« L’indifférence tue »: Zelensky dit à Israël ce qu’il ressent vraiment
Dans un discours amer et accusateur, le président ukrainien a fustigé Israël, incapable d'aider son pays à combattre la Russie ; il a aussi critiqué l'approche de Bennett

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le président Juif d’un pays combattant pour sa survie s’est adressé aux députés d’un État juif placé sous la menace de la destruction depuis le jour de sa fondation dans la soirée de dimanche. Un événement que l’on attendait émouvant, électrisant.
En définitive, l’allocution du président ukrainien Volodymyr Zelensky aura été courroucée, accusatrice, désespérée et brève : elle aura duré moins de dix minutes.
Zelensky a utilisé cette opportunité qui lui était offerte pour faire part de sa conviction : celle que le refus du gouvernement israélien à fournir des armes et à ouvrir pleinement ses portes aux réfugiés ukrainiens est un refus immoral – et d’autant plus choquant au vu du calvaire subi par le peuple juif sous le joug nazi. Et il a éreinté de surcroît la stratégie du Premier ministre Naftali Bennett dans le travail de médiation avec le Kremlin qu’il avait pourtant lui-même initialement demandé.
Comme l’a noté le président ukrainien, Israël a refusé de donner à l’Ukraine des armes défensives. Il a cité le système de défense antimissile du Dôme de fer, mais la requête soumise par son ambassadeur – qui avait réclamé des gilets pare-balles et des casques – avait été également ignorée. Israël a limité l’entrée sur son territoire des réfugiés ukrainiens, a-t-il souligné, et l’État juif a fait le choix de ne pas imposer de sanctions sérieuses à la Russie.
Le souci des dirigeants israéliens de ne pas froisser la Russie avait entraîné le refus de la requête initiale de Zelensky, qui avait demandé dans un premier temps de s’exprimer officiellement devant la Knesset pour exposer la situation tragique de l’Ukraine. Il lui avait été répondu que le Parlement était en congé et que des travaux de rénovation étaient en cours, même si n’importe quelle salle susceptible d’accueillir un tel événement aurait pu faire l’affaire.
Le discours a donc été prononcé via Zoom – même si la majorité écrasante des législateurs israéliens ont répondu présent, que l’allocution a été diffusée sur les principales chaînes de télévision du pays et qu’une foule d’Israéliens s’est rassemblée pour la regarder en direct sur la place Habima de Tel Aviv.

Plutôt que de susciter l’empathie ou la prise de conscience d’un réexamen de la situation, la réponse immédiate de plusieurs députés à cette intervention a été la condamnation furieuse des parallèles fréquents établis entre le calvaire ukrainien – le bombardement de ses villes, ses milliers de morts et ses millions de sans-abris – à celui des Juifs pendant la Shoah. Le président Zelensky a affirmé que le Kremlin évoquait cette guerre en disant qu’elle serait « la solution finale » à la problématique ukrainienne. Yuval Steinitz, ancien ministre, député du Likud, s’est insurgé, déclarant que de telles comparaisons « frôlent le négationnisme » du génocide juif.
Zelensky, arrêtant quelques minutes de galvaniser la résistance opposée par son pays à l’invasion, avec ce ton à la fois désespéré et décontenancé, a ensuite adopté l’attitude d’un leader ayant presque abandonné tout espoir face à son potentiel allié.
« Vous savez comment protéger vos intérêts politiques et comment protéger l’Ukraine, comment protéger les Ukrainiens, comment protéger les Juifs d’Ukraine. » Et pourtant, a-t-il ajouté, Israël a choisi de ne pas le faire.
« Pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous attendons encore une aide d’Israël ? », s’est-il interrogé avec amertume. « De quoi s’agit-il ? S’agit-il d’indifférence ? D’un calcul politique ? D’une médiation sans prendre parti ? »
« Je vais vous laisser apporter vos réponses à ces questions », a-t-il continué – présentant néanmoins ses propres conclusions. « Je veux souligner que l’indifférence tue », a-t-il poursuivi. « Des calculs peuvent déboucher sur un mauvais résultat ». Et, le poing serré, il a fait part de ses véritables sentiments au sujet des initiatives de médiation de Bennett entre Kiev et Moscou : « On peut faire l’intermédiaire entre des pays. On ne peut pas faire l’intermédiaire entre le Bien et le Mal ».

Israël et les Israéliens devront vivre avec le choix qu’ils ont fait pendant cette guerre, a dit Zelensky aux dirigeants politiques qui le regardaient. Il est ensuite retourné se battre. Sans eux.
Selon la presse israélienne, Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid auraient été « surpris » par la férocité des critiques du président ukrainien. Toutefois, « des sources très haut placées » auraient fait savoir à la Douzième chaîne que la politique israélienne ne changerait pas après cette allocution.
Très précisément comme il s’y serait attendu.
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