Les universités et les groupes juifs espèrent changer l’ambiance sur les campus US
Nouvelles initiatives, des règles plus strictes pour les manifestations et une surveillance permanente, les institutions cherchent à freiner les anti-Israël, qui jurent de ne pas faiblir
JTA – L’université Rutgers a tenté quelque chose de différent pour son orientation des nouveaux étudiants cette année : elle a organisé sa propre manifestation.
Les nouveaux étudiants de l’université publique du New Jersey ont assisté à un numéro dans lequel deux groupes d’étudiants opposés s’affrontaient au sujet d’un conflit inventé de toutes pièces. Selon le journal étudiant The Daily Targum, les étudiants devaient choisir entre deux actions : « l’escalade avec des chants » ou « la mise en place d’une table de négociation ».
Le différend hypothétique portait sur le financement des groupes d’étudiants, mais cette initiative est survenue après une année scolaire ponctuée de protestations au sujet de la guerre qu’Israël mène contre groupe terroriste palestinien du Hamas, déclenchée par le pogrom du 7 octobre. Un porte-parole de Rutgers a déclaré à la Jewish Telegraphic Agency que ce spectacle faisait partie de « divers exercices et discussions qui introduisent les nouveaux étudiants à des situations peu familières qu’ils peuvent rencontrer sur le campus, telles que des protestations et des manifestations ».
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Mais si l’objectif était de montrer aux étudiants qu’ils pouvaient faire entendre leur voix sans perturber les autres, une leçon très différente a rapidement été dispensée, lorsque la manifestation simulée a été interrompue par une manifestation réelle.
Un groupe de militants anti-Israël non affiliés à l’université a pris d’assaut la scène et mis fin à l’exercice pour plaider en faveur d’un désinvestissement de l’établissement vis-à-vis d’Israël. Une vidéo du compte Instagram du groupe les montre interrompant le petit spectacle, qui se déroulait dans un espace commun, et déployant une banderole sur laquelle on peut lire « Rutgers Can’t Stop Student Power » (Rutgers ne peut pas arrêter le pouvoir des étudiants) devant quelques dizaines de spectateurs.
« Comme s’il pouvait y avoir un ‘compromis’ sur quelque chose comme un génocide en cours », a écrit le groupe de protestataires, Build Up Resistance Now, sur Instagram.
Les manifestants sont sortis au bout de quelques minutes lorsqu’on leur a demandé de partir, a indiqué un porte-parole de Rutgers à la JTA. Dans un courriel d’excuses adressé aux étudiants, Rutgers a déclaré : « Nous sommes désolés que votre orientation ait été perturbée par une rhétorique antisémite, qui est odieuse et n’a pas sa place sur notre campus » – les responsables de l’établissement n’ont pas précisé dans le courriel du campus ou dans les communications avec la JTA quel langage ils considéraient comme antisémite.
Les manifestants ont tout de même crié victoire, affirmant que Rutgers avait cessé l’exercice après qu’ils l’ont ciblé.
C’est exactement le genre de situation que les administrateurs du campus espéraient éviter. L’incident a illustré la manière dont les universités, prises au dépourvu par une vague de protestations l’année dernière qui a fréquemment créé un climat hostile pour les étudiants juifs, tentent de devancer le problème cet automne. Parallèlement, divers groupes juifs, y compris ceux qui s’intéressent aux étudiants, ont annoncé leurs propres initiatives après avoir exprimé leurs frustrations face à ce qu’ils considèrent comme une action inadéquate de la part des établissements d’enseignement supérieur.
Face aux poursuites judiciaires, aux auditions du Congrès, à la pression des donateurs, aux plaintes déposées en vertu du Titre VI et à la démission parfois très médiatisée de présidentes de campus, de nombreux établissements cherchent encore à savoir en quoi consistera exactement la protection des étudiants juifs cette année. Les universités ont publié de nouveaux règlements concernant l’heure, le lieu et la manière dont les étudiants pourront manifester.
Certaines, comme les universités de l’Indiana et de Denver, ont interdit toutes les tentes, les rassemblements nocturnes et l’écriture sur les murs du campus. L’université George Washington a suspendu à titre préventif des groupes d’étudiants, dont le groupe anti-sioniste Jewish Voice for Peace (JVP), avant la reprise des cours. D’autres, comme l’École d’arts libéraux Ohio Wesleyan University, tentent l’approche qui a fait la renommée du Dartmouth College l’année dernière en lançant de nouvelles initiatives de dialogue civique.
Pourtant, le mouvement de protestation sur les campus, tout comme la guerre menée contre le Hamas, laisse encore planer une grande incertitude. Cet été, les séances d’orientation des nouveaux étudiants dans d’autres établissements, notamment à l’université du Nouveau-Mexique et à l’université du Michigan, ont également été perturbées par des militants anti-Israël. Young Democratic Socialists of America (YDSA), qui a des sections sur plus de 100 campus, a appelé à une « grève nationale des étudiants pour la Palestine ».
Cette semaine, l’American Association of University Professors, l’un des principaux syndicats nationaux d’enseignants, a modifié sa politique de longue date décourageant les boycotts en affirmant qu’ils peuvent désormais constituer des « réponses tactiques légitimes », ouvrant ainsi la voie aux enseignants pour qu’ils plaident en faveur du boycott des universités israéliennes, un cri de ralliement de longue date du mouvement anti-Israël Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Les enseignants anti-Israël ont encouragé et même participé à la plupart des manifestations étudiantes les plus perturbatrices de l’année dernière.
Tout cela inquiète les dirigeants juifs, qui préviennent qu’ils continueront à agir si les universités ne se ressaisissent pas.
« Les étudiants juifs méritent mieux », a écrit Jonathan Greenblatt, PDG de l’Anti-Defamation League (ADL), dans une lettre adressée au Wall Street Journal mercredi. « Nous serons attentifs au début de l’année universitaire. Si d’autres dirigeants d’université ne se montrent pas à la hauteur de leurs responsabilités, ils devront eux aussi en subir les conséquences. »
D’autres groupes juifs prennent des mesures plus agressives, sans attendre que les établissements améliorent leur politique. Le Secure Community Network (SCN), affirmant avoir entendu des étudiants juifs qui « craignent pour leur vie », a récemment annoncé une nouvelle formation à l’autodéfense pour les étudiants.
Hillel International et le SCN, qui organise la sécurité des espaces juifs, s’associent dans le cadre de l’opération « SecureOurCampuses », leur propre initiative de formation à l’intention des étudiants et du personnel juifs. La nouvelle initiative comprend ce que les groupes décrivent comme des « analystes de renseignements à temps plein pour surveiller les incidents sécuritaires sur les campus et fournir un soutien en temps réel ».
Certains centres Hillel prennent également leurs propres mesures. Celui de l’université de Pennsylvanie (UPenn) a réintégré un éducateur israélien à temps plein dans son personnel.
Les actions en justice ont contraint au moins quelques établissements à réprimer les manifestations. Le réseau des universités de Californie a annoncé cette semaine qu’il allait « renforcer » les interdictions de camper et de porter des masques, quelques jours après qu’un juge fédéral a ordonné à UCLA de mieux empêcher les manifestants de bloquer l’accès des étudiants juifs au campus. Un étudiant juif avait poursuivi l’établissement pour la gestion des campements sur le campus le semestre dernier, qui avait conduit à des affrontements violents entre les pro-Israël et les anti-Israël.
Pourtant, les leaders juifs du réseau des universités de Californie ont déclaré à J. the Jewish News of Northern California qu’ils s’attendaient à ce que les protestations reprennent cet automne, en partie parce qu’ils ne croient pas que les établissements en aient fait assez pour les arrêter l’année dernière.
Les établissements d’élite les plus surveillés du pays, où les manifestants anti-Israël ont suscité d’importantes réactions politiques, tentent également de tracer une nouvelle voie. Harvard, qui fait également l’objet d’un procès lié à ses manifestations sur le campus, avait prévu au début de l’été d’interdire les écritures à la craie et les affiches non approuvées lors des manifestations d’étudiants, selon des documents obtenus par le journal étudiant The Harvard Crimson. Un jeune diplômé juif qui a poursuivi l’établissement en justice avait dénoncé l’antisémitisme qui sévit sur son campus lors de la Convention nationale républicaine (DNC) le mois dernier.
