Les universités américaines peuvent-elles assurer la sécurité des étudiants juifs ?
Face à la montée de l'antisémitisme sur les campus, la Torah Academy et la Maayanot Yeshiva du New Jersey s’inquiètent du bien-être physique et émotionnel de leurs étudiants
JTA – Tout collège ou université qui souhaite accueillir des étudiants de deux écoles de la mouvance Modern Orthodox du New Jersey devra désormais prouver qu’il est en mesure d’assurer la sécurité des étudiants juifs, selon les annonces des écoles.
La semaine dernière, la Torah Academy of Bergen County (TABC), une école de garçons située à Teaneck, et la Maayanot Yeshiva High School pour filles, située à quelques rues de là, ont toutes deux informé les familles qu’elles mettaient en place de nouvelles exigences pour les universités qui cherchent à recruter les étudiants sur leurs campus, un élément régulier du processus de recherche d’une université.
Une troisième école du quartier a déclaré lundi aux familles qu’elle « réévaluait ses relations avec les responsables des admissions », mais qu’elle n’avait pas encore décidé de modifier sa politique.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Ces annonces montrent concrètement que les actes antisémites survenus sur les campus américains à la suite de l’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas contre Israël, le 7 octobre, qui a fait plus de 1 400 morts, et la réponse militaire d’Israël, pourraient influer sur la décision de certains étudiants juifs de s’inscrire dans un établissement d’enseignement supérieur.
Ces incidents surviennent précisément au moment où les élèves de Terminale doivent remplir leur dossier d’inscription à l’université, et ils s’ajoutent à un sentiment de malaise préexistant chez certains Juifs américains concernant le statut des étudiants juifs sur les campus universitaires.
« Nous sommes convaincus que nous ne pouvons pas continuer à inviter des représentants d’universités à parler à nos élèves comme ils l’ont fait par le passé », ont écrit le rabbin Shlomo Stochel, directeur de la TABC, et le rabbin Steven Finkelstein, directeur associé, dans un courriel décrivant les nouvelles exigences en matière d’inscription sur les campus. « Le bien-être physique et émotionnel de votre fils est trop important pour nous. »
À l’avenir, ont écrit les administrateurs de la TABC et de Maayanot, les recruteurs et les représentants des universités doivent désormais apporter « une déclaration de la direction de leur université détaillant leurs plans pour protéger et maintenir la sécurité de nos diplômés sur leurs campus en tant que ‘Juifs' ».
Cette annonce fait suite à de nombreux actes antisémites sur les campus universitaires du pays, notamment une éruption de violence lors d’un rassemblement pro-palestinien à l’Université de Tulane, une situation où des étudiants juifs se sont barricadés dans une bibliothèque de Cooper Union lors d’une manifestation pro-palestinienne et, plus récemment, des menaces de mort proférées contre des étudiants juifs à Cornell dimanche soir, visant spécifiquement le réfectoire casher.
Les collèges et les universités ont également été critiqués pour leurs déclarations publiques sur la violence en Israël, d’éminents donateurs juifs s’étant engagés dans certains cas à exclure des institutions qui, selon eux, ne condamnaient pas suffisamment le Hamas ou laissaient se développer un sentiment antisémite.
Ce climat a tellement alarmé l’administration Biden que le Département de l’Éducation des États-Unis s’est donné deux semaines pour élaborer et présenter un plan de lutte contre la montée en flèche de l’antisémitisme sur les campus en temps de guerre.
L’objectif du changement de politique des lycées est d’accroître la pression sur les universités pour qu’elles agissent, indique la lettre de la TABC.
« Nous espérons que notre position collective, qui donne la priorité à la sécurité de nos étudiants, obligera les universités à prendre en compte la gravité de la situation actuelle. Ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas accéder à notre demande valable et juste ne seront pas les bienvenus ici. »
Ce moment coïncide avec la date à laquelle les élèves de Terminale doivent décider de l’endroit où ils vont s’inscrire à l’université. De nombreux établissements d’enseignement supérieur ont fixé au 1er novembre la date butoir pour les décisions anticipées, ce qui signifie que les étudiants qui s’inscrivent avant cette date et qui sont acceptés sont obligés d’y étudier.
Selon le rabbin Josh Kahn, directeur de la yeshiva de la TABC, les écoles du New Jersey ont choisi d’envoyer les courriels avant cette date butoir. Presque tous les diplômés de l’école partent en Israël pour un an, puis à l’Université Yeshiva, l’établissement phare de la mouvance Modern Orthodox à Manhattan, bien que d’autres s’inscrivent dans d’autres universités à forte proportion juive, notamment l’Université de New York et l’Université du Maryland.
Kahn a déclaré que son établissement n’essayait pas de fermer ses portes aux recruteurs d’universités.
« Notre objectif est en réalité que nos élèves puissent aller à l’université. L’objectif de l’ensemble de la communauté juive est que nos étudiants puissent se rendre sur le campus universitaire et s’y sentir en sécurité. C’est tout ce que nous voulons », a-t-il déclaré. « Nous ne voulons pas empêcher les universités de recruter sur notre campus. Nous souhaitons donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les universités à garantir la sécurité de nos étudiants. »
Maayanot a déclaré qu’en plus de demander aux représentants des universités de fournir des garanties sur la sécurité des étudiants, elle travaillerait également avec ses propres étudiants pour qu’ils prennent en compte l’ambiance du campus concernant Israël dans leurs projets après l’obtention de leur diplôme.
« Nous nous efforçons d’informer nos étudiants sur le climat qui règne en Israël sur les différents campus », indique la lettre de l’école, signée par quatre administrateurs, dont le directeur de l’école, CB Neugroschl. « Tout comme une communauté juive pratiquante prospère est un facteur vital, il est essentiel de s’assurer que l’université est un lieu sûr pour les étudiants juifs et pro-Israël. Nous espérons que nos efforts collectifs aideront les étudiants à faire des choix sages et éclairés pour leur avenir. »
Paul Bernstein, le PDG de Prizmah, le réseau nord-américain des écoles juives, a déclaré que les demandes de l’école étaient appropriées.
« La sécurité des étudiants juifs est primordiale et les universités devraient être en mesure de démontrer comment elles permettent aux étudiants de vivre une vie juive pleine et active sur leur campus, sans peur ni menace », a déclaré Bernstein. « Les anciens élèves des écoles juives sont de fiers dirigeants de Hillel et d’autres programmes sur les campus, qui soutiennent une vie juive positive et Israël. Nous attendons des administrations des collèges qu’elles veillent à ce qu’il en soit ainsi, non seulement en temps de guerre, mais aussi dans les années à venir pour les futurs étudiants. »
D’autres lycées orthodoxes faisant partie d’un réseau plus large discutent encore de la manière d’aborder le processus d’admission à l’université, selon Kahn, qui a déclaré qu’une réunion était prévue sur le sujet.
L’Académie hébraïque Joseph Kushner et le lycée Yeshiva Rae Kushner, des écoles de la mouvance Modern Orthodox situées dans le comté d’Essex, ont annoncé lundi aux familles qu’elles repensaient leurs pratiques d’admission à l’approche de la date butoir de dépôt des candidatures.
Le directeur de l’école, Eliezer Rubin, a déclaré dans une lettre adressée aux familles qu’il pensait que « les universités ont permis à une idéologie toxique de se développer et que cette idéologie se manifeste par un antisémitisme rageur, agressif et manifeste ». Il a cité quatre établissements – Cornell, Cooper Union, Tulane et Columbia – où de récents incidents ont fait craindre pour la sécurité des étudiants.
« Ils croient qu’ils peuvent considérer nos familles comme acquises. Nous devons les dissuader de penser qu’ils ont droit d’accueillir nos enfants du simple fait qu’il s’agit d’institutions prestigieuses », a écrit Rubin.
« Le privilège de ces universités est d’éduquer nos étudiants, et non l’inverse. Ce n’est que cela : un privilège. Pas un droit. »
« En clair, si une université n’est pas en mesure d’assurer la sécurité de nos étudiants, nous ne pouvons pas, en toute conscience, les y envoyer », a conclu Rubin.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel