Les partis haredi réclament la séparation entre les sexes dans l’espace public
Le Premier ministre sortant a comparé cette politique à celle de l'Iran, suscitant l'indignation sur la question de savoir si la séparation des sexes serait discriminatoire
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Les partis ultra-orthodoxes ont émis une nouvelle demande au Premier ministre désigné, Benjamin Netanyahu, alors que les négociations de coalition ont repris dimanche, cherchant à faire adopter une loi qui permettrait d’autoriser la séparation entre les sexes lors d’événements financés par des fonds publics.
Le fait d’avoir des sièges séparés pour les hommes et les femmes lors d’événements publics et dans les espaces publics constitue un fait de discrimination. Cela inclut le fait d’obliger les femmes à s’asseoir à l’arrière des bus qui traversent principalement des zones religieuses, d’avoir des classes séparées pour les hommes et les femmes dans les établissements d’enseignement financés par l’État et d’avoir des sièges séparés lors des concerts et des pièces de théâtre financés par le gouvernement. Certains haredim soutiennent toutefois que l’interdiction de la séparation des sexes, qu’ils considèrent comme un commandement religieux, est discriminatoire à leur égard, car elle signifie qu’ils ne peuvent pas pleinement participer aux événements publics.
Dans le cadre des pourparlers de coalition en cours, les partis ultra-orthodoxes, Yahadout HaTorah et HaTzionout HaDatit, ont conjointement demandé un contournement législatif des lois dites « anti-discrimination » pour permettre une telle séparation des sexes, a rapporté dimanche le quotidien Israel Hayom.
Cette proposition s’ajoute à plusieurs autres demandes litigieuses concernant la religion et l’État formulées au cours des négociations de coalition du prochain gouvernement présumé, notamment la restriction radicale des politiques d’immigration d’Israël, la révocation de la reconnaissance des conversions non-orthodoxes au judaïsme et l’annulation – du moins en partie – des réformes des autorités israéliennes chargées de la casherout.
Cette dernière demande a été dénoncée par les législateurs de la future opposition et les groupes de défense des droits religieux comme une coercition religieuse et une discrimination fondée sur le sexe.
Le Premier ministre sortant, Yair Lapid, a – de nouveau – comparé la proposition aux politiques théocratiques de l’Iran.
« Au moment où de courageuses femmes en Iran se battent pour leurs droits, en Israël, [le chef du parti HaTzionout HaDatit Bezalel] Smotrich et ses nationalistes ultra-orthodoxes tentent de placer les femmes derrière des barricades et de légaliser la séparation des hommes et des femmes. Où est le Likud ? Pourquoi sont-ils silencieux ? Nous ne sommes pas en Iran », a déclaré Lapid.
La cheffe du parti Avoda, Merav Michaeli, a également dénoncé cette initiative, la qualifiant d’antidémocratique.
« Nous avons prévenu qu’une coalition sans femmes nuirait aux femmes, et ils exigent déjà que non seulement eux, mais aussi la loi, pourront mettre les femmes à l’arrière-plan. Les femmes ne sont pas moins égales. Personne n’a le droit de décider pour quelqu’un d’autre où il s’assied, ce qu’il porte, ou s’il doit ou non interrompre une grossesse. Nous devons combattre pour notre démocratie », a-t-elle déclaré.
Uri Regev, directeur du groupe de défense des droits religieux Hiddush, a averti qu’un tel projet de loi serait le premier d’une longue série visant à imposer une loi religieuse aux Israéliens.
« Ce n’est qu’un exemple des changements qu’ils prévoient pour détruire l’identité de l’État d’Israël en tant qu’État juif et démocratique par ceux qui considèrent le gouvernement démocratique comme une abomination et qui vont néanmoins l’utiliser cyniquement pour étendre la coercition religieuse et porter atteinte aux valeurs de la liberté, comme une étape vers un État de loi juive », a déclaré Regev.
Cependant, tous les législateurs de l’opposition ne considèrent pas la proposition comme intrinsèquement antidémocratique. Matan Kahana, un législateur religieux du parti HaMahane HaMamlahti, a déclaré que l’acceptation d’une telle ségrégation sexuelle est nécessaire si le gouvernement souhaite réellement intégrer les Israéliens ultra-orthodoxes, ou haredim, dans la société.
« Il y a des populations pour lesquelles la ségrégation sexuelle est un mode de vie. Interdire à ces communautés d’organiser des événements publics, en séparant les sexes, est en soi une discrimination. Aucun citoyen israélien ne sera obligé de participer à ces événements ou d’étudier dans des institutions où la séparation est pratiquée. Quiconque valorise l’intégration des haredim dans la société israélienne ne peut imposer leur mode de vie aux autres », a déclaré Kahana.
Ce n’est pas la première fois que les partis ultra-orthodoxes demandent de tels contournements législatifs des interdictions de séparation des sexes. Après les élections d’avril 2019, lors de la coalition qui n’a finalement pas réussi à mettre un place un gouvernement, le Likud avait accepté une telle demande soumise par Yahadout HaTorah.