Le passage Erez, lieu de coexistence devenu un champ d’exécution du Hamas
Les ouvriers de Gaza, mais aussi les malades, les diplomates, les personnels de l'ONU traversaient ce poste-frontière. Les terroristes ont depuis frappé. Des réservistes ont fait visiter le site au ToI
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Le poste-frontière d’Erez, à l’extrémité nord de la bande de Gaza, était le seul passage que pouvaient emprunter les civils qui, à pied, entraient en Israël depuis l’enclave côtière, placée sous la gouvernance du Hamas. Chaque jour, des milliers de Gazaouis en possession d’un permis de travail pouvaient traverser ce terminal moderne. D’autres venaient pour se faire soigner au sein de l’État juif ; des diplomates, des officiels des Nations unies et d’autres le franchissaient en voiture. C’était le seul lien de coexistence pour Israël et pour Gaza.
Le major Ido Shaya, qui m’a fait visiter Erez, mardi, m’a confié qu’il était impeccablement maintenu – comme ce serait le cas d’un aérogare.
Dans la matinée du 7 octobre, des terroristes du Hamas ont détruit les barrières séparant Erez de la bande de Gaza et ils ont pris d’assaut le complexe. Des images irregardables les montrent en train de massacrer des soldats mal préparés, tragiquement trop peu nombreux, qui étaient là pour monter la garde. Les hommes armés en ont kidnappés d’autres qui ont été ramenés à Gaza.
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Tout ce qui reste du petit poste où les gardiens de la sécurité civile ont été pris pour cible, ce jour-là, c’est un bâtiment bleu effondré.
Une fois qu’ils ont pris le contrôle total des lieux, la vague menaçante formée par les pick-ups blancs et par les autres véhicules qui transportaient les terroristes s’est déversée sur le sol israélien. Shaya, le commandant-adjoint du Bataillon de reconnaissance de la 5e Brigade de réserve, explique que ce sont des centaines de véhicules de toutes les sortes qui ont traversé Erez – qui était sans doute le poste le plus facile à emprunter en voiture – alors qu’ils se préparaient à l’assaut meurtrier qu’ils s’apprêtaient à perpétrer aux abords du poste-frontière et dans ses alentours.
Les terroristes ont massacré 1 200 personnes.
Alors que nous circulons en voiture à travers le complexe, nous passons devant des chars où les soldats procèdent à des réglages ; un soldat ultra-orthodoxe, barbu et ses tzitzit s’envolant sous l’effet du vent, nettoie le canon de l’un d’entre eux. Puis nous croisons des tanks, alignés les uns à côté des autres, prêts à entrer à Gaza pour renforcer les troupes déployées dans le cadre de l’incursion terrestre.
Alors que nous nous sommes approchés au plus près de Gaza – Shaya décidait où nous devions nous arrêter – il me montre, à travers le mur, au loin, une petite pente qui, dit-il, accueillait dans le passé Nisanit, un petit avant-poste militaire devenu une implantation rassemblant 300 familles avant le désengagement d’Israël de Gaza, qui avait entraîné le départ de l’enclave de tous les civils et de tous les soldats en 2005.
« Il n’y avait aucune protection, ici » le 7 octobre, explique Shaya, un homme à la voix douce, visiblement compétent et à la personnalité charismatique. Et les terroristes qui ont franchi la frontière, ce jour-là, étaient étonnamment bien armés. « Ils étaient équipés pour un long séjour [à l’intérieur d’Israël] et ils avaient une quantité d’armes surprenante. Plus d’armes que ce je prendrais moi-même si je devais aller à Gaza », commente-t-il.
Shaya a 34 ans. Marié, père d’un enfant, il travaille habituellement dans le secteur de la haute-technologie à Tel Aviv. Pour le moment, explique-t-il, la vie qu’il menait avant le 7 octobre lui semble être une existence aujourd’hui révolue, appartenir à un autre monde.
Le « soldat seul » revenu
Pendant le temps que je passe en sa compagnie, je rencontre trois autres membres de son équipe assidue à sa tâche – Eldad, Avi, et Ari.
Ari s’appelle Ari Fine. Il est né en Californie et il vit à Denver. Je m’entretiens avec lui le jour-même de son 35e anniversaire.
Fine est venu comme « soldat seul » en 2008 et il a fait son service avec Shaya et les autres.
Mais pourquoi avait-il fait ce choix à l’époque ?… Il raconte : « J’étais allé à la Marche des vivants et un survivant d’Auschwitz m’avait dit : ‘Si Israël avait existé, tout ce qui s’est passé n’aurait pas été aussi terrible’. »
Il est ensuite retourné aux États-Unis – à l’université de Columbia, à New York, pour faire des études de sciences politiques. « A ce moment-là, il y avait de fausses barrières qui avaient été installées sur le campus », se souvient-il, pour souligner la situation difficile des Palestiniens placés sous contrôle israélien. Actuellement, les groupes étudiants accusent Israël de génocide.
Au cours des huit dernières années, il a travaillé pour Google.
Et pourquoi est-il venu aujourd’hui ?… Il rit lorsque je lui pose la question, avec un sourire puéril qui s’élargit sous son casque. « Ido m’a appelé et il m’a dit : ‘Est-ce que tu peux venir ?’. Évidemment que je pouvais venir ! Je voulais être ici avec mes amis, avec mes frères ».
« J’ai dit à mon patron : ‘J’adore mon travail ici, j’espère que je serais en mesure de revenir un jour’. »
« J’ai acheté un aller-simple. Mon épouse est une championne. Elle est originaire de Kansas City. Elle aussi a été soldat seul, dans l’unité Oketz [Unité canine de l’armée israélienne]. Elle m’a dit qu’il fallait que je fasse ce que je devais faire mais qu’il fallait juste que je revienne vivant. »
Elle est avocate et est enceinte de leur quatrième enfant.
« C’est dur d’être en Amérique et de constater qu’il y a là-bas une telle mécompréhension de la situation », s’exclame Fine alors que nous nous tenons parmi les débris à Erez, contemplant Gaza et les militaires qui s’affairent autour de nous. « La majorité des gens n’ont probablement aucune connaissance historique. Ils ne sauraient pas trouver Israël sur une carte. Ils ne sauraient pas trouver Gaza sur une carte », ajoute-t-il.
Qu’est ce que la victoire ?
J’avais déjà rencontré Ido et son équipe en tout début de matinée à Netiv HaAsara, un moshav où vivent environ 900 personnes, au nord du poste-frontière d’Erez – c’est la communauté israélienne la plus proche de Gaza. Nous avions pris un café devant l’une des maisons les plus proches du mur en béton qui court le long de la frontière – peut-être à une quarantaine de mètres de nous. Beit Lahiya et Beit Hanoun, au sein de l’enclave côtière, sont juste de l’autre côté.
Une vingtaine de personnes ont été tuées ici, le 7 octobre. Trois terroristes ont d’abord franchi la frontière en deltaplane. L’un d’entre eux est allé réquisitionner le magasin d’armes. Un autre est passé de maison en maison, tuant au hasard leurs occupants. Et un autre encore s’est rendu dans des habitations spécifiques, raconte Shaya. Les équipes de défense civile se sont battues avec vaillance, empêchant même la communauté de connaître un plus lourd bilan meurtrier.
Shaya a été appelé et il est arrivé dans le moshav dans la matinée du dimanche. Il a eu à peine l’occasion de rentrer chez lui, depuis un mois et demi. Il est dorénavant dans l’armée – et il y restera le temps nécessaire, déclare-t-il.
Alors que nous circulons, en voiture, dans le moshav devenu fantôme, il s’arrête à deux occasions : la première pour me montrer une habitation majoritairement détruite par un incendie dont il reste toutefois la pièce blindée, qui a sauvé la vie à la famille qui y résidait et une autre qui a été frappée par un missile anti-char, lancé depuis l’autre côté de la frontière avec la bande de Gaza, tout près.
Il explique que « c’est un sentiment terrible » de vivre, comme les autres soldats le font eux aussi actuellement, dans des maisons appartenant à d’autres. « Nous nous efforçons de les laisser telles que nous les avons trouvées et nous laissons des notes pour les prévenir que s’ils ont besoin de quelque chose, il suffit de nous le demander ».
Il est aussi horrifié que le reste de la population de constater que le pays a été dans l’incapacité de protéger les Israéliens face au Hamas.
Il médite sur ce que pourrait être l’avenir à Gaza. « Ça ne va nulle part ; c’est là depuis Samson », dit-il avec ironie, s’interrogeant : « Mais que veut donc la population de Gaza ? »
Mais qu’est-ce qu’Israël peut et doit faire à Gaza ?
« En ce qui me concerne, » répond-il, « la victoire, ce serait que les gens qui vivent ici puissent y revenir ».
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel