Le sentiment pro-Hamas choque les Juifs d’Europe et ravive les craintes quant à leur avenir
Le dégoût ressenti par des millions de personnes face à la barbarie terroriste est éclipsé par les manifestations de rue contre Israël et la montée en flèche de l'antisémitisme
En tant que rabbin partageant son temps entre Berlin et Vienne, Lior Bar-Ami est parfaitement conscient des risques encourus par les personnes qui sont manifestement juives dans les rues de ces villes et ailleurs en Europe de l’Ouest.
Bar-Ami, 37 ans, s’était senti mal à l’aise en portant sa kippa en public dans certains quartiers de Berlin avant même le déclenchement, le 7 octobre, de la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas, qui a commencé après que des terroristes de Gaza eurent franchi la barrière frontalière lors d’un assaut de choc, se soient déchaînés dans le sud d’Israël – tuant, torturant et mutilant plus de 1 400 personnes, pour la plupart des civils.
Mais avec le début de la guerre, qui a déclenché une vague d’antisémitisme de la part des musulmans en Europe, le rabbin, pour la première fois de sa vie, cache sa kippa sous un chapeau chaque fois qu’il se trouve à l’extérieur dans la capitale allemande.
« Je ne me suis jamais senti aussi peu en sécurité que maintenant », a déclaré Bar-Ami, ajoutant que certains de ses amis lui ont dit qu’ils ne se sentaient pas en sécurité à ses côtés lorsqu’il portait sa kippa.
Les Juifs de tout le continent, où les actes antisémites montent en flèche, se font l’écho de ces craintes. Parallèlement, des manifestations présentées comme des expressions de soutien aux civils palestiniens – mais que beaucoup, Juifs et non-Juifs, perçoivent comme des manifestations de haine des Juifs et de solidarité avec le Hamas, malgré ses récentes démonstrations d’extrême barbarie contre les Israéliens – mobilisent des centaines de milliers de personnes
Bar Ami a confié au Times of Israël avoir été surpris par la rapidité, l’ampleur et la violence avec lesquelles les actions anti-Israël se sont déroulées à Berlin. La semaine dernière, des individus non identifiés ont lancé des cocktails Molotov sur une synagogue de Berlin. Des affrontements ont éclaté entre les émeutiers et la police cette nuit-là à Neukoelln et Kreuzberg, deux quartiers où vivent de nombreux immigrés musulmans.
À Berlin, des centaines de personnes ont scandé en arabe « Nos vies, notre sang, nous les sacrifierons pour toi, Al Aqsa » lors d’une série de rassemblements, et ce malgré l’interdiction de la police et de la municipalité d’organiser de tels événements en raison des préoccupations des autorités en matière d’incitation et de désordre. RIAS, un organisme allemand de surveillance de l’antisémitisme, a recensé 202 actes rien que ce mois-ci, soit une augmentation de 240 % par rapport à octobre 2022.
À Londres, la police a constaté que le nombre de crimes haineux anti-Juifs avait décuplé en octobre par rapport à l’année dernière.
À Melilla, enclave espagnole en Afrique du Nord, des manifestants ont brûlé un drapeau israélien devant une synagogue.
À Amsterdam, trois écoles juives ont été fermées temporairement, dont l’une à deux reprises, pour des raisons de sécurité. Sur la place du Dam, monument dédié aux victimes de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de personnes ont scandé « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre » lors d’une manifestation qui a rassemblé quelque 50 000 personnes.
À Vienne, les personnes souhaitant manifester leur soutien à Israël ont été averties par les autorités, pour la première fois, de ne pas arborer de panneaux israéliens dans la rue, par crainte de violences.
« Ils n’ont pas parlé de kippa, mais le bon sens nous dit que si arborer un drapeau israélien est dangereux, porter une kippa l’est aussi », a expliqué Bar-Ami. « Pour les personnes qui pratiquent l’intimidation, un Juif est un Israélien et vice versa. »
Dans le même temps, les dirigeants européens ont exprimé leur solidarité avec Israël et, à Londres, Paris et Berlin, des milliers de personnes ont participé à de grands rassemblements pro-Israël organisés par des organisations communautaires juives, comme c’est souvent le cas lorsqu’Israël est en guerre. D’autres capitales et villes européennes ont organisé des manifestations plus modestes, toutes marquées par une forte participation juive.
La mezouza a dû être déplacée
Dans de nombreuses villes européennes, la crainte d’être identifié comme Juif est antérieure aux attentats du 7 octobre, mais le déclenchement de la guerre a rendu la situation encore plus délicate.
« En France, en Belgique et dans de nombreux autres endroits, il est dangereux de porter une kippa. Avant l’attaque du Hamas, et maintenant », a déploré Raya Kalenova, vice-présidente exécutive et directrice-générale du Congrès juif européen.
