La haine anti-juive diminue au Moyen-Orient et augmente aux USA, selon Lipstadt
Revenant d’Arabie Saoudite, l'envoyée spéciale pour l'antisémitisme note un changement dans la région au forum de Jérusalem ; L'ADL signale un niveau d'antisémitisme record aux USA
Yaakov Schwartz est le rédacteur adjoint de la section Le monde juif du Times of Israël
Au lendemain d’un voyage historique en Arabie saoudite, la nouvelle envoyée spéciale des États-Unis chargée de surveiller et combattre l’antisémitisme, la professeure Deborah Lipstadt, a déclaré mardi à l’Université hébraïque de Jérusalem « qu’un changement est en cours dans la région ».
Elle s’est exprimée lors du forum « New Tools in Combating Contemporary Antisemitism » [Nouveaux outils pour combattre l’antisémitisme contemporain], organisé conjointement par l’ambassade américaine à Jérusalem, le ministère israélien des Affaires étrangères, l’Université hébraïque de Jérusalem et le ministère de la Diaspora.
« Pendant de trop nombreuses années, le royaume d’Arabie saoudite a été un grand exportateur de la haine des Juifs, mais ce que j’y ai vu est tout à fait différent ; il y a eu des changements spectaculaires au cours des dernières années », a déclaré Mme Lipstadt, notant que le royaume avait commencé à appliquer des modifications à ses lois religieuses et à la position des femmes dans le pays.
« J’ai rencontré les chefs et le personnel des ambassades chargés de la lutte contre l’extrémisme violent, du dialogue interconfessionnel, y compris ceux de la Ligue islamique mondiale, dont le secrétaire général a visité Auschwitz en 2020 », a déclaré Mme Lipstadt. « Nous avons entendu un certain nombre de personnes qui semblaient prêtes à faire la part des choses entre la crise géopolitique telle qu’elle se présente ici en Israël vis-à-vis des Palestiniens et le fait que l’antisémitisme est quelque chose de bien distinct. »
« Ce sont des premiers pas importants. J’y ai senti une volonté claire de poursuivre ce dialogue. Il y a de la place pour faire avancer les choses ».
Parmi les panélistes du forum figuraient l’ambassadeur américain en Israël Thomas Nides, le ministre israélien des affaires de la Diaspora Nachman Shai, et le président national de l’Anti-Defamation League (ADL) Jonathan Greenblatt. Le forum était animé par le vice-président de l’Université hébraïque et ancien ambassadeur d’Israël, Yossi Gal.
Lipstadt a parlé des caractéristiques de l’antisémitisme qui le distinguent des autres formes de racisme et de préjugés. Elle a cité l’omniprésence de l’antisémitisme, sa présence à droite comme à gauche, et la théorie de la conspiration selon laquelle les Juifs utilisent leurs richesses et leur savoir pour contrôler le monde.
S’exprimant au lendemain d’une fusillade qui a fait sept morts et des dizaines de blessés lors du défilé de la fête de l’Indépendance dans la banlieue très juive de Chicago, Highland Park, Mme Lipstadt a rappelé le manifeste de l’auteur du massacre du 14 mai à Buffalo, dans l’État de New York, qui visait spécifiquement les Noirs.
« Il était très clair – il voulait tuer autant de Noirs que possible. Les Noirs étaient un danger, ils étaient un danger pour la société blanche », a déclaré Lipstadt. « Mais il croyait que derrière les efforts pour détruire la société blanche se trouvaient les Juifs. Il les décrivait comme des ‘démons’, le plus grand problème que le monde occidental ait jamais eu. Il faut les tuer, et s’ils ont de la chance, les exiler. Nous ne pouvons pas leur montrer de la sympathie, ils doivent retourner dans l’enfer d’où ils viennent ».
Le ministère des Affaires étrangères a déclaré avoir reçu des informations sur la judéité de plusieurs victimes la fusillade de masse de lundi au nord de Chicago, dont l’une a été identifiée comme un membre du personnel de la synagogue.
Le rabbin d’une congrégation hassidique Habad proche de la fusillade dans le quartier de Highland Park à Chicago a affirmé que le tireur présumé avait tenté d’entrer dans sa synagogue pendant la fête de Pessah il y a plusieurs mois, mais qu’on lui avait demandé de quitter les lieux.
Lors du forum à Jérusalem, Nides a déclaré qu’aucun « d’entre nous ne contestera que l’antisémitisme est en hausse. Vous ne pouvez pas ouvrir un journal ou regarder les réseaux sociaux et entendre parler de la violence qui a lieu et ne pas croire que c’est vrai. Nous faisons de notre mieux, mais notre mieux n’est pas suffisant ».
Répétant la déclaration de Lipstadt selon laquelle l’antisémitisme s’infiltre de tous les coins de la société et à travers le spectre politique, Greenblatt a déclaré que « quelque chose a changé aux États-Unis et dans le monde entier ». En 2021, l’ADL a enregistré le plus grand nombre d’incidents antisémites que nous ayons jamais vu dans l’histoire américaine – 2 717 actes, soit une augmentation de 34 % par rapport à l’année précédente… Le nombre de l’année dernière était presque le triple de celui de 2015. »
Greenblatt a noté que plus de 100 suprémacistes blancs d’un groupe appelé Patriot Front ont défilé le 4 juillet devant la State House de Boston, dans le Massachusetts, alors que quelques semaines auparavant, un « projet de cartographie » anonyme avait publié des détails sur les institutions juives de la région de Boston, les désignant comme faisant partie de « l’empire sioniste de l’oppression ».
Le site web, dirigé par des « activistes » autoproclamés, affirmait que « chaque réseau a une adresse, chaque adresse peut être perturbée, chaque organisation peut être démantelée. »
« Qui accusent-ils, contre qui lancent-ils ces calomnies ? Le centre communautaire juif de Boston, l’école juive, les synagogues. Comment peut-on accuser les synagogues d’être responsables de la dévastation et de la ‘colonisation’ ? C’est parce que pendant des années, nous l’avons entendu de la bouche de certains acteurs de la communauté anti-israélienne. Les ONG anti-israéliennes aux États-Unis disent ce genre de choses depuis des années, sans que personne ne les arrête, sans que personne ne les dénonce », a déclaré Greenblatt.
Il a ajouté que l’ADL coopère avec le FBI pour découvrir qui est derrière ce projet et traduire les auteurs en justice pour incitation à la haine et diffamation.
Mme Lipstadt a ajouté que le projet de cartographie « a fait jaillir quelque chose des coulisses et a fait apparaître très clairement ce qui s’y trouve ».
« Il a fait ressortir le problème comme 1 000 discours et séminaires n’auraient jamais pu le faire », a déclaré Lipstadt.