Les surprenants antécédents juifs du fish and chips
Remontant aux crypto-juifs du XVIe siècle fuyant l'Inquisition portugaise, le plat préféré des Anglais a même été décrit par Thomas Jefferson comme "un poisson à la juive"
The Nosher via JTA – Vous serez peut-être surpris d’apprendre que le fish and chips, bien que très populaire en Angleterre depuis ce qui semble être une éternité, était en fait une spécialité des Juifs séfarades portugais qui ont fui l’Inquisition au 16e siècle et trouvé refuge dans les îles britanniques. Le célèbre chef cuisinier Jamie Oliver en a parlé récemment dans un article du New York Times, ajoutant que « les plats évoluent, influencés par le commerce, la guerre, la famine et cent autres forces ».
Parmi ces « autres forces » figurent les plats nés de rituels religieux. Pour les Juifs pratiquants, le poisson est « parve » – un aliment neutre, c’est à dire ni carné ni lacté, dans la loi de la casheroute, qui interdit le mélange de viande et de produits laitiers. Il était donc facile d’éviter d’éventuelles infractions tout en permettant de servir les produits laitiers au même repas.
Le poisson était particulièrement important pour les marranes, les fameux crypto-juifs, qui prétendaient être chrétiens pendant l’Inquisition. Ils mangeaient du poisson le vendredi, quand la viande était interdite par l’Eglise, et en gardaient aussi pour manger froid le lendemain au déjeuner et éviter de cuisiner le Shabbat.
La friture était toute naturelle pour les cuisiniers juifs à la maison – pensez aux crêpes de pommes de terre et aux beignets frits si caractéristiques des fêtes de Hanoukka – et lorsque la communauté juive a commencé à prospérer en Angleterre, son bien-aimé poisson frit et pané a connu son heure de gloire dans tout le pays.
Selon « The Book of Jewish Food » de Claudia Roden, Thomas Jefferson en a goûté lors d’un voyage à Londres et a dit qu’il mangeait « du poisson à la juive » pendant sa visite. Alexis Soyer, un cuisinier français qui est devenu un chef célèbre dans l’Angleterre victorienne, a inclus une recette pour « Fried Fish, Jewish Fashion » dans la première édition de son livre de cuisine de 1845 « A Shilling Cookery for the People ». La recette de Soyer note que la « manière juive » consiste à utiliser de l’huile plutôt que de la graisse de viande (probablement du saindoux), ce qui rend le plat meilleur au goût, mais aussi plus cher.
Il y a un différend au sujet des tenants et des aboutissants des frites. Beaucoup d’historiens affirment que la pomme de terre coupée et frite a été inventée en Belgique et, remplaçaient le poisson pendant les périodes difficiles. La première fois que le mot « chips » a été utilisé, c’était en 1859, dans « A Tale of Two Cities » de Charles Dickens : « copeaux de pommes de terre, frits dans quelques gouttes d’huile. »
Le mariage officiel du poisson et des frites n’a eu lieu que quelques années plus tard. Bien que certains le contestent, la plupart des autorités disent que c’est grâce à un cuisinier juif, cette fois un jeune immigrant ashkénaze nommé Joseph Malin, qui a ouvert la première friterie britannique à Londres en 1863. Le magasin a connu un tel succès qu’il est resté en activité jusqu’aux années 1970.
Qui aurait pu prévoir que des immigrants juifs craintifs cachant leur vraie religion et pratiquant en secret seraient à l’origine de la création de l’un des plats les plus emblématiques du Royaume-Uni ? Le plat qui, selon Winston Churchill, a aidé les Britanniques à vaincre les nazis, la nourriture de réconfort qui, selon George Orwell, aidait à garder les masses heureuses et à « éviter la révolution ». Le plat, soit dit en passant, était parmi les seuls aliments qui n’ont jamais été rationnés en temps de guerre parce que le gouvernement britannique pensait que préserver l’accès à ce plat était un moyen de maintenir le moral. Et c’est précisément ce plat qui continue à être un pilier de l’alimentation britannique.
Pensez-y la prochaine fois que vous vous régalerez de cette recette – Juive ? Britannique ? – centenaire.
De nos jours, certains restaurants donnent une nouvelle tournure au fish and chips. En croûte d’amande. Cuit au four au lieu d’être frit. Enrobé de quinoa. Frites de patates douces au lieu de frites de pommes de terre. Et tout cela est très bien ; comme Oliver le dit, « les plats évoluent ». Mais l’original fish and chips n’est pas en voie de disparition, comme c’est souvent le cas des bonnes recettes.