L’hostilité impose également des changements dans la vie des Juifs européens qui ne portent pas régulièrement la kippa. « La mezouza a dû être déplacée et je dois être plus vigilant », a déclaré Haïm Benistant, un Juif néerlandais de 36 ans de la région d’Amsterdam, entrepreneur et réserviste de l’armée de l’air néerlandaise.
S’appuyant sur son expérience dans le monde des affaires, il tente d’envisager le problème de l’antisémitisme en Europe sous la forme d’un graphique : « Il s’agit d’une série de pics, suivis de creux », explique-t-il. Les creux peuvent donner à beaucoup un sentiment de sécurité, mais « chaque pic dépasse le précédent ». Cela amène Benistant à « se demander sérieusement s’il y a un avenir pour les personnes d’origine juive dans l’Europe d’aujourd’hui ».
Mais le problème de l’antisémitisme sur le continent est lui-même le symptôme d’un problème encore plus grave, ajoute Benistant, qui l’amène à « s’inquiéter » pour sa propre société ».
« Ceux qui sont actuellement suffisamment à l’aise ou naïfs pour adhérer à la propagande du Hamas deviendront des victimes du mondialisme islamiste si nous ne changeons pas de cap », a-t-il prédit.
Depuis 2012, de nombreux Européens ont appris qu’ils étaient la cible des mêmes terroristes que ceux qui s’en prennent aux Juifs. Mohammed Merah, qui a tué trois enfants juifs et un rabbin à Toulouse en 2012 avait également tué trois soldats. Les assassins de quatre Juifs dans l’Hypercacher de Vincennes en 2015 avaient coordonné leur attaque avec le meurtrier de 12 personnes au siège de Charlie Hebdo deux jours plus tôt.
Un an plus tôt, Natan Sharansky, ancien refuznik soviétique et ancien président de l’Agence juive pour Israël, avait demandé à Alain Finkielkraut, éminent philosophe juif français, si « le judaïsme européen avait un avenir en Europe ».
Finkielkraut a répondu par une question de son cru : « L’Europe a-t-elle un avenir en Europe ? »
L’Europe a également connu deux attaques terroristes depuis le 7 octobre. Un djihadiste a tué deux supporters de football suédois à Bruxelles le 17 octobre et un autre islamiste a tué un enseignant à Arras, en France, le 13 octobre.
Les attentats terroristes contre les Juifs et les Israéliens en Europe se produisent depuis les années 1960, initialement perpétrés par des membres de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Mais la Seconde Intifada, en 2000, a inauguré en France une nouvelle forme de violence antisémite, perpétrée par des musulmans à l’encontre de leurs voisins juifs. Dans un contexte d’immigration massive en provenance du Moyen-Orient, ce phénomène s’est reproduit dans toute l’Europe malgré les tentatives pour l’endiguer, avec une recrudescence en lien avec les violences impliquant Israël.
Cette évolution continue de changer la vie d’innombrables Juifs européens et d’en pousser beaucoup d’autres à immigrer en Israël ou ailleurs, comme l’ont fait au moins 50 000 Juifs français au cours de la dernière décennie. Leur émigration exacerbe le déclin démographique des communautés juives, déjà décimées par la Shoah.
Bar-Ami, qui est né dans l’ouest de l’Allemagne, a été témoin de cette dynamique, notamment lors de la vague de protestations antisémites qui a éclaté en Europe occidentale au cours de la dernière série d’hostilités entre Israël et le Hamas.
Cette fois, c’est différent
Mais le cycle actuel est différent parce qu’il a commencé par une série d’atrocités d’une ampleur et d’une barbarie que les Juifs n’avaient jamais connues depuis la Shoah.
Au cours d’un assaut, tôt le matin, quelque 2 500 terroristes ont franchi la frontière avec Gaza et se sont déchaînés dans les communautés du sud, massacrant plus de 1 400 personnes, pour la plupart des civils, et en enlevant au moins 233 otages, sous le couvert d’un déluge de roquettes tirées sur les villes et villages israéliens.
La grande majorité des personnes tuées lorsque les terroristes se sont emparés des communautés frontalières étaient des civils, notamment des bébés, des enfants et des personnes âgées. Des familles entières ont été exécutées dans leurs maisons et plus de 260 ont été massacrées lors d’un festival en plein air, souvent au milieu d’actes horribles de brutalité, de torture et de violence sexuelle perpétrés par les terroristes.
Israël ayant déclaré la guerre et affirmé qu’il devait éradiquer le groupe terroriste, l’armée a commencé à bombarder des cibles du Hamas à Gaza. Israël a déclaré qu’il visait toutes les zones où le Hamas opère, tout en cherchant à minimiser les pertes civiles.