Columbia, quant à elle, a été critiquée pour avoir permis à de nombreux étudiants arrêtés ou sanctionnés pour leurs manifestations de retourner sur le campus cet automne, alors même que l’établissement – dont la présidente, Minouche Shafik, vient de démissionner – espère également renforcer sa réponse aux manifestations grâce à un nouveau système d’accès par des codes couleur destiné à empêcher les agitateurs extérieurs d’entrer sur le campus.
D’autres établissements pourraient voir les protestations renouvelées par les promesses qu’elles ont faites à des campements d’étudiants au printemps. L’université Brown, en échange du démantèlement pacifique des campements, a accepté d’autoriser les étudiants protestataires à plaider en faveur du désinvestissement d’Israël lors de la réunion de son conseil d’administration cet automne.
Certains signes indiquent que certains établissements regrettent de tels accords et que les étudiants n’ont aucun intérêt à les respecter. Au début de l’été, le chancelier de l’université du Wisconsin-Milwaukee s’est excusé auprès de la communauté juive locale après avoir conclu un accord qui incluait un appel officiel de l’université en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. Certains des groupes organisateurs du campement ont récemment été suspendus après avoir publié des messages sur les réseaux sociaux qui, selon l’université, « comportaient des propos intimidants à l’égard des membres de la communauté juive et des organisations qui soutiennent Israël ».
Même dans les établissements qui ont conclu des accords, de nouveaux efforts pour conjurer l’antisémitisme et contenir les protestations apparaissent. Le président juif de l’université Northwestern, Michael Schill, a annoncé cette semaine de nouvelles initiatives pour lutter contre l’antisémitisme et d’autres formes de haine, notamment en rendant obligatoire une formation sur l’antisémitisme pour tous les nouveaux étudiants et en mettant en œuvre une nouvelle « politique d’affichage » pour les manifestations, qu’il détaillera ultérieurement.
Les mesures prises par Schill font suite aux vives critiques dont il a fait l’objet cet été en raison de sa décision de conclure un accord avec les organisateurs du campement. La commission de lutte contre l’antisémitisme de son établissement s’est effondrée et des groupes, dont l’ADL, ont demandé sa démission.
Les universités chercheront à éviter ce genre d’attention de la part des groupes juifs cet automne, tout en espérant démontrer qu’elles respectent la liberté académique et le droit de manifester. Certaines, dont Rutgers – qui a également conclu un accord et dont le chancelier a également été cité à comparaître par le Congrès -, espèrent parvenir à ce compromis grâce à de nouvelles déclarations de principes.
« Bien que le droit à la liberté d’expression soit protégé, il a des limites et n’inclut pas le droit d’adopter un comportement qui perturbe les activités de l’université, met en danger la sécurité d’autrui ou crée un environnement discriminatoire ou de harcèlement », peut-on lire sur le nouveau site web de Rutgers consacré à la « liberté d’expression ».
Malgré tous les efforts déployés pour endiguer les protestations et assurer la sécurité des étudiants juifs, certains d’entre eux ne laissent rien passer. Ethan Oliner a été transféré de l’université Cornell à la Yeshiva University, dans le cadre de ce que l’établissement de la mouvance Modern Orthodox a déclaré être son plus grand nombre d’étudiants mutés à ce jour.
« Après le 7 octobre, chaque fois que j’entrais en classe, j’avais l’impression que quelqu’un me regardait d’un mauvais œil », a confié Oliner à InsideHigherEd.
Alors que les étudiants juifs traversent cette période de tension sur les campus, certains se disent plus déterminés que jamais à trouver une nouvelle voie. Dans la revue juive Sources, Stephen Bartell, étudiant en dernière année à Princeton, raconte qu’il est tombé par hasard sur une camarade de classe anti-Israël dans un café.
« Nous ne nous étions pas parlé depuis un certain temps – principalement, pensais-je, parce que nous ne vivons plus l’un près de l’autre », a expliqué Bartell.
« Nous avons échangé un regard et, instinctivement, je lui ai souri et l’ai saluée. Elle a semblé prise au dépourvu et confuse. Elle m’a répondu par un signe de la main, s’est approchée de moi et nous avons bavardé brièvement. Alors qu’elle se retournait pour faire la queue pour un café, elle m’a dit : ‘Je suis si contente que nous puissions parler à nouveau. Je ne savais pas si tu accepterais que je te dise encore bonjour’. Moi aussi j’étais content. »
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