Le groupe Stop Cop City s’étend à travers les US ; les Juifs d’Atlanta en alerte maximale
Les messages anti-capitalistes et anti-police sont teintés d'antisémitisme par les mouvements progressistes ; l'extrême-gauche se rassemble sous la bannière anti-Israël
ATLANTA, Géorgie – Alors que la guerre en cours à Gaza alimente une vague de manifestations à travers villes et universités américaines, les protestataires en profitent pour exprimer leur opposition à Israël, à la police et bien plus.
L’un des lieux où les récentes protestations ont convergé est Atlanta, où des manifestants anti-Israël, qui affirment qu’il existe un lien profond entre le nouveau centre de formation à la sécurité publique d’Atlanta et la guerre entre Israël et le Hamas, ont rejoint les opposants à un complexe de formation de la police et des pompiers — surnommé « Cop City » par ses détracteurs.
Les pancartes brandies contre le complexe de formation illustrent cette convergence de revendications, avec des messages tels que « Arrêtez le génocide à Gaza » et « Coupez les liens avec Israël », ainsi que des appels à « Arrêtez les brutalités policières ». Dans un élan d’unité et de solidarité, il est possible d’apercevoir des pancartes où l’on peut lire, « Flics assassins, KKK, sionistes — tous les mêmes ».
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L’agenda, le langage et le style anti-capitaliste, anti-policier, anti-israélien et antisémite des mouvements de protestation américains sont tirés, selon Jonathan Sarna, professeur d’histoire juive américaine à l’université Brandeis, près de Boston, d’un manuel politique qui a fait ses preuves.
« Si vous soutenez une cause progressiste, vous devez les soutenir toutes », dit Sarna. « Le prix d’entrée dans les cercles progressistes extrêmes est souvent une déclaration contre Israël, contre le sionisme. » Le mouvement anti-police, ajoute-t-il, s’est associé à toutes les autres causes progressistes.
Le phénomène s’est propagé à travers le pays. « La lutte contre Cop City et pour la libération de la Palestine sont toutes deux des fronts dans le même combat contre les mécanismes de la violence et de l’oppression sanctionnées par l’État », indique un communiqué des organisateurs étudiants de protestations à l’Université Emory à Atlanta.
Le guerre en cours dans la bande de Gaza a éclaté le 7 octobre 2023, lorsque des milliers de terroristes de l’organisation palestinienne du Hamas ont déferlé sur le sud d’Israël pour y perpétrer un pogrom durant lequel ils ont assassiné plus de 1 200 hommes, femmes et enfants et enlevé 251 personnes pour les emmener dans la bande de Gaza. Des mouvements de protestation anti-Israël ont émergé dans le monde entier presqu’instantanément après le massacre du Hamas, y compris à Atlanta.
Le programme américano-israélien d’application de la loi attaqué
La principale cible des activistes d’Atlanta est le Georgia International Law Enforcement Exchange (GILEE), un centre de l’Andrew Young School of Policy Studies de l’université d’État de Géorgie. Basé à Atlanta, ce centre organise depuis plus de 30 ans des échanges internationaux entre services de police. Le programme phare est organisé en coopération avec Israël.
Le GILEE joue le rôle de trait d’union entre les manifestations anti-Israël et les manifestations contre la police.
Aujourd’hui, les pancartes affichant « Stop GILEE », « Abolissez GILEE » et « Fermez GILEE » sont courantes lors des rassemblements anti-Israël et « Stop Cop City » à Atlanta et ailleurs. Aux yeux des manifestants, le GILEE sert de canal parfait permettant la police d’Atlanta de mener à bien sa mission « subversive » qui n’est autre que d’importer les tactiques de police militarisées et de guerre urbaine d’Israël aux États-Unis, et inversement, pour contrôler les populations opprimées dans le monde.
« Les militaires et les policiers américains s’entraînent avec des militaires et des policiers du monde entier dans un vaste réseau de force et de violence », peut-on lire dans un essai publié par Security in Context, un réseau de recherche autoproclamé.
Un certain nombre d’activistes de Stop Cop City se sont barricadés dans des cabanes dans les arbres, ont incendié des voitures de police, attaqué des agents avec des cocktails Molotov et vandalisé du matériel de construction. Lors d’un raid en janvier 2023 pour évacuer les manifestants du site, l’un d’entre eux a été abattu par un policier de l’État de Géorgie dans des circonstances qui font encore débat.
À ce jour, l’État a inculpé 61 manifestants pour violation de la loi RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations). Certains font face à des accusations supplémentaires, notamment de vandalisme et d’incendie criminel. Plusieurs dizaines ont également été arrêtés pour terrorisme intérieur. Des organisations de défense des droits humains, telles que Human Rights Watch (HRW) et l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), ont qualifié ces accusations de draconiennes, disproportionnées et excessives.
Les organisateurs de la manifestation contactés pour cet article n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Les représentants de GILEE ont refusé d’être interviewés.
L’opposition au GILEE n’est pas nouvelle. En 2018, l’organisation antisioniste Jewish Voice for Peace a publié un article intitulé « Deadly Exchange ». Elle y affirmait que les programmes d’échange pour les officiers de police supérieurs – dont le GILEE ainsi qu’un autre programme organisé par l’Anti-Defamation League (ADL) – « promeuvent et étendent les pratiques policières discriminatoires et répressives qui existent déjà dans les deux pays. »
Le GILEE a été fondé en 1992 par Robert Friedmann, professeur émérite de justice pénale à l’Université d’État de Géorgie. À ce jour, plus de 1 300 officiers de police supérieurs de 25 pays ont participé à plus de 300 échanges. Selon son site web, le GILEE propose des « programmes de développement du leadership aux cadres des forces de l’ordre », où les participants partagent les meilleures pratiques en matière de maintien de l’ordre et des idées novatrices sur la sécurité publique et la sécurité intérieure.
« Il n’y a pas de formation tactique pratique » dans les programmes de GILEE, avait affirmé Friedmann dans une interview accordée au Times of Israel en 2022. Le site web du GILEE indique clairement que le programme n’est pas une académie de police ni une agence d’application de la loi, et que le GILEE ne s’entraîne avec l’armée ni aux États-Unis, ni en Israël ni nulle part ailleurs.
Le GILEE et le nouveau centre de formation à la sécurité publique d’Atlanta ont tous deux pour objectif d’accroître le professionnalisme de la police. Le nouveau campus de formation, ainsi que les programmes d’échanges internationaux tels que le GILEE, sont des investissements essentiels pour la sécurité publique, a indiqué Darin Schierbaum, chef de la police d’Atlanta et diplômé du GILEE.
L’exposition à différents services de police en Israël et dans le monde a aidé son service à « se concentrer sur le recrutement d’une force diversifiée dans les forces de police, à rester apolitique au sein de l’organisation et à développer une infrastructure de formation qui reflète une police éthique et Communautaire », comme l’a expliqué Schierbaum.
Les dirigeants de la police qui participent aux échanges GILEE glanent souvent des idées qui, directement ou indirectement, inspirent, informent ou façonnent leurs propres politiques. En 2021, alors que les appels à la réforme de la police se faisaient de plus en plus pressants, le service de police de la ville de LaGrange, en Géorgie, a mis en place une nouvelle politique de formation à l’usage de la force appelée « Tirer pour incapaciter », qui mettait l’accent sur la désescalade et s’inspirait d’un programme GILEE en Israël. Cette politique a suscité un débat à l’échelle nationale.
Les enseignements tirés sont parfois moins tangibles, mais ils n’en sont pas moins importants. Andrew Senzer s’est rendu deux fois en Israël avec le GILEE. Le chef-adjoint récemment retraité du département de police d’Atlanta se souvient particulièrement de sa visite en 2021, lorsqu’il a passé une semaine à observer un commandant de district de la police israélienne dans le village à majorité arabe d’Abu Ghosh.
« La police communautaire revêt une importance capitale pour la police israélienne, et elle intervient dans des circonstances difficiles », a expliqué Senzer. Après tout, ajoute-t-il, « Israël fait face à des menaces existentielles chaque jour et possède une population très multi-ethnique ».
Lorsque l’opposition au nouveau centre de formation à la sécurité publique a éclaté en 2021, et que des activistes anti-Israël ont rejoint le combat à la fin de 2023, Senzer a décidé, pour éviter de se laisser emporter par les messages radicaux des manifestants, d’adopter un comportement strictement professionnel en tant que policier. Cela l’a aidé, dans la plupart des situations, à rester distant et à ne pas réagir personnellement ou émotionnellement aux protestations.
« Mais personnellement, je n’en croyais pas mes yeux », a ajouté Senzer, qui est Juif. Il dit qu’il n’aurait jamais cru qu’un antisémitisme aussi ouvert pourrait exister et être toléré aux États-Unis. Sa principale préoccupation était la sécurité de ses trois enfants, tous étudiants.
« C’était perturbant et effrayant », dit-il.
Une haine vieille comme le monde
Une grande partie du langage, des arguments et des tactiques des mouvements de protestation anti-Israël et anti-police sont tirés « en bloc des anciens manuels de l’Union soviétique », selon Sarna.
La rhétorique utilisée par les activistes et leurs partisans comprend des slogans tels que « les forces de la classe dirigeante derrière Cop City », « le continuum policier-militaire » ou « un système international de répression qui fonctionne pour sécuriser les intérêts impérialistes des États-Unis ».
Se mêlent à cela des tropes antisémites vieux de plusieurs siècles, comme celui selon lequel les Juifs seraient les agents et les bénéficiaires de la finance internationale. Un article du média de gauche Truthout affirme que GILEE et le Centre de sécurité publique d’Atlanta, par le biais de la fondation à but non lucratif Atlanta Police Foundation, « ont un réseau de soutiens fortunés et corporatifs, dont certains défendent ouvertement Israël » – des donateurs comme le philanthrope juif Bernie Marcus, cofondateur de Home Depot, une chaîne de magasins de bricolage basée à Atlanta.
