Lapid : Le ministère de l’Éducation sera ‘morcelé’ sous le nouveau gouvernement
Suite au partage des départements entre les partis, le Premier ministre convoque une réunion d'urgence à la Knesset pour "arrêter la liquidation du système éducatif"
Des responsables actuels et anciens du ministère de l’Éducation ont exprimé mardi leur consternation face à ce qu’ils considèrent comme un démantèlement effectif du système éducatif par le nouveau gouvernement, le parti Likud de Benjamin Netanyahu semblant prêt à morceler des départements entiers du ministère de l’Éducation entre les partenaires de sa future coalition religieuse de droite.
Les principaux membres du gouvernement sortant ont tenu une « réunion d’urgence » à la Knesset qu’ils ont appelée « Arrêter la liquidation du système éducatif ». Parmi les participants figuraient le Premier ministre Yair Lapid, la ministre de l’Éducation Yifat Shasha-Biton, des ministres importants, des dirigeants locaux, des représentants de l’éducation et des organisations de la société civile.
Le prochain ministre de l’Éducation sera probablement un député du Likud, mais ces derniers jours, les informations selon lesquelles différents départements du ministère ont été cédés à d’autres partis dans le cadre de leurs accords de coalition avec le Likud se sont multipliées.
Après avoir appris que le contrôle des programmes extrascolaires dans les écoles sera placé sous l’autorité du député d’extrême droite Avi Maoz, dont le parti Noam s’est présenté avec un programme homophobe et anti-pluraliste, il a été révélé que le département de la culture juive du ministère passerait aux mains de la députée Orit Strock, du parti HaTzionout HaDatit, dans le cadre de son nouveau ministère des Projets nationaux.
Selon la presse israélienne, le Likud aurait également accepté de céder le contrôle des centres communautaires du pays (appelés matnasim en hébreu) au parti ultra-orthodoxe Shas, en transférant l’Association israélienne des centres communautaires du ministère de l’Éducation au ministère de l’Intérieur, dirigé par Shas.
Le leader de Shas, Aryeh Deri, chercherait à contrôler les centres communautaires afin de renforcer son influence dans les villes où ils sont situés, en particulier dans les zones périphériques, selon le quotidien économique Globes.
Les centres sont incontournables dans de nombreuses communautés, car ils proposent des programmes éducatifs, des activités pour les jeunes et des cours de sport. L’Association israélienne des centres communautaires affirme qu’elle gère plus de 700 centres communautaires dans plus de 150 municipalités.
Des rumeurs non confirmées ont également circulé concernant l’attribution aux partis haredi, dans le cadre de leurs accords de coalition, d’une autorité sans précédent sur certains aspects de l’éducation ultra-orthodoxe, même si les détails de ces accords supposés sont rares.
Michal Tabibian Mizrahi, directrice de la stratégie et de la planification du ministère de l’Éducation, a averti mardi que le ministère était en train d’être « vidé de son contenu » et perdrait sa capacité à avoir une influence significative.
« Des dispositifs avec un budget très important de plus de 2,5 milliards de shekels sont en train de disparaître », a-t-elle déclaré à la radio de l’armée. « On ne voit pas comment le ministre de l’Éducation peut fonctionner sans [eux] ».
« Le ministère de l’Éducation est en train d’être démantelé. Démanteler le ministère de l’Éducation signifie démanteler l’éducation », a déclaré Michal Cohen, ancienne directrice générale du ministère, à Kan news. « Ils traitent le ministère et les enfants du système éducatif comme des oranges et des dattes [à distribuer]. Ce n’est pas le cas. Vous ne pouvez pas gérer l’éducation depuis sept bureaux différents. »
« Comment pouvons-nous assurer une cohérence en matière d’éducation de cette manière ? » a déclaré un haut fonctionnaire de l’éducation sous couvert d’anonymat à la Douzième chaîne. « C’est comme extraire le cœur d’un corps et le maintenir en vie sur une machine externe. Ces mesures nuisent au travail du ministère et à sa capacité à mener à bien les processus à long terme qui concernent les enfants. »
Un autre ancien haut fonctionnaire du ministère a décrit l’atmosphère dans les couloirs du ministère comme marquée par « une peur existentielle de ce qui se passe, ils sont hystériques ».
