Les chars d’Alost, pas « intentionnellement » racistes, dit le gouvernement belge
Un observatoire de l'Etat a appelé les créateurs des personnages exhibés sur les chars - des caricatures de Juifs orthodoxes avec des sacs d'argent - à montrer "plus d'empathie"
JTA — Le groupe de veille sur le racisme de l’Etat belge vient de donner son verdict sur un char qui avait défilé lors d’une parade, au début de l’année, et qui avait été fustigé comme étant antisémite : Si les personnages exhibés ont, en effet, été issus d’une représentation antisémite, ses créateurs n’ont pas voulu être intentionnellement « racistes ».
Cette estimation a été rendue publique jeudi par l’UNIA – une institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances en Belgique – qui a par ailleurs recommandé d’abandonner toute poursuite judiciaire à l’encontre des créateurs du char du carnaval d’Alost, tout en appelant ces derniers, tout comme leurs critiques, à montrer « plus d’empathie ».
Ce verdict survient alors que les Juifs locaux s’inquiètent de ce qu’ils considèrent comme une intégration de l’antisémitisme au sein de la société belge.
Une grande partie du rapport est consacrée à l’édition 2019 du carnaval d’Alost mais de nombreuses plaintes ont été déposées auprès de l’UNIA, ces dernières années, sur l’imagerie utilisée pendant cette fête.
En Belgique et dans de nombreuses parties de l’Europe et d’Amérique latine, les célébrations du carnaval ont lieu avant le Carême, la période de quarante jours qui précède Pâques.
Au cours du carnaval, au mois de mars, des personnages géants représentant des Juifs orthodoxes – l’un portant un rat sur son épaule et tous deux étreignant des sacs d’argent – avaient été installés sur un char. Les fêtards, habillés en Juifs orthodoxes, dansaient sur une chanson parlant d’argent. Selon les organisateurs, ce spectacle avait été un moyen de protester contre le coût croissant de la vie.
Ce char avait suscité un torrent de condamnations, notamment de la part de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) qui avait estimé qu’il était raciste. Le carnaval d’Alost est l’événement le plus haut en couleurs de Belgique et, en 2010, il avait été ajouté à la liste représentative du patrimoine culturel de l’humanité intangible de l’instance.
Le maire et les organisateurs de la parade, à Alost, avaient rejeté les critiques, disant qu’il s’agissait d’une satire innocente et non d’antisémitisme. Au début du mois, les organisateurs ont fait imprimer des caricatures de Juifs avec des dents en or et le nez rouge et crochu sur des rubans qui devraient être portés lors de la prochaine édition du carnaval. Ils portent la légende « l’UNESCO, quelle plaisanterie ».
L’UNIA a indiqué dans son rapport que les personnages du char avaient un « caractère clairement antisémite ».
Des stéréotypes, a écrit l’UNIA, « peuvent avoir inconsciemment mené à l’association entre Juifs et souris/rats, et peut-être même à certaines références à l’iconographie nazie de l’époque du Der Sturmer« , a expliqué l’UNIA en citant un journal de propagande nazie.
« Dans ce sens, le char a reproduit intégralement des stéréotypes antisémites caractéristiques. Toutefois, les éléments contextuels et les explications des parties responsables du groupe de Vismooil ont entraîné notre décision, qui est qu’il est impossible de discerner une intention malveillante dans le sens juridique du terme ».
La loi belge spécifie que les discours de haine sont criminels seulement s’ils visent à offenser.
Le forum des organisations juives de la région flamande, ou FJO, a rejeté les conclusions émises par l’UNIA, s’offusquant en particulier d’une déclaration figurant dans le rapport qui suggère que les Juifs et autres critiques du char qui a défilé à Alost devraient montrer « davantage d’empathie et de compréhension » à l’égard des créateurs du char et vice-versa.
« C’est un cliché à bas prix », a écrit le groupe juif. « Les Juifs ont plus de 2 000 ans d’expérience en ce qui concerne l’antisémitisme et ils n’ont besoin d’aucune instruction s’agissant d’humour. Les Juifs savent mieux que personne ce que des caricatures sont susceptibles d’entraîner. »
En 2017, le FJO avait dit « avoir perdu toute foi » en l’UNIA dans une affaire différente, lorsqu’un avocat de l’instance avait déploré la condamnation pour discours de haine d’un homme palestinien que l’UNIA avait pourtant aidé à poursuivre après qu’il appelé à tuer les Juifs en masse lors d’une manifestation.