Libérée de Gaza, une mère kidnappée avec ses filles dort encore « d’un seul œil »
Les récits d'ex-otages décrivent les blessures, la privation de nourriture, les humiliations, puis enfin la joie et le soulagement du retour à la maison
De nouveaux témoignages d’anciens otages israéliens à Gaza font surface dans les médias israéliens, parfois relatés par des proches. Ils reviennent ainsi sur leur captivité dans la bande de Gaza, entre les mains du groupe terroriste palestinien du Hamas.
Ces récits expriment l’expérience difficile à laquelle les anciens otages ont été confrontés, ainsi que leur soulagement d’avoir retrouvé la liberté. Ils appellent aussi à davantage d’action pour tous ceux encore détenus à Gaza.
L’épouse et les filles de Yoni Asher ont été libérées des geôles du Hamas le 25 novembre, après 49 jours de captivité, lors d’une pause dans les hostilités entre Israël et le Hamas qui a permis un accord sur les otages.
La mère, Doron, et ses deux filles, Raz, 5 ans, et Aviv, 2 ans, ont été enlevées le 7 octobre alors qu’elles se trouvaient dans le mamad – la pièce sécurisée – de la maison de la mère de Doron, dans le kibboutz Nir Oz, près de Gaza. La mère de Doron, Efrat Katz, a été tuée lors de l’assaut.
Au fil des jours de captivité, le père, Yoni, qui était resté chez eux dans le centre d’Israël le jour des attaques, est devenu un militant de premier plan au sein du Forum des familles des otages et disparus, qui a vu le jour en octobre.
« Elles ont été blessées lors de leur enlèvement », a déclaré Yoni Asher à la Douzième chaîne dans un reportage diffusé mercredi. « Elles n’avaient pas assez de nourriture, il n’y avait pas d’endroit régulier pour déféquer. »
Il a ajouté que les trois otages avaient vécu leur captivité dans la peur constante d’être séparées, et que leurs ravisseurs les déplaçaient régulièrement d’un endroit à l’autre, de peur que leur vie ne soit en danger si des voisins venaient à découvrir la présence des otages israéliennes.
Puis, plus le temps a passé, les rations de nourriture ont été de plus en plus maigres, a expliqué Asher. Il a raconté que, lorsque ses filles sont enfin rentrées à la maison, elles ont été stupéfaites de voir la quantité de nourriture qu’il y avait dans leur cuisine et leur garde-manger.
Son épouse dort encore « d’un seul œil » de peur d’être séparée de ses filles. Elle lui a raconté qu’elle avait caché ses larmes aux deux filles pendant leur captivité.
« Nous en apprenons davantage au fur et à mesure. Je pense qu’elles retrouveront une vie normale dans les prochains jours », a ajouté le père de famille.
Les Asher faisaient partie des plus de 240 otages enlevés par des terroristes du Hamas lors de l’assaut sans précédent du 7 octobre en territoire israélien, désormais connu sous le nom de « Shabbat noir » en hébreu. Plus de 1 200 personnes ont été tuées, pour la plupart des civils, souvent de manière brutale et horrible. Des personnes de tous âges, dont certaines âgées et des enfants, parfois très jeunes, ont été pris en otage ce jour-là.
Au cours d’une pause d’une semaine fin novembre, 81 otages israéliens – tous des femmes et des enfants, à l’exception d’un homme russo-israélien libéré en signe de reconnaissance envers le président russe Vladimir Poutine – ont été libérés en échange de 240 prisonniers palestiniens, des femmes et des mineurs, incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël.
Vingt-quatre otages étrangers – 23 Thaïlandais et un Philippin – ont également été libérés au même moment dans le cadre d’un accord distinct.
Itay Regev, 18 ans, et sa sœur Maya, 21 ans, ont tous deux été libérés fin novembre dans le cadre de l’échange.
Maya Regev a reçu une balle dans la cheville lors de l’assaut initial du 7 octobre, et un enregistrement d’elle appelant son père quelques instants avant d’être enlevée est devenu viral dans la semaine qui a suivi l’attaque. Les deux frère et sœur venaient de rentrer de vacances au Mexique et se trouvaient au festival Supernova le matin du 7 octobre, où ils ont été pris en otage.