Les fonctionnaires craignent « de voir le contenu coupé et que les mains des professionnels de l’éducation soient liées ».
Lors de la conférence de mardi à la Knesset, organisée par le gouvernement sortant, le Premier ministre Yair Lapid a accusé la coalition entrante de « se préoccuper si peu du sujet qu’ils ont transformé l’éducation de nos enfants en une autre scène honteuse de division insensée du butin. »
Il a déclaré que le prochain ministre de l’Éducation « ne gérera pas le système éducatif. Ils l’ont morcelé sans raison. Netanyahu est si faible, si dépendant [des autres partis], que quiconque demande quoi que ce soit, il l’obtient immédiatement. Rien n’est sacré pour eux ».
Lapid a averti que « les personnages les plus extrêmes et les plus dangereux de la société israélienne seront omniprésents dans l’éducation de nos enfants. » Il a promis que l’opposition qu’il entend diriger luttera contre de tels efforts.
« Nous n’avons pas l’intention de baisser les bras », a assuré Lapid.
La ministre de l’Éducation sortante, Shasha-Biton, a déclaré que le ministère était « cannibalisé » à des fins politiques.
« Nous pensions que seule une pièce du système éducatif avait été déplacée, mais avec chaque jour qui passe, nous réalisons que de plus en plus de pièces sont supprimées », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle souhaitait le succès à son remplaçant mais l’exhortait à « élever la voix et à refuser cette folie. »
Prenant également la parole lors de l’événement, le ministre de la Justice Gideon Saar a déclaré : « Je demande à mes amis du Likud : Êtes-vous devenus fous ? Pourquoi donner à un vice-ministre des pouvoirs qui constituent le cœur de l’activité du ministère de l’Education ? Quel est le sens de tout cela ? »
Assistant à la réunion, le député du Likud Shlomo Karhi a comparé l’opposition entrante à Antiochus IV Épiphane – le roi grec hellénistique dont la répression de la religion juive dans l’Israël antique au deuxième siècle avant notre ère avait entraîné le déclenchement de la révolte des Maccabées, dont le dénouement est commémoré par la fête de Hanoukka.
« Il y a deux mille deux cents ans, Antiochus et son conseil des ministres se sont assis et ont réfléchi à la manière de faire oublier la Torah à Israël », a-t-il déclaré à l’assemblée. « Deux mille deux cents ans plus tard, l’histoire se répète. L’identité juive est occultée. C’est la méthode de la gauche, qui n’a rien à offrir. »
Il a juré qu’il y aurait « plus de Bible, plus d’identité juive [dans les écoles]. C’est le choix que le peuple a fait aux urnes ».
Netanyahu a conclu les différents compromis avec ses partenaires de coalition potentiels dans le but de consolider son bloc, la date butoir du 11 décembre pour former un gouvernement approchant. Il peut demander une prolongation de deux semaines après cette date pour achever le processus et il est probable qu’il le fasse.
Tabibian Mizrahi, du ministère, a déclaré à la radio de l’armée que « le ministère de l’Education est en passe de devenir le ministère de l’éducation d’une partie [de la population] – la partie laïque de l’éducation. »
Elle a prévenu que la division de la responsabilité du système éducatif et l’affaiblissement de l’autorité centrale étaient dangereux « car le système éducatif est celui qui façonne la société future. »
En réponse à la colère croissante suscitée par la nomination lundi d’Avi Maoz, un homme d’extrême droite, à la tête des programmes éducatifs externes, Netanyahu a publié une déclaration affirmant que les informations selon lesquelles il aurait reçu une autorité significative sur l’éducation étaient « mensongères ».
« Avi Maoz ne s’occupera que des programmes externes du ministère de l’Education qui représentent environ un millième de pour cent du budget global de l’éducation, et il rendra compte au Premier ministre », a déclaré Netanyahu. « Le ministère de l’Education restera maître des programmes scolaires ».
Netanyahu et le Likud n’ont pas encore fait de commentaires sur les informations selon lesquelles d’autres départements relevant du ministère auraient été externalisés.