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Analyse

Les complots d’assassinat en Israël rappellent la tradition iranienne de tentatives d’assassinat sur le sol américain

Une étude de l'Université George Washington dévoile les alliances "tragicomiques" de la République islamique avec des gangs criminels pour tuer des dissidents et des responsables américains, dont Donald Trump

L'avis de recherche de Shahram Poursafi, âgé de 45 ans, sur une image fournie le 10 août 2022. (Crédit : FBI/AFP)
L'avis de recherche de Shahram Poursafi, âgé de 45 ans, sur une image fournie le 10 août 2022. (Crédit : FBI/AFP)

La semaine dernière, la police israélienne a annoncé l’arrestation d’au moins quinze personnes soupçonnées d’être impliquées dans une série de complots présumés visant à assassiner des scientifiques ou des hauts fonctionnaires et à recueillir des informations pour le compte de l’Iran.

Ces arrestations sont les dernières d’une série de révélations concernant les tentatives de l’Iran de recruter des locaux pour espionner et tuer des Israéliens, souvent contre de fortes sommes d’argent. Elles interviennent après que le Shin Bet, l’agence israélienne de sécurité intérieure, a averti fin septembre que l’Iran tentait activement de recruter des Israéliens en ligne pour commettre des assassinats ciblés ou transmettre des renseignements sur des informations sensibles, telles que des installations militaires.

Pour les Israéliens habitués à être la cible de bombes, de roquettes et d’autres formes manifestes de violence de la part de mandataires iraniens, les tentatives de recrutement d’espions et d’assassins constituent en quelque sorte un phénomène nouveau.

La campagne présumée de Téhéran comprend également des tentatives d’assassinat moins subtiles, comme en témoigne l’attaque par drone du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah sur la résidence privée du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée le week-end dernier, que le Premier ministre a imputée aux « agents de l’Iran ».

Mais le recours à l’assassinat par l’Iran pour éliminer ses ennemis, qu’il s’agisse de politiciens, de diplomates ou de scientifiques, n’est pas nouveau et n’est pas non plus limité à Israël, loin s’en faut. Quasiment depuis sa création en 1979, la République islamique a tenté d’assassiner des personnalités de premier plan sur le sol américain, selon une récente étude approfondie réalisée par cinq chercheurs du programme sur l’extrémisme de l’Université George Washington.

L’étude, intitulée « Propaganda, Procurement, and Lethal Operations : Iran’s Activities Inside America » (« Propagande, approvisionnement et opérations létales : les activités de l’Iran à l’intérieur de l’Amérique ») décrit la longue histoire des tentatives de la République islamique pour éliminer ses ennemis aux États-Unis. En levant le voile sur les opérations clandestines du régime iranien en Amérique, l’étude fait également état de l’acquisition par Téhéran de composants d’armes que les sanctions internationales lui interdisent d’acquérir, ainsi que de la propagande idéologique qu’il diffuse par l’intermédiaire de certaines institutions islamiques.

Des manifestants brûlant un drapeau américain durant un rassemblement annuel commémorant la révolution islamique de 1979, à Téhéran, en Iran, le 11 février 2024. (Crédit : Vahid Salemi/AP)

Un long passif de tentatives d’assassinat

L’Iran est loin d’être le seul pays à avoir vraisemblablement tenté de commettre des assassinats sur le sol étranger, et il a souvent été de l’autre côté de la lunette du fusil ou du détonateur. De 2010 à 2012, par exemple, au moins cinq scientifiques nucléaires iraniens ont été la cible d’un attentat à l’explosif. Ces attentats ont été largement attribués à l’agence de renseignement du Mossad, connue pour avoir éliminé des dizaines de terroristes palestiniens à travers le monde depuis le milieu des années 1950.

Aux États-Unis également, la Central Intelligence Agency (CIA) a longtemps été accusée de tenter d’éliminer des dirigeants étrangers ou de soutenir des tentatives d’assassinats ciblés, en particulier contre ceux qui avaient des sympathies communistes durant la Guerre Froide.

Depuis 1979, lorsque les islamistes iraniens ont renversé le Shah installé par la CIA et mis en place un régime théocratique, Téhéran a poursuivi sans relâche ses opposants au-delà de ses frontières. Les cibles ont été des dissidents iraniens en exil, des représentants d’ennemis régionaux et même de hauts fonctionnaires américains.

L’un des premiers assassinats de ce type a eu lieu en 1980, lorsque des agents iraniens ont commandité le meurtre d’Ali Akbar Tabatabaei, un ancien attaché de presse de l’ambassade d’Iran à Washington qui était resté fidèle au Shah. Tabatabaei a été abattu à son domicile de Bethesda, dans le Maryland, par un Américain converti à l’islam et engagé par l’Iran pour 5 000 dollars. L’assassin a ensuite trouvé refuge au sein de la République islamique.

L’un des éléments clés de nombreux complots d’assassinat iraniens, tant en Israël qu’aux États-Unis, a été la volonté d’impliquer des figures criminelles de la pègre – comme des tueurs à gages. Lorenzo Vidino, l’un des auteurs du rapport de l’Université George Washington, a déclaré au Times of Israel que le résultat était « souvent tragicomique ».

En 2011, Téhéran a conspiré avec le cartel de la drogue mexicain Los Zetas pour assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, Adel al-Jubeir, à un moment où les tensions entre les deux puissances régionales montaient en flèche.

L’Iran avait offert au gang mexicain 1,5 million de dollars pour perpétrer cet attentat, qui devait être commis au moyen d’une bombe placée dans un restaurant de Washington, étant entendu que les dommages collatéraux étaient acceptables. Le complot avait été déjoué par un intermédiaire engagé qui s’était avéré être un informateur fédéral.

La journaliste Masih Alinejad s’exprimant sur scène lors du 7e sommet annuel Women In The World, au Lincoln Center, à New York, le 7 avril 2016. (Crédit : Jemal Countess/Getty Images North America/AFP)

Dix ans plus tard, un membre du clan Zindashti, un réseau criminel iranien qui ciblerait les dissidents à l’étranger pour le compte du régime, aurait chargé le Canadien Damion Ryan d’assassiner deux opposants au régime aux États-Unis.

Ryan, membre du club de motards Hells Angels, avait trouvé un complice, et les deux hommes se sont vu promettre 350 000 dollars pour le travail (plus 20 000 dollars pour les frais de voyage), selon un acte d’accusation fédéral déposé en janvier au sujet de ce complot infructueux.

L’une des cibles les plus en vue de l’Iran a été Masih Alinejad, une militante des droits de l’Homme américaine d’origine iranienne basée à Brooklyn, qui a acquis une renommée internationale lors des manifestations « Femme, vie, liberté » de 2022.

Selon l’acte d’accusation déposé devant un tribunal fédéral de New York, des responsables iraniens ont tenté de l’attirer à l’étranger en 2018, incitant sa famille à la convaincre de quitter les États-Unis, avec l’intention de l’enlever dans un pays tiers.

Masih Alinejad, journaliste irano-américaine et militante des droits de la femme, lors d’une session au centre de congrès pendant la réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF), à Davos, le 19 janvier 2023. (Crédit : Fabrice Coffrini/AFP)

Cela ayant échoué, les services de renseignement iraniens l’ont maintenue sous surveillance constante en faisant appel à des détectives privés, selon l’acte d’accusation. Téhéran a catégoriquement réfuté ces allégations.

En 2022, Téhéran a intensifié ses efforts en engageant un tueur à gages azerbaïdjanais à Yonkers, dans l’État de New York, par l’intermédiaire d’un réseau criminel d’Europe de l’Est connu sous le nom de « Thieves in Law ». L’homme a été trouvé armé d’un fusil d’assaut chargé de type AK-47 devant la maison d’Alinejad, selon l’acte d’accusation.

Dans un message de célébration publié sur le réseau social X après que la tentative eut été révélée, Alinejad a écrit : « Mon pays d’adoption m’a une fois de plus sauvée du régime meurtrier de mon pays natal, l’Iran. »

Venger l’assassinat de Soleimani

Après l’assassinat du commandant du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé de l’Iran, Qassem Soleimani, lors d’une attaque de drone américain en 2020, les autorités iraniennes ont promis de venger cette élimination en ciblant les responsables américains impliqués dans l’opération. Parmi les cibles figurait le président de l’époque, Donald Trump, l’actuel candidat républicain à la Maison Blanche.

Les autorités américaines ont pris au sérieux les menaces de Téhéran à l’encontre de Trump et en ont ouvertement discuté après que l’ancien président a survécu à une tentative d’assassinat sans lien avec l’Iran lors d’un rassemblement en juillet. Aucun lien avec l’Iran n’a été allégué en ce qui concerne une deuxième tentative d’assassinat en septembre.

En août, Asif Raza Merchant, un ressortissant pakistanais ayant des liens avec l’Iran, a été arrêté par le FBI pour avoir apparemment planifié des meurtres contre des hommes politiques ou des fonctionnaires américains.

« Depuis des années, le ministère de la Justice s’efforce de contrer les efforts effrontés et incessants de l’Iran pour exercer des représailles contre des fonctionnaires américains à la suite de l’assassinat du général iranien Soleimani », a déclaré le ministre de la Justice, Merrick B. Garland, dans un communiqué de presse publié à la suite de l’arrestation de ce ressortissant.

