La nomination de Zini à la tête du Shin Bet par Netanyahu est semée d’embûches
Ce général a été choisi malgré des conflits d'intérêts, l'avis explicite de la procureure générale au Premier ministre de ne pas le nommer et un entretien d'embauche problématique

À peine un jour après que la procureure générale Gali Baharav-Miara eut informé le Premier ministre Benjamin Netanyahu qu’il se trouvait en situation de conflit d’intérêts dans la nomination d’un nouveau chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Netanyahu a annoncé qu’il avait choisi le général David Zini pour ce poste.
De hauts ministres ont félicité Netanyahu d’avoir défié à la fois les directives de la procureure générale et la Haute Cour, sur laquelle elle avait fondé ses instructions. Cette décision a immédiatement suscité les réprobations de Baharav-Miara elle-même, ainsi que celles de groupes de veille de l’action gouvernementale et des partis d’opposition.
Le chef sortant du Shin Bet, Ronen Bar, avait annoncé qu’il quitterait ses fonctions le 15 juin. Netanyahu n’a donc que trois semaines pour faire confirmer la nomination de Zini par le gouvernement.
Toutefois, la décision de la Cour, les instructions de la procureure générale et plusieurs autres obstacles juridiques majeurs signifient qu’il sera extrêmement difficile, voire impossible, de faire nommer Zini avant cette date.
Nomination du chef du Shin Bet
Selon la loi Shin Bet de 2002, le chef de l’agence de sécurité intérieure est nommé par le cabinet, sur recommandation du Premier ministre.

Mais cette nomination doit d’abord être approuvée par la commission consultative sur les nominations supérieures, actuellement présidée par Asher Grunis, ancien président de la Cour suprême.
Un conflit d’intérêts
La semaine dernière, la Cour a conclu que Netanyahu était en conflit d’intérêts lorsqu’il a limogé Bar en mars. La raison invoquée était que le Shin Bet est impliqué dans des enquêtes criminelles visant des collaborateurs proches du Premier ministre dans l’affaire des « fuites de documents » et dans l’affaire dite du « Qatargate ».
À la suite de cette décision, Baharav-Miara a immédiatement informé le Premier ministre que cette décision l’empêchait de nommer un nouveau chef du Shin Bet tant qu’elle n’aurait pas rédigé ses avis juridiques. Netanyahu a néanmoins annoncé qu’il avait choisi le général Zini pour le poste de chef du Shin Bet.
Plusieurs groupes de veille ont déjà menacé de saisir la Haute Cour si la nomination de Zini était approuvée. Compte tenu de l’arrêt rendu par la Haute Cour et des instructions explicites de la procureure générale, les probabilités que cette nomination résiste à un recours devant la Haute Cour semblent minces, c’est le moins qu’on puisse dire.
Ignorer l’avis de la procureure générale
Non seulement le choix de Zini par Netanyahu semble aller à l’encontre de la décision de la Haute Cour, mais il défie clairement les instructions explicites de la procureure générale.
Si Netanyahu avait attendu que Baharav-Miara donne ses instructions sur la manière de procéder à la nomination d’un nouveau chef du Shin Bet après la décision de la Cour, il aurait pu avoir une chance de faire nommer Zini.
Mais maintenant que le Premier ministre a publiquement nommé Zini, en contrevenant aux directives de la procureure générale, il est difficile d’imaginer comment cette décision pourrait être annulée afin de permettre la nomination, puisque Baharav-Miara a explicitement déclaré à Netanyahu qu’il ne pouvait pas être impliqué dans cette décision, selon le Pr. Amichaï Cohen, chercheur senior à l’Institut israélien de la démocratie (IDI) et expert en droit de la sécurité nationale en Israël.
Il va sans dire que le conflit d’intérêts n’existe que tant que les enquêtes sur les fuites de documents et le Qatargate sont en cours. Or, il semble peu probable qu’elles soient toutes deux conclues avant la date limite du 15 juin.
Le lendemain de cette annonce, le bureau de Netanyahu a déclaré que Zini ne participerait pas aux enquêtes visant les collaborateurs du Premier ministre, dans un effort manifeste pour éviter toute accusation de conflit d’intérêts.
Mais il est loin d’être certain que cette concession faite à la Cour et à la procureure générale sera suivie d’effet.