Plus tard, après leur libération, survenu à quelques jours d’intervalle, des photos de leurs joyeuses retrouvailles à l’hôpital ont été largement partagées dans les médias et sur les réseaux sociaux.
« Je n’arrive toujours pas à digérer ce que j’ai vécu, ni le fait que je sois à la maison (…) », a écrit Itay dans un message publié sur les réseaux sociaux mercredi, dans ce qui semble être ses premiers commentaires publics depuis sa libération. « Mais je voulais vous dire un grand merci à tous. Merci de ne pas vous être arrêtés un seul instant et de vous être battus pour nous jusqu’à la dernière seconde. Merci de vous battre pour les autres otages, et bien sûr merci aux soldats de Tsahal, qui se sont battus et continuent de se battre pour nous et pour le pays. »
« Nous ne nous arrêterons pas tant que tout le monde ne sera pas rentré chez soi, et tant que tout le monde n’aura pas retrouvé sa famille. Il n’y a pas de mots pour expliquer à quel point Maya et moi sommes reconnaissants envers vous », a-t-il ajouté.
Sapir Cohen a été enlevée au kibboutz Nir Oz le 7 octobre avec son petit ami Sasha Trufanov et sa famille.
« Dix terroristes du Hamas m’ont enroulée dans une couverture (…) Ils m’ont mise sur une moto, et sur le chemin, les habitants de Gaza se tenaient debout avec des bâtons, criaient et me jetaient des cigarettes », a raconté Sapir lors d’un allumage public de Hanoukka dans sa ville natale de Kiryat Ata, selon un reportage diffusé mercredi.
« En captivité, il y a eu des jours où je ne savais pas si j’allais survivre. Je ne peux pas trop expliquer, mais dans les tunnels, il se passe des choses folles. Dieu merci, j’ai été sauvée et j’espère que l’État ramènera les autres otages », a-t-elle ajouté, précisant qu’elle « ressentait un frisson » chaque fois qu’elle pensait à son petit ami, Sacha Trufanov, toujours détenu à Gaza. Le père de celui-ci, Vitaly, a été tué lors de l’attaque. Sa mère Yelena Trufanova, 50 ans, et sa grand-mère Irena Trufanova, 73 ans, qui ont toutes deux la double nationalité israélo-russe, ont été libérées le 29 novembre.
Les frères Yagil, 13 ans, et Or Yaakov, 17 ans, ont été libérés le 27 novembre après plus de 50 jours de captivité. Ils étaient seuls à la maison au kibboutz Nir Oz le 7 octobre et ont été emmenés à Gaza où, selon le récit de l’un de leurs oncles après leur libération, ils ont tous deux été marqués au fer rouge pour les empêcher de s’enfuir.
Le père des garçons, Yaïr Yaakov, qui a été enlevé avec sa compagne Meirav Tal, libérée depuis, est toujours en captivité.
Leur mère, Renana Gome, a déclaré à la Douzième chaîne que Yagil avait d’abord été détenu par le Jihad islamique palestinien, et non par le Hamas, et qu’il était resté seul la plupart du temps. Il n’a été transféré avec son frère aîné que juste avant leur libération.
Or, le frère aîné était détenu avec un groupe de personnes qu’il connaissait, ce qui a rendu l’épreuve plus facile, a-t-elle dit.
Elle a déclaré qu’Yigal avait appris à parler en arabe avec ses ravisseurs, et qu’il avait « malheureusement » beaucoup regardé Al Jazeera. « Il a vraiment appris à les connaître, à savoir qui ils étaient et combien d’enfants ils avaient », a-t-elle ajouté.
Yagil était apparu dans une vidéo de propagande du Jihad islamique palestinien, où ils lui disaient quoi dire. La vidéo a nécessité « 50 prises » dans un studio spécial, lui a-t-il raconté.
« Il a reçu une feuille avec des messages, préparée à l’avance (…) Le plus important pour lui est que tout le monde sache qu’il ne pensait pas du tout ce qu’il a dit là », a déclaré Renana.
Yagil, qui avait 12 ans lorsqu’il a été capturé, en a maintenant 13. Il attend que son père soit libéré pour pouvoir célébrer sa bar mitzvah.