, pour leur faire accepter le principe de pauses humanitaires, alors qu’ils exigent pour l’heure un cessez-le-feu immédiat et durable.
Peut-être le plus ardent partisan du cessez-le-feu, la Jordanie a soumis une résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU, la semaine dernière, appelant à la fin des combats à Gaza. Antony Blinken sera en Jordanie vendredi soir après avoir passé la journée en Israël.
Pendant son séjour à Amman, M. Blinken participera samedi à un sommet ministériel avec un groupe d’homologues arabes, au cours duquel il tentera de rallier ses partenaires régionaux au plus grand nombre possible de projets de l’administration Biden concernant la guerre entre Israël et le Hamas, a déclaré le responsable américain.
Il a évoqué les appels répétés de Washington à des pauses humanitaires, à l’intensification de l’aide humanitaire, au rejet du déplacement permanent des Palestiniens et à l’opposition à une occupation israélienne permanente à Gaza comme des exemples de positions que les alliés arabes pourraient soutenir, tout en ajoutant que l’administration Biden faisait en sorte de parvenir à un accord avec les pays participants en amont du sommet, de manière à s’assurer un succès diplomatique.
La liste des invités de ce sommet n’a pas encore été finalisée, a précisé le responsable américain, tandis qu’un porte-parole du Département d’État a refusé de commenter la question.
Aux États-Unis aussi, les appels au cessez-le-feu se répandent lentement depuis l’extrême gauche du parti démocrate.
Dick Durbin est, depuis jeudi, le premier sénateur américain à avoir exprimé son soutien à un cessez-le-feu, à condition qu’il inclue la libération de tous les otages de l’enclave dirigée par le Hamas.
La condition posée par Durbin le distingue des 18 démocrates de l’aile gauche de son parti qui ont signé une résolution appelant à un cessez-le-feu, sans un mot pour les otages de Gaza. L’administration Biden a jusqu’à présent rejeté l’idée d’un cessez-le-feu, affirmant qu’il équivaudrait à une victoire pour le Hamas, qui lui permettrait de continuer à fonctionner et user du terrorisme contre les Israéliens à l’avenir.
La vice-présidente américaine Kamala Harris a balayé d’un revers de main les appels à freiner Israël, déclarant aux journalistes depuis Londres, jeudi : « Nous n’allons pas ajouter de conditions au soutien que nous apportons à Israël. »
« Nous ne disons pas à Israël comment il devrait mener cette guerre », a-t-elle ajouté. Mais les informations recueillies par le Times of Israël – et évoquées plus haut – dessinent une approche américaine plus nuancée dans les coulisses.
Élaboration d’une stratégie d’avenir
Avant de s’envoler pour Tel-Aviv jeudi, Blinken a déclaré aux journalistes que les civils « faisaient les frais » de la campagne militaire israélienne contre le Hamas à Gaza et qu’en Israël, il évoquerait des « mesures concrètes » que l’armée israélienne pourrait prendre pour protéger les civils – propos de loin les plus énergiques qu’il ait tenus sur la question à ce jour, alors que le nombre de morts à Gaza dépasserait les 9 000, selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas. Ces chiffres ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante et incluent les terroristes palestiniens ainsi que les civils tués par des roquettes tirées par des groupes terroristes à Gaza.
Blinken a malgré tout redit qu’Israël avait le droit et l’obligation de se défendre, afin que son peuple ne soit pas à nouveau massacré par le Hamas.
Le secrétaire d’État a également admis que le Hamas était « en substance » responsable du fait que les civils soient pris entre deux feu, en raison de son utilisation de boucliers humains et de l’installation d’infrastructures militaires sous ou à l’intérieur des hôpitaux, des écoles et des mosquées.
Il a dit avoir cinq principaux points à l’ordre du jour de son déplacement : élaborer une stratégie avec Israël au sujet de sa campagne militaire ; veiller à ce que la guerre ne s’étende pas à d’autres fronts ; poursuivre les efforts pour acheminer davantage d’aide humanitaire à Gaza ; évacuer tous les citoyens américains et ressortissants étrangers qui le souhaitent ; obtenir la libération des otages et créer les conditions d’une solution à deux États pour l’après-guerre.
En évoquant la stratégie militaire d’Israël, Blinken fera à nouveau pression sur Jérusalem pour qu’elle commence à évoquer son scénario « de l’après », a déclaré un responsable américain.
Israël a jusqu’à présent refusé d’aborder publiquement la question de savoir qui gouvernera Gaza s’il réussit à renverser le Hamas. Même en privé, les discussions formelles n’ont pas dépassé le niveau bureaucratique des différents ministères concernés, ont déclaré un responsable américain et un responsable israélien.
Les États-Unis s’en sont chargés, mercredi, en déclarant qu’ils aimeraient voir une Autorité palestinienne « revigorée » revenir au pouvoir à Gaza, avec des pays de la région et des agences internationales jouant peut-être un rôle intérimaire jusqu’à ce que Ramallah soit prêt.
Cette proposition s’inscrit dans le cadre de la volonté de l’administration Biden de saisir l’occasion de la crise actuelle pour placer la Cisjordanie et Gaza sous le même organe directeur, afin de faire avancer la solution à deux États.
Israël n’a donné aucune indication sur sa position vis-à-vis de ce cadre, ne serait-ce qu’en raison de la coloration intransigeante de son gouvernement actuel, qui continue de prendre des mesures pour affaiblir le rival plus modéré du Hamas, l’Autorité palestinienne. Mais pour beaucoup, en Israël, la coalition de droite n’a pas réussi à protéger le pays le 7 octobre, ce qui ouvre la possibilité d’un remplacement par une coalition de partis plus modérés.
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