Les tatzpitaniot sont rentrées : la libération d’Agam Berger clôt un chapitre macabre du 7 octobre
Entourée de ses camarades enfin libres, leur retour apporte une forme d’apaisement aux familles en deuil ; "C’est fini. Tu peux reposer en paix" écrit la sœur de la commandante tuée

Les mains serrées, quatre jeunes femmes retenaient leur souffle dans la salle d’attente de l’hôpital. Libérées de captivité il y a quelques jours à peine et contraintes de laisser l’une des leurs derrière elles, seule dans l’enfer de Gaza, leur soulagement n’était que partiel.
Et puis, soudain, elle est apparue au coin du couloir. Les jeunes femmes se sont précipitées les unes vers les autres et se sont effondrées dans une étreinte mêlant sanglots et joie. C’était fini.
Le retour de l’otage Agam Berger jeudi et ses retrouvailles avec sa famille, ses amis et ses camarades de captivité ont refermé un chapitre épouvantable de la tragédie des otages de Gaza. Elle était la dernière des tatzpitaniot (soldates d’observation) encore en captivité après avoir été prise en otage lors du pogrom du 7 octobre 2023, perpétré par le groupe terroriste palestinien Hamas dans le sud d’Israël.
L’histoire de Berger et des quatre autres soldates d’observation libérées samedi – Karina Ariev, Daniella Gilboa, Naama Levy et Liri Albag – est devenue l’un des symboles de la lutte pour la libération des otages. Leur vulnérabilité exacerbée en tant que jeunes femmes en captivité, l’indifférence face aux avertissements qu’elles avaient lancés avant l’attaque et l’horreur de leur capture ont amplifié l’émotion suscitée par leur sort, une émotion ravivée par les vidéos poignantes de cette journée, témoins insoutenables de leur calvaire.
Ces femmes faisaient partie de la vingtaine de tatzpitaniot chargées de la surveillance des frontières, qui ont été prises pour cible lors de l’attaque du Hamas contre la base de Nahal Oz, le matin du 7 octobre, lorsque des centaines de terroristes armés ont pris d’assaut l’avant-poste frontalier, dans l’une des batailles les plus marquantes de cette journée. Des dizaines de soldats ont été tués au cours des violents combats qui ont suivi la prise d’assaut de la base.
Les soldates d’observation, dont le travail consistait à surveiller les caméras scrutant chaque centimètre carré de la frontière, n’étaient ni armées ni entraînées au combat. Certaines se sont cachées dans un abri, d’autres dans le centre de commandement de la base, mais aucun des locaux n’a été épargné : les terroristes y ont lancé des grenades et y ont mis le feu. Quinze jeunes soldates ont été assassinées ce jour-là, parmi elles leur commandante de 20 ans, la Cpt. Shir Eilat, que toutes aimaient et respectaient.
Sept soldates ont été prises en otage ce jour-là. L’une d’entre elles, Ori Megidish, a été libérée par les unités spéciales à Gaza quelques semaines après l’attaque, tandis qu’une autre, Noa Marciano, a été assassinée en captivité. Les vidéos de la capture des cinq autres ont horrifié la nation.
Au-delà du choc provoqué par leur enlèvement, les refus de prêter attention aux avertissements répétés des tatzpitaniot, qui avaient signalé à leurs commandants des mouvements suspects près de la frontière avant l’attaque est apparu comme un échec majeur, qui a permis l’invasion et les massacres du 7 octobre 2023.
Les retrouvailles des cinq jeunes femmes ont eu lieu jeudi à l’hôpital Rabin de Petah Tikva, où elles reçoivent toutes les cinq des soins après leur retour de près d’un an et demi de captivité dans les geôles du Hamas.
Détenues ensemble pendant la majeure partie de leur période de captivité, elles ont noué entre elles des liens indéfectibles, comme en témoigne la décision des quatre otages libérées samedi, qui bien qu’autorisées à rentrer chez elles, ont choisi de rester à l’hôpital pour veiller sur leur amie.
L’otage Agam Berger, récemment libéré, rencontre ses camarades libérés de la captivité du Hamas la semaine dernière : Karina Ariev, Daniella Gilboa, Naama Levy et Liri Albag (Crédit : Tsahal)
Le retour d’Agam Berger jeudi, ainsi que celui de l’ex-otage civil Arbel Yehoud, signifie également qu’il ne reste plus qu’une seule femme otage à Gaza après plus de 15 mois de captivité : Shiri Bibas, dont le sort, ainsi que celui de ses deux tout-petits garçons, reste inconnu. Israël se dit « très préoccupé » par leur sort.
D’après plusieurs médias israéliens, les quatre soldates libérées ont confié à leurs proches combien il avait été déchirant de devoir laisser Agam Berger derrière elles samedi. Selon la chaîne N12, Liri Albag avait refusé de partir sans elle et n’avait cédé qu’après avoir été trompée par leurs ravisseurs, qui lui avaient assuré qu’elles allaient simplement tourner une vidéo avant de la retrouver.
Le Dr Lena Koren Feldman, directrice de l’hôpital Rabin, a raconté que lorsque les quatre ex-otages ont assisté à la libération de Berger, « il y a eu des cris de joie et une grande excitation. »
« Son retour marque une étape essentielle dans leur guérison collective », a expliqué Feldman.
À l’hôpital, les quatre ex-otages avaient préparé des panneaux de bienvenue pour Berger, sur lesquels on pouvait lire « Héroïne », « Reine », « Nous t’attendions » et « Agami, quel bonheur que tu sois rentrée », et les avaient accrochés à la porte de la chambre qui lui avait été préparée.