Les représailles israéliennes auraient fait plus de 6 000 morts dans le territoire palestinien, selon le Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste palestinien ne peuvent être vérifiés de manière indépendante et sont censés inclure ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, ainsi que les victimes de l’explosion d’un parking à l’arrière de l’hôpital anglican à Gaza le 17 octobre, causée par un tir de missile du groupe terroriste du Jihad islamique palestinien, qui a dévié de sa trajectoire et que le Hamas a imputé à Israël. Israël affirme avoir tué au moins 1 500 terroristes du Hamas à l’intérieur d’Israël depuis le 7 octobre.
Mais le signal de la violence antisémite en Europe a été donné immédiatement après les massacres du Hamas et avant que des civils ne meurent à Gaza, a noté Bar-Ami. « Il est particulièrement douloureux d’assister à un tel déferlement de haine alors que le peuple juif est encore en deuil », a regretté Bar-Ami, rabbin de la communauté juive libérale Or Chadasch à Vienne.
Les manifestants en colère n’ont pas été les seuls à faire preuve d’insensibilité face à la tragédie humaine en Israël, a déclaré Abnousse Shalmani, une célèbre écrivaine française d’origine iranienne qui n’est pas juive. « Le 7 octobre, nous avons appris que des centaines de personnes étaient mortes dans le plus grand pogrom après la Shoah », a-t-elle déclaré au Figaro cette semaine.
« Pourtant, alors même que les corps étaient extraits des décombres, les médias ignoraient déjà cette tragédie humaine et la traitaient de manière politique. C’était choquant. »
Le carnage – qui a consisté en meurtres, immolations, viols, mutilations corporelles et pillages – a choqué le monde entier et a déclenché une vague d’empathie à l’égard d’Israël dans les démocraties occidentales. Mais dans plusieurs villes allemandes, des célébrations spontanées ont été organisées le 7 octobre par des citoyens musulmans.
Dans l’une d’entre elles, des militants de Samidoun, une organisation à but non lucratif qui soutient les terroristes palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, ont distribué des bonbons dans une rue de Neukoelln.
Il s’agissait d’un rare écho européen à des scènes qui se produisent régulièrement dans le monde musulman lorsque des Israéliens meurent entre les mains de terroristes.
Sur un continent où des centaines de personnes ont été victimes de djihadistes inspirés par des religieux et des coutumes du Moyen-Orient, les célébrations dans les rues ne sont pas passées inaperçues. Le chancelier allemand Olaf Scholz a condamné les événements et menacé d’expulser les participants, et son cabinet a annoncé de nouvelles interdictions concernant Samidoun et le soutien au Hamas, que la Commission européenne, et l’Allemagne par extension, considèrent déjà comme un groupe terroriste.
« Nous sommes choqués par le nombre de femmes et d’hommes victimes du terrorisme barbare du Hamas », a déclaré Scholz, coiffé d’une kippa, lors de l’inauguration d’une nouvelle synagogue à Dessau, une ville proche de Berlin, reconstruite là où les nazis l’avaient détruite.
Il s’agit de l’un des nombreux discours publics prononcés ce mois-ci au sujet d’Israël par Scholz, que certains experts ont qualifié de « chancelier fantôme » en raison de ses rares apparitions. Il a également déclaré que les Juifs allemands « font toujours partie de la vie » du pays et que l’Allemagne aidera Israël chaque fois que cela sera nécessaire. Scholz s’est rendu en Israël le 17 octobre, où il a rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu et des survivants des massacres du Hamas.
Le président français Emmanuel Macron est allé encore plus loin en proposant lors de sa visite de solidarité du 24 octobre de faire entrer la France dans une coalition pour détruire le Hamas. « La France partage la douleur d’Israël », a déclaré Macron, qui avait qualifié en 2017 l’anti-sionisme de forme d’antisémitisme.
Cela change tout pour nous
Yaël Hernandez, juive française originaire de Marseille, dit avoir l’impression que l’État français la soutient. « Et alors ? », ajoute-t-elle. « L’agression vient de la population, de la population musulmane. Vous sentez la tension dans la rue. Vous sentez les regards qu’ils vous lancent. Vous sentez que l’assaut a rempli leur poitrine de fierté. C’est quelque chose que l’on ressent dans la rue, c’est effrayant et la police ne peut rien y faire. Et cela change tout pour nous », a-t-elle déclaré.
Lior Bar-Ami ne sait pas où il vivra dans dix ans. Il se concentre sur sa communauté juive de Vienne qui, malgré sa petite taille d’environ 10 000 personnes, est relativement dynamique, diversifiée et robuste, en plus d’être l’une des rares minorités juives d’Europe occidentale à se développer.
« Il y a du travail à faire, une vie communautaire à construire et, pour l’instant, j’ai le sentiment que c’est là que je dois être », a-t-il déclaré.
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