L’Arabie saoudite assouplit les restrictions pour les travailleurs étrangers
Les nouvelles réglementations ne s'appliqueront pas aux quelque 3,7 millions employés de maison, soumis à une forme d'esclavage moderne via le système de Kafala
L’Arabie saoudite a annoncé mercredi son intention d’assouplir les principales restrictions du système Kafala imposé à des millions de travailleurs étrangers, dans le cadre d’un plan visant à réformer sa législation du travail, longtemps critiquée.
À partir de mars 2021, ces travailleurs n’auront plus besoin de l’autorisation de leur employeur pour changer d’emploi, voyager ou quitter définitivement l’Arabie saoudite, où vivent quelque 10 millions d’immigrés, a indiqué le ministère des Ressources humaines et du développement social.
Les réformes, si elles sont pleinement mises en œuvre, pourraient avoir un impact important pour les travailleurs étrangers qui vivent dans des logements surpeuplés et n’ont aucune possibilité de recours contre des employeurs abusant de leur situation.
Les organisations de défense des droits humains ne cessent d’appeler l’Arabie saoudite à abolir le système de Kafala, qui met l’employé étranger à la merci de son employeur et qui est assimilé à une forme d’esclavage moderne.
« Cette initiative améliorera l’environnement de travail » en Arabie saoudite, a souligné le ministère dans une déclaration publiée par l’agence de presse officielle saoudienne SPA.
Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 14 mars prochain, selon la même source.
« La réforme des visas de sortie et de retour permet aux travailleurs expatriés de voyager (…) sans l’approbation de l’employeur qui sera informé par voie électronique de leur départ », a déclaré le ministère.
Les étrangers pourront obtenir un « visa de sortie définitive » sans l’accord de l’employeur et « avec toutes les garanties financières ou autres liées à la rupture du contrat de travail », a-t-il ajouté.
Selon Sattam Alharbi, ministre adjoint des Ressources humaines, ce visa abolira de fait la disposition consistant à déclarer l’employé en fuite, ce qui lui fait risquer la prison ou l’expulsion.
« Ce ne sont pas de petits changements, c’est énorme », a déclaré M. Alharbi à l’agence Bloomberg mercredi.
« Nous voulons attirer les talents, améliorer les conditions de travail et rendre le marché du travail saoudien plus dynamique et plus productif », a-t-il ajouté.
Les nouvelles réglementations ne s’appliqueront pas aux quelque 3,7 millions employés de maison, a-t-il cependant souligné.
Nombreuses insuffisances
Les réformes annoncées sont importantes mais elles sont loin de démanteler complètement le système de Kafala, les employeurs pouvant toujours annuler le séjour des travailleurs à tout moment, a estimé Rothna Begum, chercheuse à l’ONG Human Rights Watch (HRW).
« Cela signifie que les travailleurs peuvent toujours être confrontés à des abus et à l’exploitation, car les employeurs continuent de détenir ce pouvoir sur eux », a-t-elle déclaré à l’AFP.
L’exclusion des employés de maison des réformes est aussi problématique, étant donné que beaucoup d’entre eux sont contraints de travailler de longues heures, souffrent de rétention de salaires et sont même victimes de sévices physiques et d’abus sexuels, a-t-elle déclaré.
De nombreux travailleurs étrangers en Arabie saoudite disent qu’ils sont souvent l’objet d’extorsion de leurs parrains, qui peuvent exiger une partie de leur salaire alors que beaucoup se sont endettés lourdement dans leur pays d’origine pour acheter un visa de travail dans le royaume.
Après des perturbations de voyages dus à la pandémie de nouveau coronavirus, des centaines de milliers de travailleurs illégaux risquent de rester bloqués en Arabie saoudite, selon des ONG de défense des droits humains.
Elles ont demandé au royaume de proposer une amnistie aux travailleurs immigrés qui se retrouvent pris au piège, ne pouvant partir sans payer des pénalités pour être restés illégalement dans le pays.
Les autorités saoudiennes doivent abolir complètement le système de Kafala pour garantir que tous les travailleurs immigrés puissent entrer dans le pays, y résider et le quitter sans dépendre d’un seul employeur ou parrain », a déclaré Mme Begum.
Le Qatar voisin a également supprimé des dispositions controversées de sa législation du travail, notamment l’obligation pour certains travailleurs d’obtenir l’autorisation de leur employeur pour changer d’emploi et obtenir un visa pour quitter le pays.
Ce pays a entrepris une série de réformes depuis qu’il a été choisi pour accueillir la Coupe du monde de football de 2022, de nombreux travailleurs étrangers participant à la construction de stades et d’infrastructures.