Asif Merchant, commanditaire présumé d’assassinats politiques aux Etats-Unis, sur une photo fournie le 6 août 2024. (Crédit : Département américain de la Justice)

Les autres responsables dans le collimateur de l’Iran sont les anciens conseillers à la sécurité nationale de Trump, John Bolton et Robert O’Brien, l’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo, l’ancien secrétaire à la Défense Mark Esper, le général Kenneth Frank McKenzie et l’ancien représentant spécial pour l’Iran, Brian Hook.

Tous auraient eu besoin de la protection des services secrets américains longtemps après avoir quitté leur poste.

En 2021, un membre du CGRI répondant au nom de Shahram Poursafi avait payé 300 000 dollars pour confier l’assassinat de Bolton à un homme aux États-Unis qui, à son insu, était un agent gouvernemental sous couverture. Pompeo aurait également figuré sur la liste des cibles de Poursafi.

Bien que les autorités iraniennes aient qualifié ces allégations de « fiction », le Département d’État américain a annoncé le mois dernier une récompense de 20 millions de dollars pour toute information conduisant à l’arrestation de Poursafi.

Un panneau d’affichage portant les portraits de chefs terroristes tués, Ismaïl Haniyeh du Hamas (à gauche), le chef de la Force Al-Qods iranienne Qassem Soleimani (au centre) et le commandant en chef du Hezbollah Fouad Shukr, sur la route principale près de l’aéroport international de Beyrouth, le 3 août 2024. (Crédit : Ibrahim Amro/AFP)

Les menaces à l’encontre des fonctionnaires américains n’ont manifestement pas diminué. La semaine dernière, la Maison Blanche a déclaré qu’elle suivait depuis des années les tentatives iraniennes contre Trump et a averti qu’il y aurait de « graves conséquences » si Téhéran s’en prenait à un citoyen américain.

Acquisition et propagande de l’Iran aux États-Unis

Au-delà des tentatives d’assassinat, l’Iran opère secrètement aux États-Unis pour se procurer des technologies militaires et diffuser son idéologie.

Selon l’étude de l’Université George Washington, des réseaux liés à l’Iran sont depuis longtemps actifs dans la contrebande de biens sensibles, tels que des équipements, des technologies et des logiciels de pointe susceptibles d’avoir des applications militaires, en violation des sanctions américaines.

Carte des entités les plus actives dans la diffusion de la propagande pro-iranienne aux États-Unis – en gris, les centres affiliés à la Fondation Alavi, basée à New York, extraite d’une étude du Programme sur l’extrémisme de l’Université George Washington, publiée en octobre 2024. (Crédit : Autorisation)

En janvier 2024, un groupe de ressortissants chinois a été accusé d’avoir introduit clandestinement en Iran, par l’intermédiaire de sociétés écrans en Chine, des composants fabriqués aux États-Unis et susceptibles d’être utilisés pour des drones et des systèmes de missiles balistiques.

Le régime promeut également son idéologie sur le sol américain, en entretenant des liens personnels, financiers et politiques avec plusieurs mosquées et centres islamiques aux États-Unis, selon l’étude de l’Université George Washington.

« Aux États-Unis, il est extrêmement difficile de fermer un centre islamique qui fait de la propagande pour l’Iran, en raison de la liberté d’expression inscrite dans le Premier amendement et de la loi protégeant la liberté de religion », a souligné Vidino. « Le contraste est saisissant avec l’Europe. Par exemple, les autorités allemandes ont récemment fermé une mosquée à Hambourg qui avait des liens avec l’Iran. »

Parmi le réseau d’entités affiliées à l’Iran aux États-Unis, la Fondation Alavi, basée à New York, possède un gratte-ciel à Manhattan et gère un budget de plusieurs millions de dollars qui finance toute un groupe de mosquées et d’entités à travers les États-Unis.

Le ministère de la Justice avait tenté par le passé de faire fermer la fondation et, en 2017, un jury l’avait reconnue coupable d’avoir violé les sanctions contre l’Iran, mais cette décision avait été annulée en 2019. La bataille juridique est toujours en cours.

Dearborn, dans le Michigan, où vit une importante communauté musulmane, est un pôle particulièrement important de centres islamiques liés à l’Iran. D’autres sont situés au Texas, à New York et dans le Maryland.

« Ils constituent un réseau qui se mobilise dès qu’un événement se produit. Par exemple, après la mort du [leader du Hezbollah] Hassan Nasrallah, chaque centre du réseau a organisé des cérémonies de commémoration, ou a affiché un drapeau du Hezbollah dans ses déclarations, ou une image de Nasrallah, et ainsi de suite », a noté Vidino.

« Ils agissent tous comme un seul homme, tous leurs messages sont les mêmes. Au moins, le [groupe terroriste palestinien du] Hamas aux États-Unis est un peu plus intelligent, la manière de présenter chaque institution est un peu différente. En ce qui concerne les centres soutenus par l’Iran, ils ont littéralement copié les uns sur les autres », a-t-il ajouté.

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