Une Haggadah pour Pessah qui fait la place à tous les otages du 7 octobre
« J'ai besoin de m'accrocher à quelque chose pour garder l'espoir », confie la mère de l'otage Nimrod Cohen, illustratrice d'une Haggadah pour enfants
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Viki et Yehuda Cohen, dont le fils soldat Nimrod a été enlevé par des terroristes du Hamas lors du pogrom du 7 octobre 2023, ont récemment appris par d’ex-otages que Nimrod avait été détenu pendant des mois dans une petite cage pour animaux, soumis à des interrogatoires intenses et douloureux par ses ravisseurs palestiniens.
Un signe de vie on ne peut plus angoissant pour les Cohen, qui en dit long sur les souffrances endurées par leur jeune fils de 19 ans et ses chances de survie.
Pour rester saine d’esprit tout au long de ces mois angoissants, Viki s’est lancée dans l’illustration.
Et aujourd’hui, c’est pour une Haggadah destinée aux enfants, à l’occasion de Pessah, qu’elle met tout son talent, en faisant une place aux otages – ceux qui sont toujours en captivité, ceux qui ont été libérés et ceux qui ont été tués – ainsi qu’aux symboles et autres signes de vie.
La Haggadah est le récit traditionnel de Pessah que lisent les Juifs du monde entier lors du Seder.
« J’ai besoin de m’accrocher à quelque chose pour garder l’espoir », confie Cohen, qui travaillait encore sur le livre il y a peu. « Illustrer est une sorte de méditation pour moi. »

Dans cette Haggadah à couverture souple, Cohen a dessiné des personnes qui portent des vêtements avec des imprimés léopard, comme l’ex-otage Romi Gonen, un petit garçon roux déguisé en Batman, en hommage à Ariel Bibas, tué en captivité par le Hamas, ou encore les scorpions que cherchaient l’otage assassiné Ohad Yahalomi.
Elle y a ajouté des cactus, comme ceux du jardin de l’otage Oded Lifshitz, à Nir Oz, la désormais célèbre moustache en forme de guidon de vélo de l’otage assassiné Shlomo Mansour, jusqu’au V de la victoire de l’ex-otage Emily Damari dont deux doigts de sa main gauche ont été mutilés.
A la fin du livre, on trouve une légende qui explique la signification de chacun de ces dessins.
La Haggadah de Cohen, revêtue en quatrième de couverture d’une dédicace à son fils Nimrod, est en vente Place des Otages, à Tel Aviv.
Une autre Haggadah, celle de la liberté, publiée par le Forum des otages et des familles de disparus, comprend des textes et confidences d’ex-otages ou de proches d’otages toujours retenus à Gaza.
« C’est un texte émouvant et un peu fou », explique Lir Alter, une bénévole du Forum qui a contribué à cette Haggadah. Un mélange de la Haggadah racontée par les ex-otages Liri Albag et Agam Berger, séquestrées ensemble, de la lettre écrite par Hadar Goldin, soldat tué et enlevé à Gaza en 2014, à sa fiancée la veille de Pessah, de réflexions sur Moïse par le père endeuillé Ruby Chen et enfin du récit de la libération d’Avera Mengistu, en février dernier, après dix ans de captivité.

Chaque texte est replacé dans le contexte de la Haggadah et de l’histoire de l’Exode d’Égypte, souligne Alter.
C’est ainsi qu’Albag écrit qu’il y avait « une lueur d’espoir dans la nuit perpétuelle qui s’était abattue sur les otages », et qu’Ofri Peri, fille de l’otage assassiné Chaim Peri, écrit que la nuit du Seder ne sera plus jamais la même, en l’absence de son père.
Shir Siegel, fille des ex-otages Aviva et Keith Siegel, écrit qu’un peu avant Pessah 2024, le Hamas avait publié une vidéo de propagande de son père, et que cette année, il est chez lui.
« Rien n’a été laissé au hasard, chaque texte est à sa place », explique Alter.
L’illustratrice Vered Goldman a créé des dessins originaux pour la Haggadah, qui peuvent être achetés Place des Otages à Tel Aviv ou sous la tente du Forum des otages et des familles de disparus à Jérusalem, ou encore en ligne sur le site Internet du Forum.
La Haggadah hébraïque a également été imprimée en anglais, mais elle est en rupture de stock en Israël. Il existe des versions anglaises de la Haggadah disponibles en ligne aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Europe.

L’année dernière, le Forum avait sorti une Haggadah de l’espoir, avec des commentaires du grand rabbin David Lau, de l’éducatrice Miriam Peretz, du membre du kibboutz Beeri Haim Jelin, du rabbin du mur Occidental Shmuel Rabinovitch, de la chanteuse Rita et des parents des otages Hersh Goldberg-Polin, Rachel Goldberg et Jon Polin, dans la version anglaise.
« Nous voulions faire quelque chose de différent cette année », conclut Alter, « quelque chose qui préserve le texte traditionnel mais qui donne une place et une voix aux familles d’otages. »