La libération de Pollard n’améliorera pas les relations israélo-américaines, selon les experts
L'espion condamné est peut être un gros poisson, mais pour les Israéliens sa libération n'a rien de comparable à l'énormité de l'accord nucléaire
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Alors que l’euphorie se répandait dans les couloirs du pouvoir à Jérusalem après la nouvelle que Jonathan Pollard bénéficierait d’une libération conditionnelle, certains ont mis en garde que la liberté de l’espion israélien condamné ne changerait pas la relation chargée de friction entre Israël et les Etats-Unis.
« Cela n’influera pas du tout sur les relations », a dit mercredi l’ancien ministre de la Défense, Moshe Arens au Times of Israel.
La libération de Pollard est considérée par certains comme une tentative de Washington pour apaiser Israël, après la signature de l’accord nucléaire avec l’Iran, bien que l’administration Obama ait vigoureusement nié tout lien.
Même si la libération de Pollard avait été conçue comme un baume, ce serait une mission perdue d’avance.
Les tensions entre l’administration américaine et le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu sont enracinées dans différents désaccords politiques fondamentaux, au premier rang desquels l’accord nucléaire avec l’Iran, et quoi qu’il arrive à Pollard ne sera pas en mesure de les combler, ont estimé plusieurs experts des relations bilatérales.
« L’accord nucléaire avec l’Iran est si important pour Israël, en ce qu’il touche à des questions existentielles, qu’il n’y a pas d’équivalence possible entre les deux questions, » a dit Arens, qui avait été « très impliqué » dans les activités de Pollard, à en croire une interview de l’espion publiée en 1997.
Inversement, la promesse du président américain Barack Obama de ne pas interférer dans le processus de la libération conditionnelle de Pollard – qui dans la pratique est obligé à rester sur le territoire américain pour une durée de 5 ans – n’aggravera pas la friction en cours.
Même si Obama changeait d’avis et usait de son pouvoir de grâce constitutionnel pour laisser Pollard partir maintenant, un tel geste n’aurait pas le moindre impact sur le désaccord amer qui existe entre les deux gouvernements, a suggéré Shlomo Slonim, l’ancien président de la chaire d’études américaines à l’université hébraïque.
Selon lui, « la question nucléaire est existentielle pour Israël ; qui voit l’accord avec l’Iran comme ouvrant la voie à l’Iran à la bombe atomique, et seul un renversement de la politique des États-Unis sur cette question pourrait éventuellement contribuer à une meilleure atmosphère entre les dirigeants des deux pays ».
Certains experts israéliens et américains espèrent que la libération de Pollard pourrait taire ou au moins réduire la critique véhémente de Jérusalem sur l’accord nucléaire, que les États-Unis et cinq autres puissances mondiales ont signé avec l’Iran il y a quelques semaines à Vienne.
Mais le fait que le ministère de la Justice des États-Unis lui a accordé une libération conditionnelle, lui permettant de sortir de prison le 21 novembre – 30 ans exactement après avoir été arrêté – est un processus légal courant plutôt que d’un geste motivé par la politique.
Si une libération conditionnelle lui avait été refusée à nouveau, Pollard aurait dû rester en prison encore pendant 15 ans.

La notion de Pollard, originaire du Texas qui a obtenu la citoyenneté israélienne en 1995, comme carte dans un jeu de poker politique avec Jérusalem a une longue histoire. Sa libération, exigée par les gouvernements israéliens successifs, avait été soulevée à plusieurs reprises dans le cadre des pourparlers de paix israélo-palestiniens.
En 1998, le président américain Bill Clinton avait exhorté Netanyahu à libérer les prisonniers palestiniens, qui à son tour a demandé la libération de Pollard. On considère que Clinton l’aurait laissé sortir, mais a décidé de ne pas le faire après que le chef de la CIA d’alors George Tenet aurait menacé de démissionner.
L’eventualité de la libération de Pollard a de nouveau été soulevée en 2014, au cours des récents pourparlers de paix israélo-palestiniennes menés sous l’égide américaine. Mais comme les négociations ont échoué notamment en raison du refus d’Israël de libérer un quatrième lot de prisonniers de sécurité palestiniens, la transaction n’a jamais abouti.
« J’ai toujours pensé qu’il était erroné de lier Pollard à ces questions », a déclaré Eytan Gilboa, un expert sur les relations israélo-américaines à l’université Bar-Ilan.
« Mais le gouvernement était désespéré sur le fait que rien ne fonctionnait. Quand les gens gardaient leur bouche fermée, il n’a pas été libéré. Quand ils se sont organisés et ont fait pression activement, il n’a pas été libéré. Alors ils se sont dit que, peut-être grâce à des négociations [avec les Palestiniens] cela fonctionnerait. Mais cela n’a pas été le cas. »
Peu d’experts pensent qu’Obama va changer d’avis et permettre à Pollard de se rendre immédiatement en Israël. Mais même s’il le faisait, dans une dernière tentative pour extraire un peu de capital politique du malheureux analyste-espion, les chances que ce geste puisse amoindrir les critiques israéliennes sur l’accord nucléaire sont proches de zéro.
Pour Gilboa, « Netanyahu a pris la décision de s’opposer à l’accord, quoi qu’il arrive ».
Le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter s’est rendu à Jérusalem la semaine dernière pour discuter d’une importante mise à niveau de l’aide militaire qu’Israël reçoit des États-Unis, mais le Premier ministre aurait repoussé l’offre.
Si Netanyahu a decliné une rémunération lucrative afin de conserver le droit moral de crier sur tous les toits son opposition à un accord qu’il considère comme une grave « erreur historique », Gilboa affirme que cela n’est certainement pas la trop tardive libération conditionnelle de Pollard qui risque de le calmer.