Le désir d’exempter les Haredim du service militaire va-t-il sonner le glas de la coalition
Ignorant la vaste indignation publique, les 64 députés de la majorité ont soutenu la première étape de la refonte de Netanyahu pour neutraliser le système judiciaire. La demande clé des partis Haredi menacera-t-elle ce front uni ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Les députés ultra-orthodoxes du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu exigent que la coalition abandonne son initiative unilatérale visant à restreindre radicalement le pouvoir judiciaire et qu’elle procède à la refonte judiciaire uniquement par consensus. C’est du moins ce qu’ont affirmé mardi plusieurs médias israéliens, notamment le site d’information haredi bien informé Kikar HaShabbat.
Les partis ultra-orthodoxes – Yahadout HaTorah et le Shas – seraient de plus en plus préoccupés par le fait que la refonte du système judiciaire n’apporte que trop peu d’avantages à leur communauté, tout en suscitant l’hostilité à leur égard et en nuisant profondément à la cohésion nationale au sens large. Selon ces informations, les législateurs haredim sont tellement perturbés par le blitz législatif drastique et musclé de la coalition qu’ils prévoient de voter contre d’autres mesures du paquet de reformes radicales – notamment le projet de Netanyahu de réorganiser la commission de sélection des juges pour donner à la coalition le pouvoir de nommer la quasi-totalité des juges israéliens – s’ils sont soumis au vote sans l’accord de l’opposition. Et si cela entraîne la démission du ministre de la Justice Yariv Levin, fer de lance de cette refonte, et bien … qu’il en soit ainsi.
Plutôt que de marquer une prise de conscience plus qu’appropriée, quoique terriblement tardive, par les partis ultra-orthodoxes – le projet de refonte représentant un coup d’État constitutionnel qui détruirait le système judiciaire indépendant d’Israël et supprimerait la seule défense garantie contre les abus d’une majorité au pouvoir – les propos, soigneusement divulgués, de l’opposition haredit à la refonte unilatérale découlent de préoccupations plus limitées.
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Après plus de sept mois de protestations incessantes et généralisées contre la refonte, les dirigeants ultra-orthodoxes ont compris que le courant dominant israélien n’allait pas tranquillement tolérer l’érosion de la démocratie. Ils ont reconnu que si, comme il l’a indiqué, Netanyahu a l’intention d’aller de l’avant d’ici novembre avec le processus législatif qui donnerait à la coalition le contrôle sur la sélection des nouveaux juges, les protestations publiques s’intensifieront à des niveaux sans précédent et les refus de servir dans Tsahal parmi les réservistes volontaires deviendront une menace stratégique encore plus grande pour la capacité d’Israël à se protéger contre les ennemis extérieurs.
Dans ces conditions, les partis haredim – sur l’insistance de leurs directions rabbiniques – souhaitent que le gouvernement mette de côté la refonte et légifère plutôt, comme cela leur a été promis dans leurs accords de coalition, une exemption générale pour leurs jeunes hommes du service militaire et de tout autre service national, et qu’il inscrive dans la loi la définition de l’étude de la Torah à plein temps comme une valeur fondamentale de l’État, avec un soutien financier gouvernemental proportionnel.
Dans l’état actuel des choses, seule une petite minorité – environ 9 %, selon Tsahal – des hommes ultra-orthodoxes remplissant les conditions requises effectuent leur service militaire, alors que la moyenne nationale parmi les Israéliens juifs est de plus de 80 %. Mais la Haute Cour s’est opposée aux efforts visant à légiférer sur une exemption générale. C’est pourquoi les partis haredim souhaitent que la loi d’exemption soit promulguée avec une clause d’accompagnement interdisant de manière préventive à la Haute Cour de l’invalider.
Le problème – pour les partis ultra-orthodoxes et pour le reste de la coalition – est qu’une loi consacrant l’exemption discriminatoire de la communauté haredit du service militaire est susceptible de s’avérer plus conflictuelle au niveau national que la législation principale sur la refonte même du système judiciaire.
Des milliers de réservistes israéliens menacent de ne plus se présenter au travail au fur et à mesure de l’avancement de la refonte. Ni le gouvernement ni l’armée israélienne n’ont publié de chiffres officiels sur le nombre de réservistes qui ont mis leur menace à exécution depuis l’adoption, le mois dernier, de la première loi de la refonte, qui interdit le contrôle judiciaire des décisions gouvernementales et ministérielles sur la base de leur « caractère raisonnable », mais des hauts gradés ont publiquement reconnu que l’état de préparation de l’armée israélienne s’aggravait.
Si la coalition parvenait à faire adopter une législation exemptant l’ensemble de la communauté ultra-orthodoxe du service militaire, le ministre de la Défense Yoav Gallant a déjà prévenu les députés haredim ces derniers jours que la dissidence et le refus pur et simple de servir se propageraient des réserves à l’armée permanente. (Tsahal s’oppose fermement à toute loi qui porterait atteinte à « l’armée du peuple » et insiste sur le fait que les tzav rishon – le premier appel obligatoire pour le service militaire dont tous les Israéliens font l’expérience à 16 ans et demi – doivent continuer à être envoyés à tous ceux qui remplissent les conditions requises pour s’enrôler. Les projections du Bureau central des statistiques (CBS) indiquent d’ailleurs – lien en hébreu – que d’ici 2050, 40 % des Israéliens juifs âgés de 18 ans seront issus de la communauté haredit).
Gallant aurait déclaré qu’il ne soutiendrait pas la législation, et il est peu probable qu’il soit le seul membre de la coalition à s’y opposer. La colère de l’opinion publique à l’égard de l’exemption des ultra-orthodoxes s’étend profondément à la base électorale du Likud ; les députés du parti de Netanyahu sont bien conscients des dommages que la consécration législative de l’inégalité causerait à leurs perspectives personnelles de réélection.
Netanyahu aurait fait pression sur les partis haredim pour qu’ils acceptent une législation un peu moins ambitieuse afin d’éviter le conflit – tentative jusqu’à présent infructueuse.
Alors même que les manifestations publiques se poursuivaient et que les menaces de refus de service volontaire se multipliaient, tous les membres de la coalition (64) ont voté le mois dernier en faveur de la loi du « caractère raisonnable ». Pour la première fois depuis les sept mois et demi de pouvoir dévastateur de ce gouvernement, cette docile unanimité pourrait bien commencer à s’élaguer.
Il reste encore deux mois avant que la Knesset ne revienne de ses congés d’été, ce qui laisse beaucoup de temps à Netanyahu pour tenter de résoudre la quadrature du cercle avec ses alliés ultra-orthodoxes, pour que toutes sortes de questions diplomatiques et de sécurité occupent le devant de la scène ou, bien sûr, pour que la série d’audiences de la Haute Cour liées à la refonte, en septembre, recadre l’ensemble du débat constitutionnel.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel