Le prochain round sera pire, à moins qu’Israël ne reprenne sa réalité en main
L'Etat terroriste du Hamas est à l'origine de la violence sur de nombreux fronts, alimentant les haines israéliennes internes, nous faisant du mal à tous, au niveau mondial
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Cette opinion a été rédigée avant la décision du cabinet de sécurité d’approuver le cessez-le-feu unilatéral
La réponse de Tsahal, aussi efficace soit-elle, ne remplace pas la stratégie qu’Israël doit mettre en place afin de faire face à l’organisation terroriste du Hamas et de reprendre le contrôle de son destin.
Dix jours après le début de la bataille, la barrière souterraine d’Israël contre les “tunnels terroristes” transfrontaliers du Hamas s’est avérée efficace.
Tsahal a contrecarré les tentatives d’attaque du Hamas depuis la mer, intercepté des drones porteurs d’explosifs et a bombardé à plusieurs reprises le réseau de tunnels du Hamas à Gaza – le fameux “métro” – à travers lequel le Hamas déplace ses forces et ses armes, et d’où il avait l’intention d’émerger, de tuer et de kidnapper des soldats israéliens dans toute tentative d’offensive terrestre de Tsahal.
Plusieurs commandants clés du Hamas ont été tués; d’autres sont en fuite; d’innombrables lance-roquettes et ateliers d’armes ont été détruits. En bref, le Hamas a “reçu des coups auxquels il ne s’attendait pas” et a été repoussé “de plusieurs années” en arrière, a affirmé mardi le Premier ministre Benjamin Netanyahu, alors même que les tirs de roquettes et les contre-attaques israéliennes faisaient rage.
Ce qui est peut-être vrai.
Mais les succès tactiques de Tsahal ne remplacent pas une stratégie. Et comme le souligne ce dernier et terrible conflit, Israël n’a pas de stratégie pour faire face à l’organisation terroriste du Hamas.
En revanche, le Hamas lui, sait exactement où il se dirige stratégiquement et a fait des progrès extrêmement inquiétants au cours de ces 10 derniers jours.
Le Hamas a débuté ce cycle de conflit le lundi 10 mai en lançant des salves de roquettes sur Jérusalem – revendiquant d’un seul coup pour les Palestiniens, le statut de défenseur ostensible de la ville disputée, où les tensions et la violence s’étaient accumulées sur et autour de la Mosquée Al-Aqsa, au sommet du mont du Temple.
D’un seul coup, aussi, par extension, il a marginalisé les dirigeants palestiniens de Cisjordanie, gouvernés par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Les tirs de roquettes ont forcé l’évacuation du plénum de la Knesset mais aussi sapé les célébrations de Yom Yeroushalayim en Israël. Cette opération du Hamas a retardé une décision de justice sur les expulsions de quatre familles dans le district de Sheikh Jarrah à Jérusalem et a forcé la prolongation de l’interdiction pour les Juifs de visiter le mont du Temple.
Ces tirs incessants de roquettes ont également nécessité la fermeture intermittente du principal aéroport international d’Israël, annulant ainsi la plupart des vols des compagnies aériennes étrangères à destination et en provenance d’Israël. Ils ont également conduit à la fermeture de nos écoles, à l’arrêt de certains de nos trains.
Le Hamas a fait pleuvoir des roquettes et des tirs de mortier sur une zone de plus en plus large du sud d’Israël, envoyant des roquettes ayant une plus longue portée, plus puissantes et plus profondément que jamais, vers le centre du pays.
Il a provoqué des tirs mineurs de roquettes et de mortier vers Israël depuis deux autres pays voisins – la Syrie et le Liban – et a attisé une nouvelle hostilité envers Israël dans un troisième, la Jordanie.

Peut-être le plus important et le plus inquiétant, le Hamas a contribué à l’escalade des tensions en Israël – entre les citoyens arabes et juifs d’Israël – à des niveaux meurtriers, avec la violence de la foule qui fait rage pendant des jours dans plusieurs villes mixtes et au-delà.
Comme l’a noté mardi la très avisée analyste des affaires arabes Shimrit Meir dans une interview télévisée, lorsque le secteur arabe israélien a organisé une grève générale et que des milliers de personnes se sont rassemblées et ont organisé des émeutes à travers la Cisjordanie lors d’une “Journée de rage”, le Hamas a estimé avoir réussi a “Unifier la Palestine du fleuve à la mer dans une protestation collective” contre Israël…
Il se considère comme le déclencheur qui a unifié les “Palestiniens de 1948” – citoyens palestiniens d’Israël – avec Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem, en une seule entité, protestant comme une seule, agissant comme une seule.
Au-delà de notre voisinage immédiat, la complexité de la tentative de contrecarrer les tirs de roquettes d’un État terroriste, lancés cyniquement depuis le milieu d’une population civile, a sapé la réputation internationale d’Israël, face à de nombreux dirigeants et faiseurs d’opinion mondiaux comparant avec malveillance ou paresse le nombre de morts et qui concluent que parce qu’en Israël le nombre de morts est inférieur, Israël doit être obligatoirement l’agresseur.
L’animateur de talk-show américain John Oliver, dont les points de vue influencent des millions de personnes, semble blâmer Israël pour avoir consacré des ressources à la protection de ses citoyens, tandis que le Hamas subvertit les ressources de Gaza pour la guerre et, avec des conséquences déchirantes, utilise les Gazaouis comme boucliers humains pour se protéger de ses tirs de roquettes aveugles.
Comment Israël ose-t-il avoir un système de défense contre les roquettes, le dôme de fer, objectent ces critiques, laissant entendre que si seulement Israël subissait plus de morts, cela pourrait être un combat plus juste et Israël mériterait moins de châtiments.
« Comment une puissance occupante peut-elle avoir le droit de se défendre, alors que notre propre peuple sous occupation est privé du même droit ? » a déclaré jeudi à l’ONU le chef de la diplomatie de l’Autorité palestinienne, Riyad Al-Maliki, après l’excellente intervention de Gilad Erdan.

Sans doute pour le plus grand plaisir du Hamas, les efforts de diplomatie publique d’Israël restent aussi lamentables qu’ils l’ont été pendant des décennies, sinon plus.
Aujourd’hui, il nous manque clairement un brillant représentant anglophone afin de nous adresser aux États-Unis ; le Premier ministre n’a pas de porte-parole anglophone pertinent ; et l’armée israélienne – qui a notoirement échoué pendant des heures lors de l’incident du Mavi Marmara il y a dix ans, afin de produire des images montrant de violents activistes, battant des commandos navals israéliens sur le pont d’un navire exécutant le blocus de Gaza – a évidemment appris trop peu de choses sur la nécessité d’une action rapide quant à donner une explication et une réponse aux médias étrangers.
S’il y a un impératif militaire de démolir une tour de Gaza où plusieurs grands médias étrangers ont leurs bureaux, il ne suffit pas de les avertir et de leur donner le temps de partir avant de faire exploser l’endroit en question. Il est également nécessaire de fournir immédiatement des preuves que le bâtiment est effectivement un atout militaire du Hamas.
Pour le plus grand plaisir du Hamas, la vague d’hostilité envers Israël, que même la meilleure diplomatie publique ne pourrait que partiellement atténuer, se joue dans des manifestations antisémites ; des événements mondiaux, profondément troublants et très déconcertants pour la diaspora juive.

Alors qu’une grande partie du monde a réclamé qu’Israël accepte un cessez-le-feu, les États-Unis, sous l’administration Biden, ont clairement donné à Israël au moins quelques jours de plus pour continuer à affaiblir le Hamas militairement – pour mieux essayer de le dissuader de la prochaine ronde d’hostilités.
Mais Biden lutte contre une vague croissante de critiques d’Israël au sein du Parti démocrate ; dans cinq, 10 ou 15 ans, il est loin d’être fantaisiste de craindre et de penser qu’une présidence démocrate américaine soit nettement moins fiable.
Le chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kohavi, a parlé dans le passé des défis uniques auxquels l’armée israélienne est confrontée face à tant de fronts actifs et potentiellement actifs. Cette réalité est au cœur des dangers auxquels fait face un Israël qui n’a pas de stratégie vis-à-vis du Hamas et de la situation à Gaza.
Cette série de conflits est peut-être en train de se terminer. Si tel est le cas, bien que cela soit profondément problématique pour Israël, cela aurait pu être bien pire.
Les protestations au sein de la société israélienne, on l’espère et il semblerait, pourraient s’atténuer, mais les cicatrices prendront beaucoup de temps à se refermer et les causes profondes s’étendent bien plus loin que ce conflit.
La violence et le terrorisme en Cisjordanie n’ont pas atteint les dimensions de la première ou de la deuxième Intifada, mais cette menace demeure. Des rangs massifs de réfugiés palestiniens n’ont pas marché aux frontières avec le Liban ou la Syrie.
Fondamentalement, l’Iran a choisi de ne pas déchainer les foudres de son Hezbollah, dont les capacités de missiles et la force de frappe éclipsent le meilleur arsenal du Hamas.

Obligé de mobiliser ses forces de sécurité sur trois fronts principaux – contre le Hamas à Gaza, en Cisjordanie, et pour désamorcer les violences internes – Israël pourrait être encore plus sollicité lors de la prochaine série d’hostilités, pour laquelle le Hamas commencera à se préparer dès le moment où ce cycle sera déclaré terminé.
Israël doit-il reconquérir Gaza, évincer le Hamas, à un coût probablement terrible, et y rester ? Doit-il engager un processus de négociation avec l’Autorité palestinienne, en renforçant le très problématique Mahmoud Abbas et en cherchant à justifier la diplomatie palestinienne face au terrorisme palestinien ?
Serait-il sage d’encourager le développement de Gaza financé au niveau international, avec d’importants projets d’infrastructure afin de réhabiliter cette bande de terre, ce qui donnerait plus à perdre aux Gazaouis et qui compliquerait ainsi potentiellement d’autres attaques du Hamas contre Israël ?
Aucune de ces options stratégiques n’est bonne. Mais l’absence actuelle de stratégie est pire.
D’un cycle à l’autre du conflit, le Hamas est passé d’une organisation terroriste dangereuse à un État terroriste dirigeant, l’équivalent d’une armée – financé en partie par l’argent qu’Israël a permis de leur fournir via leurs patrons qataris.
Le Hamas domine de plus en plus la cause palestinienne, nuit à la réputation internationale d’Israël et démontre sa capacité à attiser la violence contre Israël sur plusieurs fronts, et même à l’étranger.

Il est en effet possible que Tsahal, comme l’a dit Netanyahu, ait repoussé le Hamas militairement à des années en arrière. Mais des hostilités intermittentes, lancées à la convenance de l’ennemi, frappant le front intérieur israélien, avec des pauses au cours desquelles l’ennemi développe une capacité à faire des ravages encore plus grands, s’ajoutent à une réalité intenable.
Et lorsque cet ennemi, déterminé à détruire ce pays, se révèle capable de galvaniser un éventail de plus en plus large de forces hostiles, il devient une menace stratégique et pas seulement militaire.
Dimanche après-midi, dans la synagogue Yad Michael d’Ashkelon, les morceaux d’une roquette du Hamas ont causé un énorme trou dans le mur, envoyant des débris un peu partout à travers le bâtiment et cela, quelques heures avant le début des prières de la fête de Shavouot.
En moins de deux heures, les habitants avaient terminé un nettoyage, un lavage, un époussetage et un balayage instantanés. “Personne ne détruira notre fête”, a déclaré le chantre de la synagogue, Shalom Biton, alors que les balais défilaient derrière lui et que l’équipe de nettoyage ad hoc applaudissait.

“Le peuple d’Israël est fort et courageux. Nos ennemis ont besoin de le savoir… ils ne nous battront pas. Même s’il y a encore 100 cycles de conflit, ils perdent leur temps”.
Le peuple d’Israël est en effet fort et courageux, discipliné et résilient sous un feu incessant.
Mais nos ennemis à Gaza n’ont pas encore conclu qu’ils perdaient leur temps. Pour utiliser la fable métaphorique, ils considèrent Israël comme une grenouille entrant lentement dans l’eau bouillante. Ils doivent être désabusés.
Ce qu’il faut, c’est un changement radical dans lequel, plutôt que de permettre au Hamas de nous plonger dans le chaos quand bon lui semble, avec des répercussions toujours plus grandes, Israël détermine ses objectifs à long-terme, s’attache à les atteindre et reprenne le contrôle de sa réalité et de son destin.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel