L’actionnaire majoritaire d’El Al accusé d’avoir détourné des fonds du gouvernement US
Kenneth Rozenberg et ses associés auraient détourné plus de 83 M de dollars destinés aux personnes âgées résidant dans leurs maisons de retraite pour acheter la compagnie aérienne
Une plainte, déposée mercredi par Laetitia James, procureure-générale de l’État de New York, accuse un exploitant américain de quatre maisons de retraite d’avoir détourné plus de 83 millions de dollars de fonds gouvernementaux et d’avoir négligé les personnes âgées qui étaient hébergées dans ses établissements en utilisant l’argent qui devait être utilisé pour les soigner pour acheter El Al, le transporteur aérien israélien, et pour procéder à d’autres investissements.
Cette plainte, qui a été déposée à Manhattan, affirme que le propriétaire des Centers Health Care, Kenneth Rozenberg, devenu actionnaire majoritaire du transporteur israélien El Al depuis 2020 (la firme rencontrait alors de très grosses difficultés) après avoir acheté une part à hauteur de 107 millions de dollars, le co-propriétaire des maisons de retraite Daryl Hagler, leurs proches et leurs associés ont utilisé les fonds versés par Medicaid et par Medicare pour s’enrichir au lieu d’investir l’argent pour les résidents.
James affirme que la pénurie de personnel, dans les maisons de retraite, a contribué à instaurer un climat de graves négligences dans les établissements avec notamment des résidents mal nourris ou abandonnés pendant des heures dans leur urine et dans leurs excréments.
« Les résidents étaient laissés seuls, souvent sans aide et sans supervision, ce qui a pu entraîner des chutes dangereuses et des fractures. Les résidents vivaient dans des conditions sordides, entourés de plateaux repas laissés sur place, entourés d’insectes nuisibles avec une odeur d’excréments humains qui flottait dans les chambres », a déclaré James lors d’une conférence de presse en présence des proches des personnes âgées.
Des accusations niées par l’entreprise.
« Centers Health Care s’enorgueillit de son engagement en faveur des soins prodigués à ses patients. La firme dément avec vigueur les accusations lancées par la procureure-générale de New York et elle a tenté de régler cette affaire à l’écart des tribunaux. Nous lutterons contre ces accusations infondées par les faits », a indiqué le porte-parole Jeff Jacomowitz dans un communiqué transmis par courriel.
En plus de Rozenberg et Hagler, la plainte mentionne aussi, du côté des accusés, les noms d’entreprises appartenant aux deux hommes, les noms de membres de leurs familles respectives ou ceux de leurs associés. El Al ne figure pas dans cette liste.
Selon la plainte, Rozenberg et Hagler, propriétaires de la majeure partie des terrains accueillant les maisons de retraite, ont utilisé divers plans illégaux et frauduleux pour détourner à leur avantage les fonds versés par Medicare et Medicaid, les transformant en bénéfices qu’ils ont pu alors utiliser pour s’enrichir.
En 2020, Hagler avait transféré la somme de 103 millions de dollars d’un compte où se trouvaient les fonds mal acquis à Rozenberg, pour qu’il puisse financer l’achat d’El Al.
« Ces 103 millions de dollars sont provenus, en partie tout du moins, des bénéfices frauduleux et illégaux qui ont été réalisés par Hagler à partir des maisons de retraite financées par Medicaid », prétend la plainte.
« Les investissements de Rozenberg dans El-Al – qui lui ont finalement permis de devenir actionnaire majoritaire du transporteur aérien – ont été rendus possibles par ces fraudes et par ces illégalités de longue date qui caractérisent à la fois Rozenberg et Hagler ».
L’acquisition d’El Al avait fait froncer quelques sourcils en Israël – elle avait notamment eu lieu au plus fort de la pandémie mondiale de COVID-19. Parce que Rozenberg n’était pas citoyen israélien à ce moment-là – ce qui était une condition indispensable pour prendre le contrôle de la compagnie – il avait désigné à sa place un homme de paille, son fils Eli, qui étudiait à l’époque dans un séminaire religieux de Jérusalem.
Les Rozenberg, des Juifs orthodoxes de New York, n’avaient aucune expérience connue dans le secteur du transport aérien. Selon un article en hébreu qui était paru dans le quotidien économique israélien Calcalist, c’était son rabbin qui avait demandé à Rozenberg, le père, d’acheter El Al.
A ce moment-là, l’avocat d’El Al, Avigdor Klagsbald, avait réclamé des clarifications à l’avocat d’Eli Rozenberg en Israël, lui demandant s’il représentait, en fait, son père et/ou d’autres investisseurs dans ce processus d’acquisition.
Les représentants d’Eli Rozenberg avaient insisté de manière répétée sur le fait que le jeune homme dirigerait lui-même l’entreprise. Toutefois, plusieurs mois après l’achat, Rozenberg père, qui continuait à vivre dans le conté de Rockland, à New York, avait pris la citoyenneté israélienne et les commandes de l’entreprise, désignant Hagler, son ami de longue date et voisin, au poste de vice-président.
Klagsbald avait aussi réclamé des clarifications concernant un arrangement à hauteur de 1,65 million de dollars versés par les Centers Health Care au gouvernement fédéral américain et à l’État de New York en 2018, dans le cadre d’une affaire de pratiques de facturation frauduleuses. Certains s’étaient aussi inquiétés, à l’époque, suite à des informations parues dans les médias au sujet des Centers Health Care, qui dépeignaient l’image d’une entreprise transformant les soins aux personnes âgées en machines à profit – limogeant les employés pour réduire les coûts, avec un personnel insuffisant pour prendre en charge les résidents de manière correcte et qui étaient, par conséquent, débordés et accordant finalement peu d’attention à la qualité des soins.
Les quatre maisons de retraite figurant dans la plainte déposée mercredi sont le Beth Abraham Center for Rehabilitation and Nursing dans le Bronx, le Holliswood Center for Rehabilitation and Healthcare dans le Queens, le Martine Center for Rehabilitation and Nursing dans le conté de Westchester et le Buffalo Center for Rehabilitation and Nursing.
La plainte affirme que les repas des résidents arrivaient en retard, que leurs vêtements étaient volés et qu’aucune suite n’était donnée lorsqu’ils appelaient un employé pour une raison ou une autre. Un résident qui avait des escarres avait développé une septicémie. Hospitalisé, il n’avait pas survécu. Une femme avait été abandonnée sans sa poche de colostomie. Plusieurs résidents avaient souffert de déshydratation sévère.
« Mon oncle a été retrouvé assis dans une chambre sale, lui-même était sale et il ne portait qu’une couche pour adulte. Ce n’était pas mon oncle. George était un vétéran. Il était un artiste », raconte Cynthia Vega, se souvenant du séjour de feu son oncle George à Holliswood.
Quand la pandémie de COVID-19 s’était abattue sur le monde, les maisons de retraite avaient été dans l’incapacité de stopper sa propagation. Plus de 400 résidents des quatre maisons de retraite étaient morts en 2020, selon James.
James réclame, entre autres, le remboursement de l’argent et l’interdiction des nouvelles admissions avant que le personnel ne se renforce dans ces établissements accueillant les personnes âgées.