Il y a de la désinformation et de la mésinformation, et souvent, le cadrage justifie le récit. Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) écrit, par exemple, dans un rapport non daté intitulé « Bigotry and Brutality in Foreign Police Training » (Bigoterie et brutalité dans la formation de la police étrangère) « qu’entre autres choses, le GILEE enseigne aux agents de police des tactiques intimidantes, telles qu’armer leur arme de service en la sortant, un geste prétendument destiné à effrayer les manifestants palestiniens non armés ».
Pour ceux qui ne connaissent pas la politique israélienne concernant le port d’armes, cette manœuvre peut sembler agressive ou être perçue comme une tactique d’intimidation. Cependant, cette pratique, appelée « port israélien », consiste à porter l’arme avec un chargeur chargé mais une chambre vide. Cela oblige l’agent à armer la culasse lorsqu’il dégaine, garantissant ainsi que l’arme ne puisse pas tirer accidentellement. Cette mesure de sécurité vise à prévenir les tirs involontaires et est une précaution couramment adoptée par la police israélienne.
Des acteurs malveillants
L’histoire ne s’arrête pas à Atlanta, ni au GILEE. Elle s’est étendue à l’échelle nationale et mondiale. « Free Palestine » et “Stop Cop City” sont devenus des cris de guerre synchronisés lors de rassemblements de New York à Los Angeles et partout où la police prévoit de construire de nouveaux centres d’entraînement importants.
Selon Sarna, de plus en plus de preuves ont fait jour montrant que l’argent pour ces protestations provient de gouvernements ou d’individus « qui cherchent à semer la dissidence aux États-Unis, à affaiblir la société américaine et à mettre en place un changement de système ».
À Atlanta, la plupart des manifestants accusés de terrorisme intérieur venaient de l’extérieur de l’État, et certains d’autres pays comme le Canada et la France, selon le bureau du procureur général de Géorgie.
Des articles récents du Wall Street Journal et de Commentary expliquent en détail comment un réseau opaque de groupes d’activistes et d’organisations fictives est utilisé par des acteurs malveillants en Chine, en Iran et dans certains pays arabes pour financer et contrôler les protestations antisémites et anti-police aux États-Unis.
En juillet, Avril Haines, directeur du renseignement national des États-Unis, a déclaré dans un communiqué que « des acteurs du gouvernement iranien ont cherché à tirer parti des manifestations en cours concernant la guerre à Gaza… se faisant passer pour des militants, cherchant à encourager les manifestations et même à fournir un soutien financier aux manifestants ».
Les institutions juives en alerte
Les effets à long-terme des manifestations liées sont inconnus, mais l’impact actuel est réel.
À Atlanta, les institutions juives et israéliennes – des synagogues aux écoles en passant par les missions diplomatiques – sont en état d’alerte. Nombre d’entre elles ont « renforcé la sécurité de leurs installations, embauché davantage de personnel de sécurité et demandé une formation sur les menaces actives », a expliqué Brian Davis, directeur du Secure Community Network (SCN) à Atlanta. Le SCN est l’organisation officielle de sécurité de la communauté juive en Amérique du Nord.
Davis a indiqué que le nombre d’événements où des institutions juives ont dû faire appel à la police locale, nationale ou fédérale a plus que triplé depuis 2022, à Atlanta et à l’échelle nationale.
Selon les responsables de la ville, les coûts du Centre de formation à la sécurité publique d’Atlanta ont augmenté de 19 millions de dollars en raison de mesures de sécurité renforcées, de litiges et de l’augmentation des tarifs d’assurance. Les manifestants ont détruit pour environ 10 millions de dollars du matériel de construction et d’autres biens dans la région métropolitaine d’Atlanta.
Le chef de la police d’Atlanta, Schierbaum, affirme que la plupart des manifestations ont été pacifiques et légales. Mais la réponse conjointe à celles qui ne l’étaient pas a aidé son département à affiner sa collaboration avec les agences fédérales, étatiques et locales ainsi qu’avec la sécurité des entreprises, dit-il. « J’ai pu observer que la coordination était à un très haut niveau », a affirmé Schierbaum.
Au cours des prochaines semaines, une coopération en matière de sécurité efficace pourrait s’avérer cruciale. La ville se prépare à une nouvelle vague de manifestations alors que la guerre à Gaza se poursuit, que le résultat des élections présidentielles très polarisées pourrait conduire à des troubles, et que la construction du centre de formation à la sécurité publique d’Atlanta touche à sa fin.
Schierbaum ne se laisse pas décourager. « Nous couperons le ruban en décembre et nous assurerons que les opérations du centre ne soient en aucun cas interrompues ou détournées. »
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