« Le problème majeur lié au renvoi de Bar par Netanyahu est qu’il ne peut pas choisir qui enquête sur ses collaborateurs », a expliqué Cohen.
« Mais en déclarant que Zini ne participerait pas à l’enquête, il continue de s’impliquer dans le choix des personnes chargées d’enquêter sur ses conseillers. »
Cohen a également souligné qu’en tant que Premier ministre, Netanyahu n’a pas l’autorité hiérarchique au sein du Shin Bet pour déterminer lequel de ses fonctionnaires doit mener telle ou telle enquête.
Délégation de pouvoirs
La loi Shin Bet de 2002 autorise le Premier ministre à déléguer à un ministre du gouvernement la responsabilité de nommer le nouveau chef du Shin Bet. Si Netanyahu déléguait cette autorité, il pourrait en théorie éviter le problème du conflit d’intérêts.
Toutefois, Cohen a souligné qu’il serait extrêmement difficile de prétendre devant un tribunal que Netanyahu n’était pas impliqué dans la nomination de Zini à la tête de l’agence de sécurité intérieure si un ministre désigné choisissait ce dernier.
Un processus adéquat ?
Des informations selon lesquelles Netanyahu aurait pris la décision de nommer Zini à la tête du Shin Bet après un unique entretien improvisé compliquent encore davantage cette nomination.
Le 8 mai, lors d’une visite à la base militaire de Tzeelim, Netanyahu s’est entretenu pendant cinq minutes avec Zini dans sa voiture et lui a demandé si cela lui plairait d’être nommé chef du Shin Bet.
Toutes les décisions administratives, telles que la nomination du chef du Shin Bet, doivent être fondées sur une procédure régulière, et une conversation de cinq minutes dans une voiture ne semble pas répondre à cette exigence, a estimé Cohen.
En réponse à ces allégations, Netanyahu a publié vendredi un message vidéo dans lequel il affirme avoir suivi la carrière de Zini pendant dix-huit ans et l’avoir rencontré à de nombreuses reprises, outre cette réunion.
Commission consultative pour les nominations aux postes supérieurs

Un autre obstacle réside dans le fait que deux membres sont actuellement absents de la commission consultative pour les nominations à des postes de haut niveau, chargée d’examiner la nomination du chef du Shin Bet.
La juriste Talia Einhorn était l’un des membres de cette commission. Mais la police souhaite interroger son fils Yisrael au sujet de son implication dans les enquêtes sur les fuites de documents confidentiels et du Qatargate. Elle a donc déclaré qu’elle se récuserait et ne participerait pas aux auditions de la commission sur la nomination du prochain chef de l’agence de sécurité intérieure.
Il serait facile de la remplacer. Mais le problème réside dans le fait qu’il n’y a actuellement aucun commissaire de la fonction publique en raison d’un conflit distinct entre la Haute Cour, la procureure générale et le gouvernement.
Il n’y a aucune chance qu’un nouveau commissaire puisse être nommé à temps pour que la commission examine la nomination de Zini avant le 15 juin.
Cohen a toutefois souligné qu’il existe des solutions à ce problème.
En 2022, la commission consultative n’avait pas de président permanent pour confirmer la nomination de Herzl Halevi au poste de chef d’état-major de Tsahal. La Cour suprême avait toutefois autorisé le gouvernement à choisir un président temporaire pour examiner sa nomination, un processus qui s’était déroulé sans encombre.
Quelles solutions ?
Si le gouvernement approuve la nomination de Zini, des recours contre cette décision seront inévitablement déposés devant la Haute Cour.

Même s’il est presque inconcevable que la Cour ne conclut pas à l’existence d’un conflit d’intérêts de la part de Netanyahu, les juges pourraient tenter de trouver une solution créative, car le remplacement du chef du Shin Bet est une question urgente de sécurité nationale. Ils chercheraient également à éviter une crise constitutionnelle ouverte.
Une telle solution pourrait impliquer un accord approuvé par la Cour concernant le conflit d’intérêts de Zini dans le cadre des enquêtes sur les collaborateurs de Netanyahu, ce qui pourrait résoudre le principal point d’achoppement pour la Haute Cour.
« Netanyahu a tout fait pour compliquer le processus de nomination du nouveau chef du Shin Bet », a déclaré Cohen à propos de la manière dont le Premier ministre s’y est pris pour pourvoir ce poste.
« C’est très regrettable, car nommer quelqu’un à ce poste n’aurait pas demandé beaucoup d’efforts, mais on a choisi de ne pas le faire. »
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