Jeudi, des vidéos ont montré la réunion d’Agam Berger avec sa famille – d’abord avec ses parents dans des installations de Tsahal près de la frontière, puis avec ses frères et sœurs à l’hôpital de Petah Tikva.
Dans la vidéo du centre de Réïm, près de Gaza, on voit la mère de Berger, Merav, étreindre Agam, qui sanglote, et lui promettre que « tout ira bien, tout ira bien. »
« Nous sommes là et nous ne te quitterons plus jamais », lui dit Merav. « C’est la promesse d’une mère. »
L’otage libérée Agam Berger est réunie avec ses parents dans une installation de Tsahal à côté de la frontière de Gaza, le 30 janvier 2025. (Crédit : Tsahal)
Un chapitre qui se referme pour les familles endeuillées
Après la libération d’Agam Berger, Nir Eilat, la sœur endeuillée de la commandante des femmes tombée au combat, la capitaine Shir Eilat, a publié un message sur Instagram où elle écrit, « c’est fini mon ange. Tu peux reposer en paix. Tes soldates sont revenues ».
La mère de Shir, Ayelet Eilat, a quant à elle décrit ce moment comme « une lumière au milieu des ténèbres », ajoutant que « le retour des otages apporte une forme de clôture à notre cauchemar personnel et national. »

« Nous attendons ce moment depuis octobre 2023, depuis l’instant où nous avons compris l’ampleur du massacre à Nahal Oz. Nos cœurs sont avec les otages, les soldates de Shir, celles qui ont survécu à l’enfer. C’est un rayon de lumière au milieu des ténèbres », a déclaré Eilat.
Reconnaissant que « la douleur insoutenable de perdre Shir ne disparaîtra jamais », elle a décrit son deuil comme « un cauchemar permanent ». Elle a également confié aux médias que son mari, le père de Shir, avait toujours refusé de prononcer les mots « qu’elle repose en paix », s’engageant à ne le faire que lorsque « ses soldates seraient rentrées à la maison ».
« Le moment est venu de le dire. Que tous les otages soient ramenés chez eux. C’est notre devoir envers eux », a-t-elle déclaré.
Eyal Eshel, dont la fille Roni Eshel servait aux côtés d’Agam Berger à Nahal Oz et a été tuée le 7 octobre, a écrit sur X : « Agam adorée, la dernière tatzpitanit de Nahal Oz, rentre enfin chez elle. Le cauchemar… est terminé ».
Le père endeuillé, qui n’a pas mâché ses mots sur les échecs qui ont conduit à l’invasion terroriste du 7 octobre – il a rappelé qu’à plusieurs reprises sa fille avait signalé des activités suspectes du Hamas à Gaza avant l’attaque – a dit que « le temps est venu d’obtenir des réponses. Pas seulement pour nos filles, qui nous sont si précieuses, mais pour tout le peuple d’Israël. »

Eyal Eshel a ainsi réitéré son appel à la création d’une commission d’enquête sur cette catastrophe – une initiative à laquelle le gouvernement s’est opposé jusqu’à présent.
Sapir Nissani, dont la sœur Shahaf Nassani, une autre soldate d’observation, a été tuée à Nahal Oz quelques jours avant qu’elle ne termine son service militaire, a également parlé d’une « forme de clôture » jeudi.

« C’est un jour de joie. Nous l’attendions depuis si, si, si longtemps. Nous avons prié pour que tout le monde revienne, que ce soit une sorte de fermeture pour nous, que toutes les tatzpitaniot nous revienne, rentre chez elles, dans leurs familles, et nous sommes vraiment si heureux », a-t-elle déclaré à la N12.
« Mais – et il y a un mais – sept soldates d’observation ont été kidnappées de l’abri anti-bombes de Nahal Oz, et l’une d’entre eux était Noa Marcano, que sa mémoire soit bénie, et qui a été assassinée en captivité par le Hamas « , a ajouté Nissani.
« Savoir que si cet accord avait été conclu plus tôt, elle aussi aurait pu rentrer, c’est déchirant », a-t-elle dit en ajoutant que « cet accord est venu trop tard. Elle ne nous reviendra plus ».
