La mort de Muhammad Deif serait un tournant dans la guerre contre le Hamas
L'élimination de cet homme symbolique au sein du groupe terroriste aurait un impact pratique majeur sur les combats menés par le Hamas - cela signifierait aussi qu'il ne pourrait pas superviser toute tentative éventuelle de réarmement de la part de l'organisation
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Dans la matinée du 7 octobre, peu après que le Hamas a commencé à perpétrer le pire pogrom depuis la Shoah, la chaîne Al-Jazeera avait diffusé un enregistrement audio de Muhammad Deif qui annonçait le début de l’opération « Déluge d’al-Aqsa » sur le territoire israélien : « Je le dis à nos moudjahidines purs : c’est ainsi que vous ferez comprendre à cet ennemi criminel que tout est terminé. [Le Coran dit :] ‘Tuez-les partout où ils se trouvent’. »
Deif, qui est recherché par Israël depuis trois décennies, a été le cerveau du massacre du 7 octobre aux côtés du chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, et il était « le chef d’état-major » de l’armée terroriste du Hamas. Et, comme il l’avait clairement établi dans son enregistrement, il espérait que l’invasion allait entraîner un soulèvement meurtrier en Israël – à Jérusalem particulièrement – et une vague d’attaques continues aux frontières du pays, provoquant à terme la destruction de l’État juif.
A l’heure où j’écris ce texte, il est difficile d’affirmer que Deif – qui aurait survécu à sept tentatives d’assassinat de la part d’Israël – est mort dans le sud de Gaza, dans la matinée de samedi.
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Le Premier ministre a indiqué, samedi dans la soirée, qu’il n’était pas encore « absolument certain » du décès de Deif. Le Hamas, de son côté, est formel : l’homme est encore en vie.
L’hypothèse d’Israël est que si Deif était effectivement présent dans ce que l’armée a décrit comme un complexe clôturé du Hamas où, selon les militaires, des dizaines de terroristes étaient réfugiés – un complexe installé dans le secteur d’al-Mawasi, dans la zone humanitaire désignée par Israël – alors il est impossible que le commandant et son adjoint, Rafaa Salameh, aient survécu. L’armée a pu confirmer la mort de ce dernier.
L’attaque a été facilitée par des renseignements qui ont été obtenus en temps réel par les services israéliens. Qu’un corps sans vie soit finalement découvert ou non, il est probable que des informations ultérieures apporteront aux services de renseignement une confirmation du sort qui lui a été réservé.
Des décennies dans l’ombre
Si Deif a été éliminé, cela porterait un coup énorme au Hamas – au niveau symbolique comme au niveau pratique.
Cela fait longtemps que l’homme bénéficiait d’une aura quasi-mythique parmi ses admirateurs et ses partisans, et qu’il était devenu une cible privilégiée d’Israël. Il symbolise, d’une certaine manière, le Hamas et son idéologie génocidaire à Gaza – davantage et depuis plus longtemps que ce n’est le cas de Sinwar.
Si Sinwar n’a jamais rechigné à se déplacer et à se montrer en public, Deif savait pertinemment qu’il ne devait pas montrer son visage. Et en effet, il n’a pas été photographié depuis depuis des années. Les dernières photos de lui – des clichés qui sont rares – qui ont été diffusées par l’armée au mois de janvier, des photos récupérées sur des films numériques à Gaza, ne sont pas datées.
En plus du symbole que serait un Israël parvenant enfin à atteindre une personnalité monstrueuse ayant sur les mains le sang de centaines d’Israéliens, Deif chapeautait les forces armées du Hamas, il avait planifié le pogrom du 7 octobre avec Sinwar et il a supervisé les neuf mois de guerre qui se sont écoulés depuis. Il avait passé, avant cela, des années à préparer les infrastructures, les armes et les hommes nécessaires qui, espérait-il, vaincraient les forces israéliennes sur le territoire de Gaza.
S’il avait été tué plus tôt dans le conflit, l’organisation, la coordination et les tactiques de l’armée du Hamas en auraient subi les conséquences. Aujourd’hui, le Hamas est abîmé mais il dispose encore de milliers d’hommes armés, d’une grande partie de son réseau de tunnels, de roquettes et autres armements capables d’entraîner des atteintes significatives. Deif était apparemment sorti à découvert pour tenter de coordonner l’optimisation de la puissance que conserve aujourd’hui le groupe terroriste. Sa mort constituerait une perte majeure au niveau pratique.
Et peut-être plus important, cela signifierait qu’il ne serait plus là pour exploiter le potentiel de reconstruction du Hamas au lendemain de la guerre.
Sinwar ne fléchira pas
Son décès ne signifierait pas pour autant que Sinwar se retrouverait totalement isolé. D’autres personnalités du Hamas – notamment Marwan Issa, le chef-adjoint de l’aile militaire du groupe terroriste, et Raed Saad, son chef des opérations — ne sont plus là. Mais le dirigeant du Hamas à Gaza peut encore s’appuyer sur son frère, Mohammed Sinwar, et sur d’autres commandants.
Les discussions portant sur un accord potentiel de cessez-le-feu contre otages, qui ont été l’occasion de très nombreuses réunions au Qatar et en Égypte, ces derniers jours, pourraient être plus compliquées à court-terme. Mais les progrès ont toujours nécessité une combinaison de pressions diplomatiques et militaires. Et l’élimination de Deif – si elle a réussi – renforcerait de manière considérable la pression militaire exercée sur le Hamas.
Toutefois, à notre connaissance, c’est Yahya Sinwar qui a pris les décisions déterminantes dans le cadre des négociations. Et Sinwar, comme Deif, a orchestré le 7 octobre dans le cadre de ses efforts livrés pour détruire Israël ; il s’est assuré que des otages seraient ramenés en captivité pour mieux soutenir cet objectif et il s’est montré intransigeant dans les pourparlers qui durent depuis maintenant des mois. Et il est improbable qu’il fléchisse, même après l’élimination de l’un de ses partenaires les plus importants avec lequel il partage la même soif de génocide.
La mort de Deif marquerait toutefois un tournant dans la guerre menée par Israël, une guerre dont l’objectif est de démanteler les capacités de gouvernance civile et militaire du groupe terroriste et d’obtenir la remise en liberté de tous les otages. Elle pourrait même constituer un point de rupture. Si, bien sûr, l’armée est enfin parvenue à le tuer.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel