L’art abstrait, forme de catharsis pour un ancien des forces spéciales israéliennes
David Roytman tire des balles sur de la peinture pour former des motifs sur la toile. Selon lui, ce processus créatif l’aide à faire face aux traumatismes nés des combats
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – Un ex-soldat des forces spéciales transforme traumatismes et armes de guerre en outils au service d’un art abstrait inspiré de thèmes juifs et israéliens.
David Roytman est né à Odessa, en Ukraine, et a grandi au sein de la communauté juive de la ville.
Amateur d’art, il a étudié la peinture et la sculpture.
Il s’est établi en Israël à l’âge de 10 ans et a été tireur d’élite dans la célèbre unité de l’armée Duvdevan pendant son service militaire.
En 2002, quatre mois après sa libération, on le rappelle pour combattre à Jénine, en Cisjordanie, lors de l’opération Bouclier défensif, opération majeure de la seconde Intifada.
Quelques années plus tard, il combat en tant que réserviste lors de la deuxième guerre du Liban.
Roytman devient ensuite éducateur, avant de se lancer dans les affaires, mais il cherche toujours un exutoire créatif aux traumas hérités de son service militaire.
Il revient alors à ses premières amours, la peinture, mais à sa manière.

« J’ai essayé toutes sortes de méthodes. J’ai improvisé, et au final, j’ai eu cette idée, que j’ai testée », explique-t-il au Times of Israel dans sa nouvelle galerie, à New York, à l’occasion d’une récente interview.
Il remplit des sacs de peinture, qu’il suspend devant une toile vierge, puis tire à balles réelles sur les sacs pour faire jaillir la peinture et faire émerger des motifs abstraits.
« Il m’a fallu près de six mois pour bien le faire : ce n’était pas évident au début, savoir comment positionner la toile, appliquer la peinture », dit-il.
« Il était important pour moi de trouver le moyen de faire face au stress post-traumatique et à tout ce que je portais. C’est la façon créative que j’ai trouvée. »
« C’est une bonne méthode, sans agressivité », ajoute-t-il.
« Au lieu de détruire avec un [fusil] M4, je m’en sers pour créer. »
Certaines peintures sont purement abstraites, avec des couleurs vibrantes qui éclaboussent des fonds immaculés, blancs ou noirs.
Roytman a également développé une méthode de pochoir qui lui permet de représenter des lettres de l’alphabet hébreu, des symboles juifs et des icônes communautaires, à l’image de Zeev Jabotinsky, Menahem Begin ou encore le rabbin Menachem Mendel Schneerson.
L’impact des balles est visible sur les toiles, qui comptent chacune une dizaine de trous.
« Peindre, c’est mettre de la peinture sur une toile. La manière dont vous le faites – avec une brosse, les doigts, la main ou un fusil de sniper – est une question de choix », dit-il.
Il dit que sa peinture relève de la philosophie « Faites de l’art, pas la guerre ».

Il dirige aujourd’hui plusieurs galeries dans lesquelles il vend ses créations, en plus de ses produits « Luxury Judaica », avec kippot, mezouzot et d’autres articles haut de gamme.
Il crée ses peintures dans des champs de tir en Israël et en Ukraine, où il a également un atelier qui produit certains de ses produits.
Il est par ailleurs impliqué dans des projets communautaires pour les enfants.
L’ouverture de sa nouvelle galerie, ce mois-ci, dans le quartier de Soho à Manhattan, s’est faite en présence du maire de New York, Eric Adams, et de l’ex-consul général d’Israël à New York, Asaf Zamir.
« C’est très inspirant de voir quelqu’un se servir de son expérience militaire pour en faire de l’art », a déclaré Adams.